Le lait belge toujours plus durable grâce aux efforts de la filière

En 2016, 93 % des éleveurs laitiers étaient investis dans le monitoring  de la durabilité, avec une moyenne de 11 initiatives par exploitation.
En 2016, 93 % des éleveurs laitiers étaient investis dans le monitoring de la durabilité, avec une moyenne de 11 initiatives par exploitation. - DJ

Ces dernières années, le secteur laitier belge a fortement investi dans la durabilité de la production du lait et des produits laitiers. Afin de maintenir cette évolution positive, la Confédération Belge de l’industrie Laitière (CBL) a joint ses forces à celles des organisations agricoles (FWA, Boerenbond et ABS) pour développer un programme de durabilité approfondi axé sur l’ensemble de la filière laitière : de la production à la collecte de lait, jusqu’à sa transformation. Fin 2016, le premier cycle triennal d’inventaire de la durabilité au niveau des fermes laitières a été achevé. Le secteur a évalué les résultats de cette période et en présentait les conclusions la semaine dernière, à la ferme de Warelles.

Au cours de ces trois années, 8 020 producteurs laitiers ont été audités concernant leurs initiatives de développement durable. En 2014, 81 % d’entre eux remplissaient au moins une des 35 initiatives de durabilité du monitoring. En 2016, ils étaient 93 % avec une moyenne de 11 initiatives par exploitation (contre 9 en 2014).

Des belles réalisations…

Des avancées ont été réalisées au sein des 7 domaines de durabilité (santé et bien-être animal, alimentation, énergie, environnement, eau et sol, social).

C’est ainsi que plus d’un producteur laitier sur 4 (27 %) produit sa propre énergie durable, essentiellement par le biais de panneaux solaires. Le lisier est régulièrement utilisé comme nouvelle source d’énergie au moyen de micro-installations de bio méthanisation. 32 % des éleveurs prennent aussi des mesures spécifiques comme la récupération de chaleur et le prérefroidissement du lait, afin de limiter leurs besoins énergétiques primaires.

Dans les domaines de la santé et du bien-être animal, plus de 3 producteurs sur 4 ont conclu un contrat de guidance avec un vétérinaire d’exploitation fixe avec lequel ils élaborent des programmes de lutte contre les maladies animales. 55 % d’entre eux prennent aussi des mesures spécifiques pour entretenir le pelage de leurs animaux.

En alimentation, 51 % des éleveurs procèdent systématiquement à des analyses des fourrages et des calculs de ration en vue d’une efficacité alimentaire optimale.18 % d’entre eux élaborent leurs propres protéines et 38 % produisent du lait avec plus de 80 % de fourrages de leur propre production.

Au point de vue environnemental, les producteurs sont de plus en plus soucieux du maintien de la biodiversité et de la protection et l’amélioration du paysage. À titre d’exemple, près d’un quart d’entre eux investit dans des méthodes de lutte contre les insectes, acariens ou parasites, respectueuses de l’environnement. 1 producteur laitier sur 4 souscrit à un contrat de gestion spécifique avec les autorités afin d’améliorer davantage la biodiversité de leurs terres et 45 % d’entre eux s’engagent pour le maintien des nids d’hirondelles.

Les exploitants cherchent aussi à améliorer l’efficacité des apports en fertilisants, 46 % d’entre eux réalisent systématiquement des analyses de sol accompagnées d’avis de fumure.

… et des améliorations à apporter

Outre ces résultats positifs, les organisations agricoles et l’industrie laitière mettent aussi en avant des points à améliorer. Il reste notamment encore un grand potentiel d’augmentation de la production d’énergie renouvelable et seuls 3 % des exploitations ont réalisé un audit énergétique.

La collecte et la transformation s’améliorent aussi

Les efforts dans le domaine de la collecte du lait ont également un effet. En 10 ans (2006-2016) la consommation de carburant aux 1.000 litres de lait collecté a diminué de 9 %. Ce résultat a été obtenu grâce à l’optimisation du transport routier, une sensibilisation à une conduite plus économe et l’introduction de moteurs plus respectueux de l’environnement. Le rapport admet néanmoins que des efforts doivent encore être faits au niveau de l’utilisation de carburants alternatifs plus respectueux de l’environnement, de l’optimisation du transport routier et d’un pompage du lait énergétiquement plus efficace.

Concernant la transformation du lait, la consommation d’énergie, les émissions, la consommation d’eau et la gestion des déchets sont suivis de près. Depuis 2005, l’industrie laitière est parvenue à réduire sa consommation énergétique de 13 % et ses émissions de CO2 de 22 % par tonne de produit fini. Elle doit par contre encore travailler sur sa propre génération d’énergie, l’augmentation du recyclage de l’eau et la limitation des pertes en ressources.

