Quand éclate la crise de la vache folle en 1996, la confiance des consommateurs envers la filière viande est sérieusement ébranlée. Accusés à tort, nombreux sont les agriculteurs à se questionner sur leur métier. Certains parlent de l’abandonner, d’autres souhaitent faire l’impasse sur les intermédiaires et se rapprocher des consommateurs. Parmi ceux-ci, Nicolas Braibant et son épouse, Nathalie.
Après plusieurs années de réflexion, le couple relève le défi et ouvre la « Boucherie à la ferme des Noyers » en 2002. Désormais, si les bêtes engraissées sur l’exploitation sont abattues à Ciney, les carcasses ne sont plus écoulées dans la grande distribution. Elles reviennent sur l’exploitation où elles passent entre les mains d’un boucher. Morceaux nobles et autres préparations sont ensuite commercialisés en vente directe les vendredis et samedis.
L’« effet Veviba »
La boucherie, dont le succès ne fait que croître depuis son ouverture, dispose d’une clientèle d’environ 3.000 habitués. Ce que le Nicolas et Nathalie voient comme une véritable reconnaissance : « À nos débuts, nous avons connu des hauts et des bas, mais les consommateurs nous font confiance depuis 16 ans déjà. C’est une récompense par rapport au travail que nous fournissons au quotidien pour élever nos animaux avec respect et en toute transparence ».
Depuis les révélations de fraude chez Veviba, à Bastogne, le couple fait face à un flux exceptionnel de clients ayant perdu confiance en l’agro-industrie. « Certains week-ends, nous avons triplé notre chiffre d’affaires habituel et atteint des sommets dignes des fêtes de fin d’année », explique Nicolas. Il faut dire que pour les consommateurs, la démarche n’a qu’un faible impact sur le portefeuille. La différence de prix entre une boucherie à la ferme et une grande surface ne s’élève en général qu’à 1 ou 2€/kg selon les pièces ou préparations.
Nicolas Braibant : « Les circuits courts allient sans problème traçabilité et qualité. ».
Et l’éleveur de poursuivre : « Il y aura un avant et un après Veviba. Les consommateurs ont été choqués par ce scandale qui touche directement à leur alimentation. Il n’est pas étonnant qu’ils soient plus nombreux à se tourner vers les circuits courts ». Toutefois, il ne s’attend pas à conserver toute cette nouvelle clientèle. Certains retourneront rapidement à leurs anciennes habitudes tandis que d’autres, convaincus du bien-fondé de leur démarche, continueront de se rendre à la ferme.
Si Nicolas ne peut que constater que « si un maillon de la chaîne ne travaille pas correctement, c’est toute la filière qui vacille et en subit les conséquences », le consommateur, lui, ne s’y trompe pas. Il a compris que les éleveurs wallons n’étaient en rien responsables de cette fraude mais en sont, eux aussi, les victimes. En témoigne le pic de fréquentation observé à la Boucherie à la Ferme des Noyers, ainsi que dans d’autres boucheries à la ferme de Wallonie.
En Wallonie, le nombre de boucherie à la ferme n’est pas connu avec exactitude. Il en existerait une trentaine environ, ouvertes de 1 à 6 jours par semaine selon la structure mise en place par l’agriculteur et la fréquentation.
D’autres éleveurs ont fait le choix de commercialiser leur production sous forme de colis de viande. Après abattage, les carcasses animales sont découpées par un boucher et les différents morceaux utilisés pour constituer des colis de 7 à 12 kg, voire plus. Un ou deux jours par semaine, ceux-ci sont vendus à la ferme, généralement sur base de réservations. S’il n’existe, ici aussi, aucun recensement exhaustif, le nombre d’éleveurs pratiquant ce mode de commercialisation serait en hausse depuis deux ans.
L’exploitation Braibant est en constante évolution. Ainsi, voici quelques années, Nicolas s’est lancé dans l’entreprise agricole, ce qui l’a conduit à s’interroger quelque peu sur son troupeau. « Étant moins présent sur l’exploitation au vu de cette nouvelle activité, je souhaitais élever des animaux vêlant sans difficulté en mon absence. J’ai donc croisé mes femelles BBB avec des géniteurs Blonde d’Aquitaine », explique-t-il. Très rapidement, les femelles ont vêlé seules et ont acquis un bon instinct maternel.
… à la collaboration avec Färm
Depuis quelques mois, l’éleveur et sa femme collaborent également avec les magasins Färm, spécialisés dans les produits et aliments bio. À cet effet, une partie de l’exploitation – le troupeau, les prairies et les terres destinées à la production des aliments pour le bétail – est en cours de conversion au bio. « Dans le cadre de cette collaboration, le prix de vente des produits a été calculé en ajoutant la marge de Färm à mon prix de revient. Ainsi, l’agriculteur n’est plus la variable d’ajustement ! ».
La franchise compte actuellement 5 magasins à Bruxelles et 1 en Wallonie, et compte en ouvrir plusieurs autres dans les années à venir. Nicolas Braibant ne pouvant tous les approvisionner, un groupement de producteurs collaborant avec la marque verra le jour dans les mois à venir.