La Confrontation européenne Holstein, événement très attendu par les éleveurs Holstein internationaux, se tiendra les 12 et 13 avril prochains à Libramont. Près de 20 pays participeront à l’événement et présenteront leurs animaux au concours Holstein et Red Holstein reconnu comme étant le plus prestigieux d’Europe et organisé tous les 3 ans par l’un des membres de la Confédération européenne Holstein (EHRC).
Pour des raisons sanitaires, la Belgique n’avait plus accueilli la confrontation depuis 2004. « Dès que la Belgique a récupéré son statut indemne d’IBR, elle a posé sa candidature. C’est avec plaisir que le Herd-Book, l’Awé et Natacha Perat, la directrice de la Foire de Libramont, ont pu annoncer, lors de l’édition 2016 de la Confrontation à Colmar, que la Belgique serait l’hôte de la Confrontation en 2019 », explique Jonas Pussemier.
Dans les infrastructures du Libramont Exhibition
Ça ne sera donc plus Brussels Expo et le salon Agribex qui accueilleront l’événement (comme en 1996, 1998, 2000 et 2004) mais bien la foire de Libramont avec, en support technique, l’Association Wallonne de l’Élevage (Awé) et son Herd-Book Holstein, ainsi que la supervision de la Fédération européenne Holstein EHRC. « Le fait de ne plus être associé au salon Agribex n’est certainement par un handicap car la confrontation est un événement international qui est sûr d’accueillir près de 50.000 visiteurs. C’est le noyau de la génétique que se réunira à Libramont mi avril et c’est vraiment un honneur de pouvoir accueillir tout ce petit monde en Belgique », dit le jeune éleveur.
Concours, contraintes et sélection
Pour le concours, chaque Herd-Book national a l’opportunité d’inscrire une vingtaine d’animaux. En Belgique, le Herd-Book a décidé de présenter 16 animaux. « À Colmar, nous étions présents avec 6 vaches, c’est donc plus du double. L’idée, c’est de proposer 13 ou 14 noires et 2 ou 3 rouges. Parmi celles-ci, 4 places sont proposées à des animaux du Herd-Book flamand. Ceux-ci s’occuperont eux-mêmes de leur sélection. Du côté wallon, la procédure de présélection est en passe d’être lancée », explique Jonas.
Les éleveurs intéressés devront rendre leur préinscription pour le 1er février. Si le nombre total d’animaux proposés excède 32, une présélection sera réalisée par des juges. « La sélection finale aura lieu quelques semaines avant le concours car certaines bêtes n’ont pas encore vêlé et d’ici là tout peu changer. Il s’agit avant tout d’animaux et un tas de facteurs peuvent influencer leur disposition à participer au non au concours : la gestation, le vêlage, les mammites… Les concours, c’est beaucoup de préparation et d’espérance et ce, longtemps à l’avance. Pourtant, au final, c’est la santé de l’animal qui décide et parfois un peu la chance aussi ». Les 12 participantes, ainsi que quelques réserves, seront évaluées et sélectionnées en ferme. Outre les paramètres caractérisant les animaux, les juges devront tenir compte de contraintes propres au concours pour la composition du lot belge. « Le lot devra compter un certain pourcentage de primipares et de deuxième veau. Le concours rassemblera environ 150 vaches noires et 50 vaches rouges tous pays confondus. Pour que les séries soient homogènes chaque pays doit se tenir à cette contrainte. Il y aura peut-être de très bonnes primipares qui resteront à l’étable, c’est dommage mais c’est le jeu ».
Un niveau de plus en plus élevé
Une sélection nécessaire vu le niveau du concours. « Le niveau augmente partout, en Belgique et à l’étranger. En 2000, Papa a eu la chance de décrocher un premier prix lors de la confrontation européenne mais, la même vache présentée aujourd’hui ne ferait plus les mêmes résultats. Actuellement, on essaie de jouer sur les fourrages grossiers pour développer la côte et la capacité d’ingestion. Nos vaches sont en ration totale mélangée mais en préparation de concours, il m’arrive de les isoler et les nourrir au foin pour favoriser ce développement. Ce sont des choses qu’on ne faisait pas il y a 15 ans mais c’est nécessaire aujourd’hui si on veut suivre le mouvement ».
