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Rapport sur la durabilité dans le secteur laitier : les producteurs en font concrètement la preuve

S’il y a bien un mot qui est sur toutes les lèvres depuis quelques années, c’est celui de « durabilité ». Sa concrétisation n’est cependant pas une tâche facile. Le secteur laitier a commencé il y a quatre ans à mesurer et analyser sa durabilité, de l’éleveur au transformateur. Une première évaluation est sortie récemment.

Temps de lecture : 7 min

La motivation à mettre ce thème en avant est venue de la volonté du secteur lui-même, mais aussi d’une demande de la clientèle. La surveillance de la durabilité laitière a débuté en octobre 2013. Ce qui est unique, c’est que toute la chaîne de production laitière y participe. Quelque 8.000 producteurs laitiers belges, c’est-à-dire la quasi-totalité, ont complété une check-list pour signifier quelles initiatives ils avaient pris. Mais la collecte et le traitement du lait ont également été examinés et améliorés dans la mesure du possible. La présentation de cette évaluation a eu lieu à la ferme Alkeveld à Zottegem, chez Chris et Leen Steenhuyse.

Un grand pas en avant

Un aspect important de la durabilité est l’empreinte carbone. À cet égard, la production laitière s’est déjà bien améliorée. Une étude a en effet montré que l’empreinte carbone de celle-ci avait diminué de 26 % entre 2000 et 2015. Bien qu’importante, cette baisse est passée inaperçue. Elle est surtout la conséquence d’une quantité supérieure de litres produits par vache, d’une efficience énergétique plus élevée, d’un fourrage brut de haute qualité, de l’utilisation de sous-produits provenant de l’industrie alimentaire, et de la diminution de la consommation de soja.

Une augmentation de 50 %

Mais il y a encore de la marge. Pour le secteur laitier, 35 initiatives potentielles ont été listées que les producteurs peuvent entreprendre pour améliorer leur durabilité. Ces 35 actions peuvent être divisées en 7 catégories : santé animale, bien-être animal, énergie, environnement, nutrition animale, eau et sol, et durabilité sociale. Cela va donc bien plus loin que la seule réduction de l’empreinte carbone.

Les agriculteurs – en dehors de toute connaissance de cette liste – peuvent certainement cocher quelques actions qu’ils réalisent déjà. Par exemple, en 2014, 81 % d’entre eux ont agi via une ou plusieurs de ces initiatives, tandis que ce pourcentage est monté à 96 % en 2017.

En moyenne, les producteurs ont pu entreprendre 13 actions cette année, tandis que cette moyenne était de 9 début 2014. « Cette évolution traduit une vraie prise de conscience », remarque Renaat Debergh, administrateur délégué de la Confédération laitière belge (CLB). Et d’insister sur le fait que cette avancée résulte d’actions non obligatoires mais réalisées de la propre initiative des producteurs.

Durabilité au sein de l’exploitation…

Il s’agit, par exemple, de 78 % des producteurs qui travaillent avec un vétérinaire attitré, tandis que plus de la moitié (55 %) a investi dans une brosse pour assurer le bien-être de leurs animaux. Plus d’un quart (27 %) des interrogés produit de l’énergie renouvelable, à l’aide de panneaux solaires, d’éoliennes, ou encore de biogaz. « Les installations à biogaz sont en augmentation en Flandre, et on constate que le gouvernement néerlandais désire maintenant subsidier ce type de production d’énergie », poursuit Renaat Debergh. Un producteur laitier sur trois (32 %) prend des mesures d’économie d’énergie, et la moitié des producteurs optimalise également l’efficacité de l’alimentation (51 %) et des minéraux (46 %).

Selon Renaat Debergh, une progression rapide pourrait encore être réalisée dans certains domaines, par exemple si les éleveurs installaient des panneaux solaires sur les toitures de leurs bâtiments. De même, seuls 3 % des producteurs ont demandé une analyse énergétique de leur ferme pour déterminer concrètement où ils pouvaient faire des économies.

… et en dehors

Outre les producteurs, les transformateurs peuvent également agir. Entre 2005 et 2016, la consommation de carburant par 1.000 l collectés a diminué de 9 %.

Là aussi, l’administrateur délégué conçoit des points d’amélioration. Le lait pourrait être pompé par des systèmes électriques, et les camions de collecte pourraient circuler avec du carburant plus respectueux de l’environnement comme le gaz naturel. « Le rêve serait de voir ces véhicules rouler au biogaz provenant des petites installations en fonctionnement dans les fermes, et cela finira par arriver », a déclaré Monsieur Debergh, optimiste.

