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Utilisation du glyphosate en grandes cultures: plus de dix mille agriculteurs français témoignent

Plus de 10.000 agriculteurs ont répondu à l’enquête en ligne lancée l’été dernier en France par les instituts techniques agricoles. Objectif : mieux connaître les usages du glyphosate dans les fermes de grandes cultures et recueillir les avis des « gros » producteurs sur l’interdiction programmée de cet herbicide.

Temps de lecture : 5 min

Après l’interdiction de son usage dans une majorité d’espaces publics en 2017, le glyphosate est interdit pour les particuliers français depuis 2019. L’élargissement attendu de ces restrictions ou interdictions au monde agricole soulève de nombreuses questions autour de son utilisation actuelle (quels types d’usage, quelles fréquences, quelles doses, dans quel contexte, etc.) et des alternatives de remplacement.

Pour y répondre, une enquête réalisée conjointement par plusieurs instituts (Acta, Arvalis, Fnams, ITB et Terres Inovia) a été proposée aux agriculteurs en France, aussi bien utilisateurs que non-utilisateurs de cette substance active, du 15 juillet 2019 au 18 septembre 2019 (via mailing essentiellement).

L’enquête a recueilli 10.183 réponses, dont 7.677 réponses complètes, ce qui est plutôt important pour une enquête en ligne. Cela montre la volonté des producteurs de partager leurs pratiques.

Une utilisation large du glyphosate

Les répondants possèdent une exploitation d’une surface moyenne de 176 ha, principalement cultivée en grandes cultures céréalières (avec une charge en cultures d’hiver assez élevée : blé tendre, colza et orge), et conduites avec un travail du sol majoritairement de type labour (68 %).

Près de 95 % des répondants utilisent cet herbicide, ponctuellement ou régulièrement, sur toute ou partie de l’exploitation. Nous sommes donc loin de l’hypothèse généralement avancée d’une utilisation de glyphosate exclusivement en non-labour.

Des utilisations et doses ajustées au cas par cas

Parmi l’ensemble des usages possibles du glyphosate proposés dans l’enquête, six ressortent comme prépondérants (au-delà de 30 % d’utilisateurs), et quatre comme majeurs (au-delà de 50 %). Les quatre usages majeurs sont les suivants :

– lutte contre les vivaces ;

– destruction de repousses ou annuelles en interculture courte d’été ;

– destruction de repousses ou annuelles en interculture longue ;

– entretien des bords de ferme.

Ces usages, surtout d’interculture, sont pleinement justifiés car efficaces et peu chers.

En croisant ces usages et les typologies d’exploitation, il apparaît que les répondants en système labouré sont plutôt des utilisateurs ponctuels de la molécule (1 année sur 3), sur des surfaces limitées (moins de la moitié de l’exploitation), à des doses assez importantes (environ 3 l/ha, variables selon les usages : jusqu’à 5 l/ha sur vivaces).

À l’inverse, les répondants en non-labour sont des utilisateurs plus fréquents de glyphosate (tous les ans), sur des surfaces importantes (toute la surface agricole utile traitée) mais à doses faibles (environ 1 l/ha, voire moins en interculture d’été).

Les exploitations concernées par ces quatre usages majeurs se répartissent schématiquement entre :

– des exploitations de taille assez importante plutôt utilisatrices de cette substance active à petites doses mais sur toute la surface ;

– et des exploitations pratiquant le labour, moins utilisatrices de glyphosate, qui sont de taille plus variable mais en moyenne moins grandes, avec des utilisations à doses plus élevées, sur une partie de l’exploitation.

Concernant le cas particulier de la production de semences, les agriculteurs mutiplicateurs utilisent l’herbicide dans des conditions similaires aux grandes cultures, avec toutefois des situations d’usages plus larges, compte tenu des contraintes de pureté des lots de semences.

L’élément important à retenir est que l’usage de glyphosate n’est pas irraisonné : il est utilisé dans des situations le requérant.

Une absence de réelles alternatives

L’un des objectifs de cette enquête était de savoir si les agriculteurs avaient identifié des alternatives crédibles à l’utilisation de cet herbicide pour leur situation.

Elle fait ressortir que 77,5 % des répondants ne savent pas encore comment ils vont gérer leurs problématiques sans ledit glyphosate.

À noter que sur l’ensemble des répondants, 352 n’utilisent plus cette molécule et que leurs méthodes de gestion des adventices passent par un changement de système (agriculture biologique) ou bien par un changement de rotation (allongement) et de travail du sol (labour, faux-semis, etc.).

Il n’y a donc pas de solutions « novatrices » à court terme pour compenser l’absence de cet herbicide. À noter également que ces exploitations en agriculture biologique ou en cours de conversion sont globalement de taille plus petites(91 ha en moyenne) que celles en agriculture conventionnelle (140 ha).

Ce recours accru au travail du sol (qui ne signifie pas obligatoirement du labour) aura des conséquences sur les besoins matériels, et donc sur les charges liées aux investissements : 70 % environ des répondants devront se rééquiper. Il modifiera également l’organisation des exploitations et les charges de fonctionnement et de main-d’œuvre associées. Cela se traduit par des achats de matériels mais aussi par des outils de travail du sol plus larges ou de l’augmentation de puissance de traction.

Parmi les utilisateurs de glyphosate, 90 % déclarent vouloir intensifier les déchaumages et passages mécaniques avant le semis, 84 % les faux – semis, 75 % les interventions mécaniques dans les intercultures et les cultures, 55 % le labour.

Quelque 76 % déclarent devoir modifier leurs programmes de lutte herbicide.

Un retrait qui mettra les exploitations en difficulté

Les inquiétudes mentionnées dans les réponses libres cette enquête auprès de nos voisins agriculteurs français sont nombreuses et mettent en évidence des contraintes et incertitudes sur la viabilité d’exploitation ou de systèmes tels qu’ils sont menés aujourd’hui.

C’est le cas, par exemple, des systèmes en agriculture de conservation : ils sont vertueux sur de nombreux sujets (sols, érosion, etc.), mais dépendants étroitement de l’utilisation de cette substance active.

Ces systèmes sans recours au glyphosate devront ré-intensifier leur travail du sol, avec des conséquences importantes d’ordre économique (investissements), agronomique (érosion, matière organique, etc.), environnemental (consommation de carburant, bilan carbone, etc.) et organisationnel (capacité à travailler toute la surface, main-d’œuvre, jours disponibles).

Les inquiétudes portent aussi sur d’autres conséquences techniques de l’arrêt du glyphosate, avec de probables recrudescences de vivaces et d’adventices annuelles, voire des risques sanitaires accrus (ergot, adventices allergisantes ou toxiques…).

Finalement, la balance bénéfices / risques de ce retrait, pour les agriculteurs, n’a pas été clairement établie. Mais une inquiétude vis-à-vis de la concurrence dans une économie ouverte, face à leurs voisins encore utilisateurs, est clairement exprimée par de nombreux répondants.

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