Lors de la présentation de ces résultats, le ministre wallon de l’agriculture, René Collin a salué le caractère commun et volontaire de la démarche : « Il s’agit d’une démarche initiée par l’ensemble de la filière de manière volontaire. C’est la manière la plus efficace de procéder, quand les acteurs de terrain prennent eux-mêmes des décisions qui sont des facteurs de progrès ». Il a cependant souligné les progrès devant être réalisés en matière de biométhanisation et d’audit énergétique, conseillant aux exploitants de faire un maximum appel aux services gratuits à leur disposition en la matière.

Deuxième tour 2017-2019

Les organisations agricoles et l’industrie laitière ont déjà entamé le deuxième cycle de leur programme de durabilité. Une fois de plus, chaque producteur laitier sera audité. Afin de le sensibiliser davantage, le formulaire sur lequel il doit indiquer ses initiatives de durabilité reprendra également pour chacun de ces initiatives le score national moyen et son propre score du premier tour.

Il existe également des projets pilotes visant à rendre la collecte de lait encore plus durable, par exemple en utilisant des carburants plus respectueux de l’environnement et en recherchant des moyens plus efficaces de pompage du lait. Pour compléter les efforts à travers de la chaîne entière, les transformateurs laitiers se concentrent sur le recyclage de la chaleur résiduelle, le recyclage des condensats de vapeur, la purification des eaux usées et la limitation des pertes de matières premières et les produits alimentaires dans la chaîne.

«Pourquoi ne pas chiffrer les objectifs de durabilité à atteindre»

Lors de la présentation des résultats du suivi de la durabilité du secteur laitier, Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’Université catholique de Louvain et vice-président du GIEC de 2008 à 2015, a resitué le rôle de l’élevage laitier dans le changement climatique et a donné quelques pistes d’amélioration de sa durabilité en Belgique.

Autant que l’aviation internationale

Il rappelle tout d’abord que, d’après la FAO, le secteur laitier contribue à 2,7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre auxquelles il faut ajouter 1,3 % si on considère également la viande « associée ». Soit au total 2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre, c’est-à-dire à peu près autant que le secteur de l’aviation internationale.

« Dans les régions à prairies tempérées, chaque kg de lait (à l’échelle statistique) équivaut 1,5 kg CO2eq, dont environ 50 % de méthane, 30 % de N2O (hémioxyde d’azote) et 20 % de CO2. Le gaz numéro 1 associé à la production laitière est donc le méthane », précise-t-il. « En Europe, il faut également tenir compte de 90 g CO2eq/kg de lait issus des émissions associées au tourteau de soja importé d’Amérique latine (4.8kgCO2eq/kg) »

Opportunité manquée

Il se montre positif face aux progrès réalisés chez nous mais dispense néanmoins quelques conseils. « Comme le rapport de durabilité le montre, de sérieux progrès ont été enregistrés en termes d’empreinte environnementale par kg produit (gaz à effet de serre, eau, déchets…). Néanmoins, on pourrait encore faire mieux en déterminant des cibles quantifiées à atteindre pour certains objectifs de développement durable. Des progrès pourraient également être faits dans des domaines tels que l’alimentation des vaches, le développement de la biométhanisation et la réalisation d’audits énergétiques dans les exploitations. Pour ce dernier point, il s’agit clairement d’une opportunité manquée car ces audits permettent de déterminer les domaines sur lesquels on peut agir le plus efficacement pour diminuer sa consommation d’énergie et donc également faire des économies ».

La ferme de Warelles,engagée en durabilité

À Petit-Enghien, Étienne, Catherine Allard et leurs enfants ont décidé d’appliquer un maximum de durabilité au sein de leur exploitation mixte tournée à la fois vers la production laitière et les cultures.

Ce choix, ils l’ont fait il y a plusieurs années et, pour ce faire, ils se sont entourés de professionnels compétents dans le développement des cultures fourragères (CIPF, la Vache Heureuse), dans l’optimalisation des pratiques culturales (Greenotec…) et en durabilité économique.

L’exploitation est notamment engagée depuis plus de 10 ans en agriculture de conservation des sols. Elle pratique le non-labour, introduit des couverts végétaux dès que possible et optimalise ses traitements phytosanitaires.

Pour l’alimentation animale, la ferme tend vers l’autonomie alimentaire grâce à différentes cultures fourragères telles que la luzerne-trèfle, le méteil, le maïs et les betteraves.

L’autonomie énergétique est également un des objectifs de la famille qui a installé, il y a quelques années, une station de biométhanisation afin de produire sa propre électricité.

Depuis 1996, les exploitants ont également choisi de communiquer sir leur manière de produire en ouvrant leur porte aux enfants en tant que ferme pédagogique.

Pour Étienne Allard, la durabilité en agriculture ne pourra se développer et évoluer que si plusieurs conditions se rejoignent. Pour lui, la formation et l’encadrement devront évoluer vers un conseil indépendant et pertinent. La viabilité économique des exploitations devra aussi être une condition pour permettre plus de durabilité. Enfin, la communication sur les efforts réalisés par le secteur et la proximité avec le consommateur sont des éléments essentiels à développer si l’on souhaite que notre profession retrouve sa crédibilité.

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