Dans les laiteries également

Les laiteries ont également examiné leur propre fonctionnement à la loupe. Entre 2005 et 2016, elles ont réussi à réduire leur consommation d’énergie de 13 %, leurs émissions de CO2 de 22 %, leur consommation d’eau de 7 % et leur quantité de déchets de 29 %. C’est donc surtout sur l’eau qu’il faut encore faire des efforts. « La production de poudre de lait devrait atteindre une consommation nulle, puisque les entreprises concernées extraient énormément d’eau du lait. » Renaat Debergh est certain que cette consommation d’eau diminuera encore plus avec un certain nombre d’adaptations. Ces améliorations de la durabilité sont néanmoins plus importantes qu’elles ne le semblent, car même en chiffres absolus on peut constater une baisse de consommation, alors que la quantité de lait transformé a augmenté de 40 % entre 2005 et 2016.

Trop tôt pour le soja local

La ferme Alkeveld de Chris et Leen est une des exploitations où la durabilité est réfléchie au quotidien. Chris s’occupe des vaches et des fourrages de l’exploitation, tandis que Leen s’occupe de la transformation du lait et du magasin à la ferme.

Chris trait pour l’instant une centaine de vaches. Celles-ci ont produit en moyenne 10.900 l en 2016, pour une production totale annuelle d’un million de litres.

L’exploitation comporte également des cultures : céréales, pommes de terre et betteraves sucrières. « Toutes les pulpes de betterave reviennent à la ferme », explique Chris. Bien sûr, la paille aussi est utilisée à la ferme. Chris ne s’est pas encore risqué à la culture du soja, mais a l’intention de cultiver des protéagineux l’année prochaine. « Pour le moment, la culture de colza n’est pas rentable dans ma ferme. Peut-être le sera-t-elle à l’avenir. Ou bien peut-être cela doit-il rester l’apanage des agriculteurs spécialisés. Laissons les agriculteurs cultiver le soja, et les éleveurs produire le lait », estime-t-il.

Chris fait un maximum de travail lui-même, alors pour organiser son temps de travail de manière flexible, il a fait le choix des robots de traite. Les robots et la transformation étant de gros consommateurs énergétiques, le couple a installé des panneaux photovoltaïques et solaires sur les toits des bâtiments.

Refroidissement graduel

Chris refroidit le lait au moyen d’un refroidisseur à eau glacée et de trois prérefroidisseurs. Le premier abaisse la température du lait à environ 20ºC, en utilisant l’eau d’un puits ou de l’eau de pluie. Le deuxième amène le lait à une température de 3,5ºC. « Cela évité que du lait chaud entre dans le refroidisseur et permet d’économiser de l’énergie », explique Chris. Le dernier prérefroidisseur est utilisé pour réchauffer le lait lors de l’écrémage.

D’autres mesures ont été prises comme l’installation d’une pompe à vide avec régulateur de fréquence et d’un récupérateur de chaleur sur le refroidisseur.

Eau de pluie

En ce qui concerne l’eau, Chris et Leen veillent également à la durabilité de l’approvisionnement. En tout, l’entreprise dispose d’un réservoir d’eau de pluie de 500.000 litres. « Les pluies tombent de manière irrégulière, mais on peut dire que 80 % de l’eau consommée à la ferme provient de la pluie ». Quand l’eau de pluie ne suffit pas, le puits vient compléter le besoin. « Mais l’eau du puits est assez ferreuse, et les vaches préfèrent l’eau de pluie. Le rendement laitier chute de 1,5 à 2l quand je passe à l’eau du puits, et inversement ». La purification de l’eau se fait par électrolyse sur l’exploitation. Comme cela a un effet désinfectant, le nettoyage de la salle de traite utilise un peu moins d’eau.

Sur le million de litres de lait produit, quelque 60.000 à 70.000 l sont transformés sur place en glaces et produits laitiers frais. « Sachant que nous ne produisons pas de fromage, c’est considérable ». L’exploitation comprend un magasin à la ferme et un salon de dégustation de glaces, ce qui donne une dimension de durabilité sociale à la ferme. Les clients sont accueillis les samedis et dimanches après-midi, ainsi que les mercredis après-midi durant les vacances d’été. « Dimanche dernier, il y avait bien 150 personnes », estime Chris. Un sentier de randonnée existe également autour de la ferme.

Les perspectives d’avenir sont encore nombreuses. La liste des projets du couple de producteurs comprend une nouvelle étable pour les veaux ainsi qu’un développement de la transformation à la ferme. Chris et Leen désirent également installer des panneaux solaires supplémentaires, et pouvoir collecter plus d’eau. « Nous sommes convaincus que les panneaux supplémentaires seront rentabilisés, mais il faut d’abord être en mesure de les acheter évidemment ».

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