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Divorce entre le Royaume-Uni et l’UE: notre agriculture pourrait en souffrir

En se retirant de l’Union européenne, le Royaume-Uni pourrait affecter l’agriculture belge. À court terme, parce que la monnaie britannique perd de la valeur vis-à-vis de l’euro. À plus long terme, l’ampleur des dommages dépendra des accords que les Britanniques pourront conclure avec l’UE.

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Le 23 juin 2016, les Britanniques votaient, lors d’un référendum, à 52 %, en faveur d’un retrait de l’Union Européenne, surprenant tout le monde, même ceux qui étaient favorables à ce Brexit (Britain exit).

Les négociations sur le « divorce » ont débuté le 22 juin 2017. La sortie du Royaume-Uni devrait être effective au 29 mars 2019. À partir de cette date, cet État n’aurait plus de voix politique au sein de l’Union. Mais la date limite de transition serait le 31 décembre 2020.

Nous exportons pour 3,5 milliards !

Pour la Belgique, il y va d’un niveau d’exportation de 3,5 milliards d’euros, selon une étude récente du ministère flamand de l’Agriculture. Ce montant inclut les produits agro-industriels, les produits phyto, les engrais, etc. Il représente en euros 7,7 % du total des importations britanniques de produits relatifs à l’agriculture à partir de l’Union européenne.

Comme les Britanniques achètent également hors UE, les importations à partir de la Belgique représentent 4 % du total de leurs importations dans le domaine agricole.

Le Royaume-Uni est notre 4e marché, après ceux de l’Allemagne, de la France et des Pays-Bas. C’est en outre un marché lucratif, car les chaînes de supermarchés mettent l’accent sur la valeur ajoutée. Les conséquences pour les exportateurs belges risquent donc d’être relativement plus importantes que pour les autres pays européens, à l’exception des Pays-Bas et du Danemark.

L’analyse des exportations de notre pays vers le Royaume-Uni révèle que 37 % de la valeur exportée concernent des produits de grande culture, 20 % des produits horticoles et 17 % des produits animaux. La toute grande majorité de la valeur exportée, soit 80 %, concerne des produits transformés. Le secteur de la pomme de terre, le secteur horticole (légumes surgelés), les produits laitiers et le secteur de la viande forment la majeure partie de l’exportation.

En pommes de terre, l’exportation consiste essentiellement en produits frits. L’exportation de pommes de terre de consommation n’en représente qu’une proportion minime.

Les principaux produits frais ou congelés exportés sont la viande porcine et la viande de volaille. Ces exportations ont augmenté de façon telle, au cours des dernières années, que le marché britannique est devenu notre troisième marché d’exportation pour ces produits. Les principaux végétaux exportés frais sont les fraises et les poires. Un quart des fraises cultivées en Belgique partent vers le Royaume-Uni.

L’exportation de viande bovine vers le Royaume-Uni est quasi inexistante. Mais sur ce plan, les différences sont grandes entre les pays. Ce sont surtout les Irlandais qui exportent de la viande bovine vers le Royaume-Uni. Et c’est là que s’inscrit un risque. Après le Brexit, il est à craindre qu’une partie de la viande bovine irlandaise soit réorientée vers le continent européen.

Manque de visibilité à long terme

Le Brexit aura des conséquences à court et à long terme. Les effets à court terme dérivent surtout des rapports monétaires. Pendant des dizaines d’années, la monnaie britannique s’est affaiblie par rapport aux autres monnaies européennes, et depuis le tournant du siècle, par rapport à l’euro. Avant le référendum, en juin 2016, la livre sterling valait 1,30 euro. Immédiatement après, elle a chuté à 1,17 euro. Au début du mois de mars dernier, le taux se situait vers 1,13.

Autrement dit, le pouvoir d’achat des Britanniques s’est fortement érodé au fil des ans. Cela reviendrait à dire que les produits agricoles britanniques pourraient être plus facilement exportés. Or, ce n’est pas le cas, car les capacités d’exportation de la Grande-Bretagne sont très limitées sur le plan agricole. En effet, le taux d’autosuffisance alimentaire y est de 61 %. Les Britanniques dépendent donc d’autres pays pour leur alimentation.

La situation est plus incertaine pour le long terme. Il n’existe aucun précédent au Brexit, ce qui explique la difficulté des négociations. Le meilleur des scénarios serait une relation dans laquelle les Britanniques restent membres du marché intérieur de l’Union européenne, à la manière des Norvégiens et des Suisses.

C’est dans un tel scénario que les dommages seraient les moindres, mais la piqûre serait malgré tout perceptible. Les Britanniques ont repris toute la législation européenne, ils le feront encore au cours des prochaines années. Et ensuite, cela pourrait changer : les législations et règlements sanitaires et phytosanitaires pourraient s’écarter au point de rendre les relations commerciales difficiles. Ce ne serait pas la première fois que des règles sanitaires font office de barrières douanières…

Le pire scénario interviendrait si aucun accord ne peut être conclu, et dans un tel cas, on en reviendrait aux vieux accords conclus dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ce serait un scénario cauchemardesque car les prélèvements à l’importation peuvent être très élevés. Le tarif moyen, pour les produits agricoles, se situe à 14,5 %. Il atteint 40 % pour certains produits laitiers. La plupart des études sur le Brexit soulignent qu’un retour aux règles de l’OMC conduirait à une régression significative du commerce agroalimentaire dans les deux directions.

Budget raboté

Le budget de l’Union européenne va pâtir du retrait des Britanniques. Le Royaume-Uni est un contributeur net au budget de l’Union européenne : 10 milliards d’euros passent de Londres à Bruxelles. Cela signifiera, si rien ne change, un manque à gagner de l’ordre de 3 milliards d’euros pour la partie agricole du budget européen.

Un autre sujet de préoccupation concerne les contingents tarifaires. Dans le cadre de ceux-ci, une quantité de marchandises, prédéterminée, originaire d’un pays particulier, peut être importée dans l’Union à des taux de droits de douane plus favorables que pour d’autres pays tiers. Actuellement, l’Union européenne dénombre 124 contingents tarifaires.

Conséquence du Brexit : les contingents tarifaires devraient être répartis entre les 27 États membres de l’Union européenne et le Royaume-Uni. Tous ces contingents tarifaires sont à la base de flux commerciaux, et ils concernent surtout la viande bovine, la viande ovine, la volaille, le sucre, le riz, l’ail, les produits laitiers…

D’après JCB

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