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Travailler en filière doit être une force, et non une contrainte!

Dans la filière agroalimentaire, les termes « contrôle » et « traçabilité » sont souvent synonymes de contraintes pour les partenaires du premier maillon que sont les agriculteurs. Communiquer davantage sur ces points permettrait pourtant de restaurer la confiance des consommateurs envers le monde agricole.

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À l’occasion de son Assemblée annuelle, organisée le 12 février dernier, la Fédération wallonne de l’agriculture a invité un panel de personnalités issues du monde agricole ou travaillant en lien étroit avec celui-ci à débattre de la manière de tirer profit de l’organisation en filière, pour une meilleure valorisation de nos productions auprès des consommateurs.

Profiter des systèmes de traçabilité

En tant qu’éleveur ou cultivateur, vous le savez : l’agriculture belge est une des plus contrôlées au monde. Un point sur lequel Léonard Théron, vétérinaire et manager de Hipra, insiste dès l’entame des discussions : « Notre système agroalimentaire bénéficie d’un excellent système de traçabilité, de la fourche à la fourchette. Les multiples contrôles effectués peuvent paraître lourds et contraignants, mais nous devons apprendre à en profiter. »

Tous les maillons de la filière sont en effet contrôlés en vue de s’assurer de la bonne conformité de nos denrées alimentaires : absence de résidu de produits de protection des plantes, absence d’antibiotique ou d’hormone de croissance, respect des règles d’étiquetage… Mais les consommateurs l’ignorent bien trop souvent. « Il est essentiel de communiquer à ce sujet. Nous devons en faire un atout et non une contrainte. D’une part, pour regagner la confiance des consommateurs ; d’autre part, pour leur montrer combien l’agriculture wallonne est qualitative et respectueuse de l’environnement. À ce titre, elle devrait d’ailleurs être classée au patrimoine mondial de l’humanité ! »

Léonoarc Théron : « Notre agriculture devrait être classée au patrimoine mondial de l’humanité. »

La complexité des étiquettes apposées sur les aliments est également pointée du doigt. Rares sont les consommateurs à savoir les déchiffrer ou à s’y attarder. On pourrait pourtant s’en servir comme outil de communication positive, ce qui aurait davantage d’impact pour la défense du secteur agricole. « Indiquer qu’il s’agit de produits locaux serait un premier pas », avance Léonard Théron.

Miser sur la proximité

En matière de proximité, Philippe Mattart, directeur de l’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité, acquiesce. Il constate que les consommateurs veulent se rapprocher de ceux qui produisent leur alimentation. « Bien sûr, le budget est encore un critère de décision important lors des achats alimentaires. Mais le comportement des consommateurs traduit une envie de plus en plus forte de profiter d’une alimentation locale, qualitative et traçable. »

En gardant cela à l’esprit, les agriculteurs pourraient mieux répondre aux attentes de leurs concitoyens. C’est d’ailleurs ce que tentent de faire d’autres acteurs de la filière, comme les transformateurs. En témoigne Florence Fernemont, créatrice et gérante des boulangeries-pâtisseries « Carrément bon » : « En nous inscrivant dans une filière de proximité, nous avons l’opportunité de remettre de l’authenticité dans nos produits mais aussi d’apporter la transparence que sollicitent les consommateurs quant à l’origine de nos matières premières ».

Garantir la transparence

Dans une filière de proximité, artisans et agriculteurs doivent être d’étroits partenaires pour garantir ladite transparence. Grâce aux contrôles effectués, les agriculteurs sont d’ailleurs en mesure d’attester de la qualité de leurs produits vis-à-vis des transformateurs. Sur cette base, ces derniers dialoguent avec les consommateurs et leur exposent en toute honnêteté le travail réalisé en amont pour leur fournir une alimentation de qualité. « Il est impératif de rappeler à nos concitoyens que les mécanismes de traçabilité mis en place leur permettent d’avoir une entière confiance en ce qu’ils mangent », insiste encore M. Mattart.

Expliquons à nos concitoyens que les mécanismes de traçabilité mis en place tout au long de la chaîne agroalimentaire,  de la fourche à la fourchette, leur permettent d’avoir une entière confiance en ce qu’ils mangent.
Expliquons à nos concitoyens que les mécanismes de traçabilité mis en place tout au long de la chaîne agroalimentaire, de la fourche à la fourchette, leur permettent d’avoir une entière confiance en ce qu’ils mangent. - J.V.

En vertu de cette même transparence, tout un chacun devrait être en mesure de mettre un visage sur les personnes qui ont la lourde tâche de produire notre alimentation. « Il faut redonner une identité aux filières, du premier maillon qu’est l’agriculteur jusqu’au dernier qu’est le distributeur. Montrons que notre agriculture est liée au sol, ce qui n’est pas le cas partout dans le monde », poursuit-il. Cela permettrait de valoriser davantage les productions wallonnes.

Se regrouper pour négocier et coopérer

Mme Fernemont pointe néanmoins un problème : « Les filières doivent bien souvent être mieux construites et organisées. Mais avant toute chose, il faut que les agriculteurs reprennent la main sur ce qu’ils produisent et commercialisent ». Joao Pacheco, membre du groupe de réflexion « Farm Europe », complète : « La distribution de la valeur ajoutée n’est pas équitable et se fait au détriment des agriculteurs. C’est un point sur lequel il est essentiel de travailler, pour une meilleure prise en compte du travail des agriculteurs ».

Joao Pacheco: « La distribution de la valeur ajoutée n’est pas équitable et se fait au détriment des agriculteurs. »

« Les entreprises de la grande distribution constatent que leur masse salariale augmente. Mais les agriculteurs, eux, n’ont plus été indexés et ne se sont plus indexés depuis 40 ans ! Heureusement pour nous que leur mission de nourrir le monde est avant tout leur passion », enchaîne le docteur Théron. « On assiste à un véritable appauvrissement de la population agricole. »

Plusieurs débatteurs soulignent la nécessité d’accompagner les agriculteurs, pour qu’ils se regroupent et pèsent plus lourd face aux autres maillons de la chaîne agroalimentaires. « Seul face à la grande distribution, un éleveur ou un cultivateur n’a aucun pouvoir de négociation. Mais en s’organisant en groupe, il est possible de faire front commun dans les négociations avec les autres maillons », insiste Joao Pacheco.

« Œuvrons également pour un renforcement de la coopération entre la production primaire et les artisans », plaide encore Florence Fernemont. Renforcement qui ne peut néanmoins passer que par une amélioration des circuits logistiques. « Nous avons parfois très difficilement accès aux produits locaux et de saison… », déplore-t-elle. Et Léonard Théron d’ajouter : « La disparition d’outils de proximité, tels que les abattoirs communaux, entrave aussi cette collaboration entre artisans et agriculteurs. Alors que la renforcer ramènerait de la vie dans nos villages de campagne, bien souvent réduits au rôle de dortoirs pour travailleurs citadins… ».

J.V.

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