La Ferme de la Sève à Mellet: «Nous voulons simplement développer un modèle plus sain»

Cela fait maintenant presque 5 ans que Thomas Geeraerts et Hélène Van Zande cultivent des légumes biologiques à Mellet près de Fleurus. L’historique agricole de leur exploitation active en grandes cultures ne les poussait pourtant pas vraiment à suivre cette voie mais, c’était sans compter leur désir d’amélioration et leur passion commune pour l’innovation et l’entreprenariat.

L’envie de changer, de tester

Thomas est bioingénieur, Hélène a réalisé un graduat en marketing et un master en sciences de gestion. Après leurs études, les jeunes gens s’essaient à des jobs « moins agricoles » mais reviennent rapidement à leurs racines. « J’ai d’abord travaillé 2 ans en logistique et transport. De son côté, Thomas partageait son temps entre l’exploitation de ses parents et la réalisation de certificats de performance énergétique. Durant cette période, j’ai également suivi une formation d’écoconseillère et les cours A et B de la FJA, dont une partie en agriculture biologique », explique Hélène.

Leurs expériences les poussent à voir plus loin et à s’interroger sur les possibilités qui s’offrent à eux au sein de l’exploitation familiale. « En 2013, j’ai décidé de revenir à temps plein sur l’exploitation de mes parents et j’en ai repris une partie. Hélène a également changé de boulot mais elle a aussi choisi de s’investir à temps partiel dans la ferme. C’était le moment idéal pour entreprendre quelque chose de nouveau, en accord avec nos valeurs mais sans se mettre la pression », explique Thomas.

«Nous avons choisi la diversification biologique mais chacun doit trouver son propre modèle.»

Courges, panais, persil, choux, oignons…

Le couple se lance alors dans les légumes biologiques, une spéculation bien différentes des cultures plus conventionnelles développées sur l’exploitation familiale.

« Nous avons commencé par cultiver des panais et des potimarrons sur 40 ares. Nous sommes ensuite passés aux choux blancs et rouges, aux carottes… Notre surface s’est étendue d’année en année et la Ferme de la Sève a vu le jour », dit Thomas.

Aujourd’hui la Ferme de la Sève s’entend sur 9 ha, dont une partie en conversion. Le couple produit au total une trentaine de légumes différents : des racines (panais, carotte mauve, jaune et orange, betterave rouge, céleri-rave, topinambour, radis), des cucurbitacées (potimarron, butternut, patidou, shiatsu, Jack be little), des choux (chou rouge, chou vert, chou blanc, chou de Bruxelles), ou encore du persil, du fenouil, des oignons rouges et jaunes. Ils distribuent l’essentiel de leurs produits via des grossistes et coopératives bio tels que Agricovert, Delibio, Interbio…

Chaque année, Thomas aime mettre en test de nouveaux légumes : « Cette année, on essaie à nouveau la patate douce. On fait aussi du maïs doux. J’estime que ce sont des produits qui peuvent nous ouvrir des portes. Certains pensent que c’est trop varié et qu’on se disperse. Ce n’est pas faux mais d’un autre côté, on ne choisit pas des légumes compliqués et fragiles. Et cela nous permet de choisir les produits les plus adaptés et demandés ».

Pour ses choix et le développement de ses produits, Thomas s’appuie également sur les conseils et services de professionnels. « Je n’avais jamais cultivé de légumes auparavant, je me suis donc formé sur le tas mais j’ai aussi pu compter sur le soutien du CIM (centre interprofessionnel maraîcher) ou encore sur des associations telles que Regenacterre qui travaille au développement d’une agriculture régénérative. Cette dernière m’a également permis de prendre du recul dans ma manière de travailler en conventionnel », dit Thomas.

L’activité extérieure d’Hélène est aussi une grande source d’inspiration. « L’asbl Groupe One pour laquelle je travaille a pour mission de facilité la transition vers une économie durable. Coach en création d entreprise, j accompagne également des projets agricoles et cela m’apporte beaucoup d’idées et de contacts pour notre projet. À l’inverse, mon expérience de terrain m’est également très utile au boulot. Ces deux activités sont donc complémentaires et me permettent de m’épanouir en dehors de la ferme », explique Hélène.

