La maîtrise de l’impact de l’élevage sur l’environnement, et en particulier sur le réchauffement climatique, est étudiée depuis de nombreuses années au Centre wallon de recherches agronomiques (Cra-w).
En 2010 déjà, a été lancé un projet nommé « Methamilk ». Il a permis de développer une équation de prédiction des émissions de méthane (CH4) par les vaches laitières sur base du spectre Moyen Infrarouge (MIR) du lait, une première dans le secteur de la recherche mondiale. Cette équation a ensuite été adaptée pour suivre les animaux tout au long de leur lactation.
Cet outil de prédiction, développé en collaboration avec les chercheurs de la faculté de Gembloux Agro-Bio Tech, est encore actuellement amélioré par l’ajout régulier de données nouvelles. Ces données supplémentaires sont acquises grâce à des méthodes de mesures directes, mais aussi grâce à de multiples collaborations internationales établies avec d’autres équipes travaillant sur la problématique.
Une prédiction simple et peu coûteuse
Ces recherches ont donc permis d’obtenir un moyen simple, peu coûteux et original d’estimer les émissions quotidiennes de méthane des vaches laitières. Plusieurs pays ont d’ailleurs récemment intensifié leur collaboration avec les chercheurs gembloutois et participent à leur implémentation en fournissant des données permettant d’adapter l’outil à leurs propres conditions d’élevage.
L’acquisition d’un grand nombre de mesures dans ces différentes conditions (alimentation, races, etc.) permet d’améliorer continuellement la robustesse et la précision des prédictions, et de rendre l’outil utilisable sur plusieurs races laitières.
Contrairement aux méthodes directes qui ne peuvent s’envisager que sur un nombre limité d’animaux, cette technique a l’avantage de prédire les émissions de méthane sur de grands nombres de bovins, par exemple lors du contrôle laitier. Mais cela permet également d’identifier les émissions de manière rétrospective à partir des spectres présents dans les bases de données ! La méthode offre donc la possibilité d’établir une image de la situation à l’échelle régionale, de revenir sur les principales perspectives d’action pour limiter les émissions de méthane, et de montrer l’efficience de nos élevages !
Limiter les émissions de multiples manières
Le Cra-w considère principalement trois grands leviers pour limiter les émissions de méthane par nos bovins. Une gestion fine et réfléchie du troupeau, en limitant les phases improductives pendant lesquelles l’animal rumine sans produire de lait, comme la phase d’élevage ou de tarissement, constitue le premier levier. Il est actionnable à court terme et présente en outre un intérêt direct pour le portefeuille de l’éleveur. Ainsi, une bonne longévité des animaux permettra de répartir, sur l’ensemble de sa vie, les émissions de méthane émises durant la phase d’élevage de l’animal.
De la même manière, rechercher une production soutenue permet de réduire considérablement l’intensité des émissions, c’est-à-dire la quantité de méthane émise par kg de lait ou de viande produit.
Un premier vêlage précoce
Un âge au premier vêlage précoce est un autre moyen d’optimiser la production par jour de vie. Sur base des données fournies par l’Awé (Association wallonne de l’élevage), il a été montré que des femelles Holstein vêlant une première fois à 25 mois ont une production laitière par jour de vie de 12,5l de lait et ont une longévité moyenne de 6 ans. En comparaison, des vaches dont le premier vêlage a lieu à l’âge de 32 mois, soit 7 mois de plus, ont montré une production de 10,5l de lait par jour de vie et une longévité moyenne de 6 ans et demi.
La différence de production entre ces deux groupes atteint donc environ 3.000l de lait sur la carrière de l’animal au profit des animaux vêlant précocement, et cela tout en économisant 6 mois de rumination ! Enfin, une gestion fine d’un élevage ne doit pas se limiter aux seuls animaux, mais doit également prendre en compte la gestion des effluents qui influencent aussi les émissions de CH4 et de N2O.
Une vache qui vêle de manière précoce peut produire 3.000l de lait en plus sur sa vie, par rapport à une vache dont le premier vêlage a lieu à 32 mois.
La génétique a une incidence de 20 %
Alors que cela paraissait inconcevable il y a peu, le développement de la technique MIR a ouvert la voie à des études de plus grande ampleur, portant sur l’incidence de la génétique des animaux, qui forme le deuxième levier. L’équation MIR d’estimation des émissions de méthane a été appliquée à l’ensemble du cheptel laitier wallon, montrant des premiers résultats très prometteurs.
En analysant les descendances, il apparaît en effet que les filles de certains taureaux produisent moins de méthane que les autres. L’étude montre également de très grandes variations des émissions entre les animaux, avec une émission de méthane moyenne de 440 g/j de chez la vache en production, soit 19 g/kg de lait. L’héritabilité du caractère « CH4 » calculée sur ces informations atteint 0,20. Cela signifie que 20 % de la variabilité est attribuable à la génétique pour 80 % aux conditions d’élevage ! Ces chiffres s’avèrent suffisants pour envisager une sélection sur ce critère à l’avenir… pour autant qu’elle n’affecte pas les autres paramètres de production comme la fertilité ou le nombre de cas de mammites, par exemple.
L’alimentation comme troisième levier
Apport de graisses insaturées
Les trois leviers sont complémentaires