Accueil Cultures

La diversification des cultures, un levier majeur pour soutenir la transition agro-écologique de nos systèmes agroalimentaires

Le projet DiverImpacts a pour objectif d’étudier l’ensemble des bénéfices et des potentialités qu’offre une plus grande diversité d’espèces au sein de systèmes de cultures. En effet, cette diversification apparaît comme une solution clé pour le développement d’agro-écosystèmes multifonctionnels moins gourmands en intrants.

Temps de lecture : 8 min

Tout au long de son parcours, le projet DiverImpacts a exploré comment différentes stratégies de diversification (allongement des rotations, cultures associées, cultures multiples en ce incluant les cultures de service, intercalaires – figure 1), mises en œuvres et soutenues par les acteurs des filières peuvent contribuer, d’une part, à accroître la durabilité et la résilience de nos systèmes agroalimentaires et, d’autre part, à atteindre les objectifs du Pacte vert européen.

Figure 1: différentes stratégies de diversification des cultures (Cra-w).
Figure 1: différentes stratégies de diversification des cultures (Cra-w).

Amélioration significative… et adaptation continuelle

La diversification des cultures peut améliorer de manière significative le rendement, la biodiversité et plusieurs services écosystémiques, tels que la qualité de l’eau et des sols et la lutte contre les parasites et les maladies, par rapport aux systèmes de cultures actuels. Cependant, il existe plusieurs obstacles technologiques, organisationnels et institutionnels à la mise en œuvre de différentes stratégies de diversification.

Il est donc nécessaire d’adapter continuellement les stratégies, les cultures et leur gestion aux contextes pédologiques, climatiques et socio-économiques locaux. Il convient aussi de supprimer les obstacles au sein des systèmes agroalimentaires afin de bénéficier pleinement de cette diversification des cultures.

Dans ce cadre, DiverImpacts a souligné l’importance de la mobilisation de nouvelles connaissances, compétences, savoir-faire et outils d’aide à la décision adaptés dans la gestion de systèmes de culture diversifiés. À l’échelle de la filière, la coordination, l’innovation et l’apprentissage entre acteurs sont des facteurs clés pour étendre la diversification des cultures.

Le projet a montré que, globalement, pour la transformation de notre système agro-alimentaire, il faut passer de politiques « sectorielles, spécifiques aux cultures et prescriptives », à une approche « systémique et dynamique ». Cela implique des défis importants au niveau de la recherche, du développement, du conseil, de l’organisation du secteur agroalimentaire et des politiques.

Interconnecter différentes stratégies de diversification

Afin de concevoir des systèmes de culture à haut rendement avec moins d’intrants et moins d’impacts environnementaux, tout en tenant compte de la diversité des conditions biophysiques et socio-économiques, différents points d’attention ont été mis en avant par le projet.

Premièrement, une partie importante des espèces dominantes doit être maintenue dans le système diversifié. Cependant, il est nécessaire d’adapter leur phytotechnie en mobilisant des pratiques plus agroécologiques.

Ensuite, les cultures mineures, telles que les légumineuses, doivent être mobilisées sous différentes formes (cultures en associations, sous-semis, cultures de couverture) pour augmenter la fourniture de services écosystémiques et/ou les performances économiques.

Troisièmement, les stratégies compensatoires, c’est-à-dire les cultures associées et les cultures multiples ( figure 1 ), doivent être mises en œuvre pour augmenter et sécuriser les rendements. Et ce, tout en augmentant la fourniture de services écosystémiques !

Enfin, l’utilisation d’une approche systémique et d’une gestion adaptative permettrait d’ajuster les pratiques culturales dans un contexte en évolution et de tirer le meilleur parti de la diversification des systèmes de culture. Pour atteindre un tel objectif, un processus basé sur l’apprentissage, visant à améliorer la compréhension du système, doit être mis en place.

Les barrières à la diversification

Un panel de 46 barrières à la diversification des systèmes de culture a été identifié, de même que certaines solutions (systèmes de contrats, prix équitables…) développées et testées dans le cadre du projet.

Afin de surmonter ces barrières, différentes recommandations peuvent être formulées. Ainsi, les partenaires du projet estiment qu’il est nécessaire de :

– suivre le développement de la diversification des cultures aux niveaux régional, national et européen ;

– adapter la politique agricole commune pour soutenir les pratiques agroécologiques innovantes, incluant la diversification des cultures ;

– réaffecter les ressources de recherche et développement vers les cultures mineures et de diversification ;

– proposer des mécanismes financiers pour atténuer ou partager les coûts et les risques liés à l’innovation et à l’investissement ;

– soutenir la coopération entre les acteurs qui entreprennent de diversifier les cultures ou de développer des innovations (jusqu’à présent cette coopération reste très faible, elle a besoin d’incitations fortes) ;

– entreprendre de vastes campagnes de communication pour promouvoir les avantages des cultures mineures et la consommation des produits associés.

Soutenir la prise de décision

Afin de soutenir la prise de décision des agriculteurs en matière de diversification, de les aider à développer des stratégies clés tenant compte des conditions pédoclimatiques mais aussi socio-économiques locales, DiversImpacts a notamment construit une boîte à outils permettant de trouver des outils d’aide à la décision pertinents parmi plus de 140 ressources et outils disponibles.

Les partenaires du projet ont également adapté et mobilisé plusieurs outils pour évaluer les performances attendues et observées de la diversification à l’échelle du système de culture, de l’exploitation, du territoire et de la filière.