La Belgique ne compte d’ailleurs pas parmi les plus faibles participants lors du concours. « Nous nous débrouillons pas trop mal par rapport au nombre d’animaux dans le pays. À Colmar, nous nous sommes positionnés en première moitié de série mais il est toujours difficile d’aller titiller les leaders que sont la Suisse, la France, l’Italie, l’Allemagne et Espagne. La Suisse nous donne particulièrement du fil à retordre. Avant, il se présentait comme un rival normal mais depuis plusieurs confrontations, le pays rafle tout. Il a fait énormément de sélection sur les systèmes mammaires, les gènes les plus difficiles à fixer. Les Suisses présentaient des animaux avec de superbes pis et de très bon placement de trayons mais qui manquaient de conformation. Or, ce caractère est plus facile à sélectionner, ils ont donc rapidement comblé leur retard. C’était malin. Tout ça est aussi le but de la confrontation : se comparer et apprendre des autres participants ».
Un rassemblement préalable des animaux
Grande nouveauté pour cette confrontation, les animaux belges seront rassemblés dans une ferme à l’entrée de Liège 15 jours avant la compétition. « L’Awé a trouvé une ferme vide où les installations sont encore au top. Elle y rassemblera l’ensemble des vaches deux semaines avant le concours. C’est une pratique courante dans les gros pays tels que la Suisse, la France ou l’Allemagne mais, pour nous, ça sera une première. L’objectif est d’essayer d’installer une routine d’alimentation et de soin. Ainsi, quand on arrive au concours, tous les animaux ou les lots d’animaux mangent la même chose et chaque éleveur ne suit pas avec son sac d’aliments. Cela simplifie beaucoup les choses pour l’équipe de préparation aussi qui connaît les animaux et sait comment ils se comportent à la traite. Durant cette période, les éleveurs s’en remettront à ces professionnels, même s’ils seront sans doute conviés à la sélection stricte des 12 participantes. Cela permettra à tout le monde de comparer les vaches côte à côte, hors de leur étable, et de mieux comprendre les choix faits ».
Une journée ferme ouverte le jeudi 11 avril
Pour cette édition, Jonas ne fera pas partie de l’équipe de préparation. En effet, l’élevage familial Bois Seigneur Holstein ouvrira ses portes lors de la journée ferme ouverte organisée en marge de la Confrontation. Le jeudi 11 avril, de 10h à 19h, quatre fermes volontaires accueilleront des visiteurs belges et étrangers au sein de leur exploitation. « Pour nous qui sommes bercés dans la génétique, c’est vraiment le must. Nous aurons l’opportunité d’échanger et nouer des contacts avec des passionnés comme nous. C’est vraiment un honneur de recevoir toutes ces personnes ». Au cours de cette journée, Eddy et Jonas Pussemier présenteront l’historique de l’exploitation et exposeront leur manière de travailler aux visiteurs. Chaque animal sera soigneusement préparé et leur pedigree sera mis en évidence.
Autre nouveauté lors de cette journée porte ouverte, l’organisation d’une criée silencieuse. « Les organisateurs sont partis du constat que la Wallonie regorgeait de bonne génétique issue de pays nord-américains et que c’était le bon moment pour tenter de favoriser le commerce en Wallonie, en Belgique et à l’international. Chaque ferme participante proposera au moins 10 animaux repris dans un catalogue à un prix minimum défini par les organisateurs et les éleveurs. Lors de leur visite, les acheteurs potentiels auront l’opportunité d’enchérir de manière isolée et discrète et c’est l’enchère la plus élevée qui sera retenue. Lors de cette criée, chaque élevage mettra ses forces en valeur. Dans notre cas c’est sans aucun doute la conformation ».
Lors de la Confrontation, une criée d’élite aura également lieu le vendredi soir. « Cette criée rassemblera des animaux au palmarès connu et reconnu et qui résonne dans le monde entier ».
Trois journées riches donc, qui passeront sans doute comme une lettre à la poste mais que les éleveurs et organisateurs préparent depuis des mois.
C’est en 1989 que Comestar Laurie Sheik croise le chemin de l’élevage Bois Seigneur Holstein, l’un des trois élevages belges à l’origine de son introduction en Europe.
