Ces dernières années, le secteur laitier belge a fortement investi dans la durabilité de la production du lait et des produits laitiers. Afin de maintenir cette évolution positive, la Confédération Belge de l’industrie Laitière (CBL) a joint ses forces à celles des organisations agricoles (FWA, Boerenbond et ABS) pour développer un programme de durabilité approfondi axé sur l’ensemble de la filière laitière : de la production à la collecte de lait, jusqu’à sa transformation. Fin 2016, le premier cycle triennal d’inventaire de la durabilité au niveau des fermes laitières a été achevé. Le secteur a évalué les résultats de cette période et en présentait les conclusions la semaine dernière, à la ferme de Warelles.
Au cours de ces trois années, 8 020 producteurs laitiers ont été audités concernant leurs initiatives de développement durable. En 2014, 81 % d’entre eux remplissaient au moins une des 35 initiatives de durabilité du monitoring. En 2016, ils étaient 93 % avec une moyenne de 11 initiatives par exploitation (contre 9 en 2014).
Des belles réalisations…
Des avancées ont été réalisées au sein des 7 domaines de durabilité (santé et bien-être animal, alimentation, énergie, environnement, eau et sol, social).
C’est ainsi que plus d’un producteur laitier sur 4 (27 %) produit sa propre énergie durable, essentiellement par le biais de panneaux solaires. Le lisier est régulièrement utilisé comme nouvelle source d’énergie au moyen de micro-installations de bio méthanisation. 32 % des éleveurs prennent aussi des mesures spécifiques comme la récupération de chaleur et le prérefroidissement du lait, afin de limiter leurs besoins énergétiques primaires.
… et des améliorations à apporter
La collecte et la transformation s’améliorent aussi
Deuxième tour 2017-2019
Lors de la présentation des résultats du suivi de la durabilité du secteur laitier, Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l’Université catholique de Louvain et vice-président du GIEC de 2008 à 2015, a resitué le rôle de l’élevage laitier dans le changement climatique et a donné quelques pistes d’amélioration de sa durabilité en Belgique.
Autant que l’aviation internationale
Il rappelle tout d’abord que, d’après la FAO, le secteur laitier contribue à 2,7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre auxquelles il faut ajouter 1,3 % si on considère également la viande « associée ». Soit au total 2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre, c’est-à-dire à peu près autant que le secteur de l’aviation internationale.
« Dans les régions à prairies tempérées, chaque kg de lait (à l’échelle statistique) équivaut 1,5 kg CO2eq, dont environ 50 % de méthane, 30 % de N2O (hémioxyde d’azote) et 20 % de CO2. Le gaz numéro 1 associé à la production laitière est donc le méthane », précise-t-il. « En Europe, il faut également tenir compte de 90 g CO2eq/kg de lait issus des émissions associées au tourteau de soja importé d’Amérique latine (4.8kgCO2eq/kg) »
Opportunité manquée
Il se montre positif face aux progrès réalisés chez nous mais dispense néanmoins quelques conseils. « Comme le rapport de durabilité le montre, de sérieux progrès ont été enregistrés en termes d’empreinte environnementale par kg produit (gaz à effet de serre, eau, déchets…). Néanmoins, on pourrait encore faire mieux en déterminant des cibles quantifiées à atteindre pour certains objectifs de développement durable. Des progrès pourraient également être faits dans des domaines tels que l’alimentation des vaches, le développement de la biométhanisation et la réalisation d’audits énergétiques dans les exploitations. Pour ce dernier point, il s’agit clairement d’une opportunité manquée car ces audits permettent de déterminer les domaines sur lesquels on peut agir le plus efficacement pour diminuer sa consommation d’énergie et donc également faire des économies ».
À Petit-Enghien, Étienne, Catherine Allard et leurs enfants ont décidé d’appliquer un maximum de durabilité au sein de leur exploitation mixte tournée à la fois vers la production laitière et les cultures.
Ce choix, ils l’ont fait il y a plusieurs années et, pour ce faire, ils se sont entourés de professionnels compétents dans le développement des cultures fourragères (CIPF, la Vache Heureuse), dans l’optimalisation des pratiques culturales (Greenotec…) et en durabilité économique.
L’exploitation est notamment engagée depuis plus de 10 ans en agriculture de conservation des sols. Elle pratique le non-labour, introduit des couverts végétaux dès que possible et optimalise ses traitements phytosanitaires.
Pour l’alimentation animale, la ferme tend vers l’autonomie alimentaire grâce à différentes cultures fourragères telles que la luzerne-trèfle, le méteil, le maïs et les betteraves.
L’autonomie énergétique est également un des objectifs de la famille qui a installé, il y a quelques années, une station de biométhanisation afin de produire sa propre électricité.
Depuis 1996, les exploitants ont également choisi de communiquer sir leur manière de produire en ouvrant leur porte aux enfants en tant que ferme pédagogique.
Pour Étienne Allard, la durabilité en agriculture ne pourra se développer et évoluer que si plusieurs conditions se rejoignent. Pour lui, la formation et l’encadrement devront évoluer vers un conseil indépendant et pertinent. La viabilité économique des exploitations devra aussi être une condition pour permettre plus de durabilité. Enfin, la communication sur les efforts réalisés par le secteur et la proximité avec le consommateur sont des éléments essentiels à développer si l’on souhaite que notre profession retrouve sa crédibilité.