« Une partie importante des espèces dominantes doit être maintenue dans le système  diversifié. Cependant, il est nécessaire d’adapter leur phytotechnie en mobilisant  des pratiques plus agroécologiques », détaillent les partenaires du projet DiverImpacts.
« Une partie importante des espèces dominantes doit être maintenue dans le système diversifié. Cependant, il est nécessaire d’adapter leur phytotechnie en mobilisant des pratiques plus agroécologiques », détaillent les partenaires du projet DiverImpacts.

Le travail effectué a également montré qu’il y a un défi à relever pour combiner le temps de l’action (les agriculteurs demandent une réponse rapide à leurs questions) et le temps de la recherche nécessaire pour développer de nouvelles solutions. En outre, la disponibilité des données demeure un problème majeur pour le développement, la validation et l’utilisation des outils proposés.

Sur ce dernier point, il est absolument nécessaire d’harmoniser les réseaux de données disponibles au niveau national mais également européen. De plus, il convient d’y intégrer les variables nécessaires à l’évaluation des différentes dimensions de la durabilité. Réflexion qui est en œuvre à l’échelle européenne avec une transition attendue du « Réseau d’information comptable agricole » vers le « Réseau de données agricoles relatives au développement durable » en 2025.

Des politiques de soutien

Comment passer de mesures de soutien spécifiques à une culture, orientées « pratiques », à des mesures soutenant des gestions dynamiques, orientées « résultats », nécessaires pour la mise en œuvre de schémas de cultures plus diversifiés ?

Actuellement, les schémas de soutien n’incitent pas à prendre en compte les bénéfices associés à la diversification des systèmes de cultures dans la gestion de ces cultures et la réduction de l’utilisation des intrants qu’elle permet. De même, si 22 des 25 plans stratégiques nationaux pour la future Pac comprennent des écorégimes traitant de la diversification, aucun ne le fait en considérant l’échelle de la parcelle, ce qui n’incite guère à modifier les pratiques actuelles.

Dans ce contexte, DiverImpacts propose deux approches. En premier lieu, un indicateur global a été développé afin d’objectiver les bénéfices et impacts potentiels, en termes de fourniture de services écosystémiques, associés à une diversification des systèmes de cultures. Le but ? Orienter et suivre la mise en œuvre des pratiques de diversification.

En parallèle, une stratégie associant facilitation et incitation, appliquée tant aux intrants qu’aux outils de soutien à la diversification des cultures, est suggérée. Cette stratégie serait basée sur un système de taxation des intrants intégrant une compensation des revenus des agriculteurs, par restitution des bénéfices issus de cette taxation. Cette stratégie peut aider à atteindre les objectifs du Pacte Vert tout en encourageant la diversification des cultures.

Une recherche avec et pour les acteurs des filières

Un accompagnement et une analyse de la transition de 25 dynamiques mobilisant la diversification des cultures comme un levier de changement ont été réalisés. Cela a permis de dégager un certain nombre d’éléments, que voici.

Trois mécanismes clés permettent de produire des connaissances exploitables : stimuler l’apprentissage social, responsabiliser les acteurs et construire un capital social.

Une recherche et une innovation plus efficaces nécessitent des changements chez les chercheurs et les praticiens ainsi que dans la conception des politiques de recherche. Plus précisément, outre le fait de réunir de multiples acteurs autour de la table, il est nécessaire de développer des moyens innovants de gouverner le projet et tous les éléments qui le composent.

Un autre point est de pouvoir mobiliser des moyens afin de construire des alliances science-société dès la phase de construction du projet et d’en assurer la pérennité au-delà de ce dernier.

Enfin, il convient de donner plus de flexibilité aux gestionnaires de projet pour qu’ils puissent répondre aux développements émergents, tout ne pouvant être anticipé lors de l’élaboration du projet.

Comment aller plus loin pour soutenir la transition ?

Pour répondre à cette question, les experts internationaux et locaux ayant participé au projet DiverImpacts soulignent tout d’abord que les cadres et indicateurs visant à piloter la transition vers des systèmes agroalimentaires plus durables doivent garder l’exploitation agricole comme point de départ de l’évaluation, tout en collectant et en générant des informations pertinentes et utiles au niveau territorial et filière.

Ils mettent également en évidence la nécessité de développer une pensée multidisciplinaire et systémique, attentive à la traduction de systèmes complexes en systèmes compréhensibles et simples.

S’y ajoute la nécessité de co-développer, par des approches multi-acteurs, des solutions adaptées au contexte biophysique et socio-économique local tout en impliquant les acteurs de la recherche, du développement, du conseil et de l’enseignement. Cela permettra, entre autres, de soutenir le transfert de connaissances de la recherche vers leurs utilisateurs finaux.

La mise en place de réseaux interopérables peut jouer un rôle clé pour soutenir le développement d’outils d’aide à la décision (OAD) accessibles et durables. En effet, elle permettrait d’améliorer et de faciliter l’échange automatisé de données, même dans des cas d’utilisation très complexes comme pour des pratiques culturales très diverses. Pour ce faire, le développement et la mobilisation de normes sont des éléments clés.

Lesdits experts concluent sur l’importance de stimuler et soutenir la coordination des acteurs de la filière. Pour ce faire, il est nécessaire d’être clair sur la production, le coût ou la rentabilité de l’exploitation et de la filière ; de développer une coopération horizontale (entre producteurs) et verticale (avec l’ensemble des acteurs des filières) ; de mettre en place des incitations pour les agriculteurs avec un lien clair entre la rétribution et l’impact ; et, enfin, d’avoir des recommandations politiques claires et un environnement réglementaire stable.

D’après Didier Stilmant

et Sylvain Hennart

Cra-w

A lire aussi en Cultures

Voir plus d'articles