Le bio a de l’avenir

Thomas et Hélène en sont convaincus, le bio a de l’avenir. « Si les usines commencent à s’y intéresser, c’est que la demande est là. Il y a 30 ans, quand nos parents ont commencé dans les betteraves et les pommes de terre, les gens étaient septiques. Aujourd’hui, tout le monde en fait ! Pourquoi cela ne se passerait-il pas de la même manière en bio ? », dit Thomas.

Ils sont néanmoins conscients que le secteur n’est pas à l’abri de la concurrence ou du scandale. « Ce n’est pas un modèle garanti et il a ses dérives. Du bio de Nouvelle-Zélande, on en fait quoi ? On remarque aussi que les exigences sont de plus en plus importantes. Le consommateur veut du bio mais présenté comme du conventionnel », explique Hélène.

Entre deux feux

À côté de la Ferme de la Sève, Thomas continue à développer l’exploitation familiale conventionnelle. « Il s’agit de deux entités distinctes mais nous travaillons tous dans les deux fermes. Nous pouvons compter sur l’aide de mes parents dans les légumes et nous travaillons également avec eux au développement de la ferme familiale », explique-t-il.

« C’est une situation que nous assumons tout à fait et qui peut être avantageuse (voir ci-contre) mais qui nous place aussi en porte à faux. En effet, même si on fait notre travail avec conviction et suivant les mêmes valeurs qu’un petit maraîcher, on ne colle pas vraiment à l’image bio qu’imagine le consommateur car on travaille déjà sur une surface un peu plus importante et on s’appuie sur les infrastructures de la première exploitation. On a parfois un peu peur des réactions par rapport à notre situation. Pourtant, nous restons persuadés que c’est avec cette vision entrepreneuriale que l’on peut le mieux évoluer », dit Thomas.

« Du côté des agriculteurs « plus conventionnels », les réactions étaient aussi mitigées. Tout le monde n’y croyait pas. Mais, on est heureux de constater que depuis peu, les agriculteurs du coin ont un regard plus positif et que beaucoup de jeunes de notre région développent des projets dans le même sens », concluent les jeunes entrepreneurs.

DJ

Des exploitations qui se complètent

Au quotidien, Thomas s’investit également dans la ferme familiale du Gros Buisson, avec ses parents Marie-Thérèse et Charles Geeraerts. Les plantes cultivées sont plus conventionnelles et totalement différentes de celles développées à La ferme de la Sève : pommes de terre, betteraves, céréales… Une différence voulue : « Nos cultures biologiques ne sont pas les mêmes que les cultures conventionnelles. Ainsi, il n’y a aucun doute possible pour la certification. Nos produits sont clairement identifiables ».

Les jeunes agriculteurs reconnaissent volontiers la complémentarité des exploitations. « Le fait d’avoir l’autre exploitation nous permet d’assurer nos arrières, de garder un équilibre et de nous assurer une certaine rentabilité . », explique Thomas.

« Nous utilisons également les bonnes techniques du conventionnel pour les cultures biologiques. On se mécanise par exemple un maximum. Ce n’est pas forcément la manière de faire la plus courante en agriculture biologique mais, nous souhaitons nous affranchir au maximum de la main-d’œuvre afin de nous dégager du temps pour autre chose . », explique Hélène.

«Si nous pouvons évoluer avec les deux fermes, en faisant bien les choses, en répondant à la demande du consommateur et en innovant, cela nous convient!»

Et quand on demande au couple si la Ferme du Gros Buisson pourrait à l’avenir se convertir au bio, ils répondent : « L’objectif ce n’est pas de faire du bio à tout prix, c’est de faire mieux et d’aller vers un modèle plus sain. Que ça soit bio, raisonné, zéro résidu… On veut simplement se remettre en question et on n’est fermé à rien ».

Elle continue, « L’idée, c’est d’être attentif au marché et réactif, de voir comment on voit la ferme sur le long terme. Nous avons choisi la diversification bio mais chacun doit trouver son propre modèle. Le monde a besoin de gens qui osent prendre des risques. Avant l’agriculteur, son métier principal c’était produire. Si tu travaillais bien, tu gagnais ta vie. Aujourd’hui les agriculteurs sont de véritables entrepreneurs. Il faut savoir produire, vendre, communiquer, négocier. On doit avoir une vision beaucoup plus large. Aucun modèle n’est garanti et si nous pouvons évoluer avec les deux fermes, en faisant bien les choses, en répondant à la demande du consommateur et en innovant, cela nous convient ! ».

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