Lors d’une criée d’élite au Canada
Dans les années ‘80, Annie et Eddy Pussemier reprennent l’exploitation familiale et, sous l’impulsion de collègues éleveurs, ils décident de développer un élevage Holstein et la production de lait qui offre un revenu plus régulier. Eddy s’intéresse très vite à la race pure et acquiert un lot de 25 génisses gestantes en Wallonie. En 1989, le fils d’un voisin éleveur en stage dans l’élevage Comestar au Canada les avertit de l’organisation d’une criée d’élite. Eddy, son voisin et un troisième éleveur décident de se rendre sur place pour l’achat éventuel de l’un de ces animaux d’exception. Le potentiel de Comestar Laurie Sheik leur saute aux yeux et ils acquièrent l’animal à trois. Malheureusement, la bête ne peut quitter le territoire canadien. L’élevage Comestar garde alors des parts sur la vache et tous les embryons exportables prennent la direction de la Belgique. « Comestar Laurie Sheik a eu un impact mondial. Elle a été nommée première vache de l’année au Canada en 1995 et a très bien reproduit par la voie femelle comme la voie mâle. Le Canada a beaucoup exploité la voie mâle et beaucoup de ses taureaux sont rentrés dans des centres d’insémination. En Belgique, nous avons exploité le côté femelle. Elle a fait l’objet d’énormément de demande d’embryons et cela a véritablement lancé notre élevage. Nous avons eu 5 propres filles de Laurie Sheik à la ferme et aujourd’hui, 60 % du troupeau est encore issu de cette vache », explique Jonas Pussemier.
Black Laure de Bois Seigneur, l’emblème
En 1996, Black Laure de Bois Seigneur, fille de Blackstar sur Laurie Sheik, est devenue l’emblème de l’élevage Pussemier grâce à son prix de championne nationale à Agribex (contre sa propre fille). « Cette famille transmettait de très bons membres et de bonnes croupes. Ces caractères étaient vraiment fixés dans les gènes et il nous fallait juste travailler sur les autres paramètres. Nous continuons à l’exploiter aujourd’hui, elle n’est pas du tout démodée et c’est toujours elle qui nous ramène de bons résultats en concours », précise Jonas. « Nous sommes en quelque sorte arrivés au bon moment. À l’époque de Laurie Sheik, le transfert d’embryon était une technique novatrice. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus commun et à la disposition de tous. Nous n’avons quasi plus de demande dans ce sens et puis, nous estimons aussi que chaque vache a le droit à sa chance d’avoir sa fille dans notre troupeau. Nous travaillons uniquement par insémination, ce qui permet de varier la génétique et d’aller chercher de très bons pères partout dans le monde », dit-il encore.
Des vaches rentables dans une étable confortable
Après quelques années de travail à l’extérieur, Jonas a décidé de prendre la suite de ses parents dans l’exploitation et il sera prochainement rejoint par son frère, Bruno. Son retour a notamment engendré un coup de neuf au niveau des infrastructures. « Quand je suis revenu sur la ferme, je voulais créer un truc à moi. L’étable était un peu petite, on trayait plus de vaches que prévu et la surface de couchage par vache était très réduite. J’ai donc envisagé de moderniser tout cela. Notre génération doit relever de nouveaux défis et le robot de traite pouvait m’y aider. La technologie était au point et elle pouvait m’apporter plus de flexibilité. Pour l’implémenter, il était nécessaire d’élargir l’ancienne étable. C’est alors que j’ai décidé de faire un nouveau bâtiment, pour le confort des animaux et notre propre confort. Aujourd’hui, nous sommes enchantés de ce changement. Après un an d’utilisation, nous n’avons aucun point négatif à soulever. Notre production moyenne est passée de 32 litres à 38 litres, principalement parce que les vaches sont traites en moyenne 2,7 fois par jour mais aussi grâce à leur alimentation individuelle via le robot et l’espace disponible dans l’étable. Les vaches en première lactation peuvent exprimer tout leur potentiel. Les mammites se font également de plus en plus rares. Notre étable est confortable et je suis persuadé que cela a un impact sur la longévité du troupeau. Nous trayons 61 vaches et 12 sont en cinquième lactation ou plus. Quand on sait qu’une vache n’est rentable qu’à partir de 1,5 lactations, on se rend compte de l’importance de ce paramètre ».
La famille Pussemier valorise 10 % du lait produit en vente directe sous forme de fromage, yaourt, glace ou via un distributeur de lait frais. « On me demande souvent pourquoi nous n’avons pas installé deux robots. Mais nous ne voulons pas traire plus, si on augmente quelque chose, c’est la vente directe. Aujourd’hui, je connais chacun de mes animaux. Deux robots, c’est deux fois plus de vaches et je ne pourrais pas y mettre la même passion. Mon dada, c’est la génétique. Je me lève chaque jour avec l’envie de faire mieux et relever un nouveau défi. Produire du lait pour produire du lait, ça ne me suffit pas, j’ai besoin de plus. Mais de toute façon tout est lié, les concours c’est magnifique mais évidemment tout le reste doit suivre. Et puis l’arrivée de mon frère sera également un atout. On se complète et c’est une bonne chose pour l’avenir de notre exploitation », conclut Jonas.