Nous allons vous conter l’histoire de ces fruits délicieux, une histoire où sont intervenus de nombreux acteurs, et où il reste des zones d’ombre et des imprécisions
Un peu de botanique : les fraisiers indigènes
Le genre botanique Fragaria (famille des Rosacées) comprend 46 espèces ; une dizaine d’entre elles présente des caractéristiques fruitières intéressantes, et elles ont été ou sont utilisées pour la création variétale. Leur nombre chromosomique varie de 2n=14 à 2 n=70 selon l’espèce.
En Belgique, trois espèces indigènes de fraisiers peuvent se rencontrer : le fraisier des bois, le fraisier vert et le fraisier musqué.
Jusqu’à la diffusion des deux espèces américaines qui suivent, le fraisier des bois et le fraisier musque sont les seules espèces qui étaient cultivées en Europe ; on les trouve représentées dans diverses œuvres d’art.
Et leurs cousins américains
Fragaria virginiana (2n=56), le fraisier écarlate ou fraisier de Virginie a été signalé au 16eet au 17e siècle par différents voyageurs anglais ou français qui exploraient l’Amérique du Nord. Ils mentionnent que cette plante porte des fruits nettement plus gros que les fraisiers connus en Europe.
C’est le cas du maloin Jacques Cartier qui fit plusieurs voyages entre 1534 et 1541 et qui prit possession du Canada au nom du roi de France François 1er. Cinquante ans plus tard, les anglais Harriot et Greenville collectent de nombreuses plantes ramenées à Londres en 1586 par Francis Drake. Au 17e siècle, des fraisiers de Virginie sont signalés aussi à Paris et à Bruxelles, et au 18e siècle, aux Pays-Bas et en Suède. On peut dire qu’à la fin du 18e siècle, ce fraisier était cultivé dans tout le nord de l’Europe.
Par la suite, d’autres introductions de fraisiers Nord-américains ont parfois amené en Europe des plantes différentes ; il n’est pas étonnant que sur toute l’étendue du continent Nord-américain en latitude et en longitude pouvaient exister des fraisiers différents, qui par facilité ont été englobés dans l’espèce F.virginiana.
Lorsqu’il revient à Marseille, après six mois de navigation, cinq plants de fraisiers récoltés au Chili étaient encore vivants, dans une serre placée sur le pont du navire. Il en donne deux à Monsieur Roux de Valbonne qui les avait soignés pendant le voyage ; un à Antoine de Jussieu, botaniste au Jardin des plantes de Paris ; le quatrième à Monsieur Lepelletier de Souci ; le cinquième fut transféré à Brest, où il est à l’origine de la culture du fraisier à Plougastel.
Ces plants étaient remarquables par la grandeur de leurs fleurs, mais leur fructification était très faible ou nulle, s’ils étaient cultivés isolément. Mais on remarqua que s’ils étaient cultivés à côté d’autres fraisiers, par exemple de Virginie ou Caprons, ils fructifiaient normalement. À partir de 1750, l’habitude fut prise d’associer dans les cultures de fraisiers du Chili une autre espèce fécondatrice.
En 1766, le jeune botaniste Duchesne, âgé de 19 ans, constata que les fruitiers du Chili introduits en France étaient porteurs uniquement de fleurs unisexuées femelles, donc dépourvues d’étamines, ce qui expliquait leur stérilité s’ils ne côtoyaient pas des plants pollinisateurs.
Des fraisiers du Chili ont aussi été trouvés sur la côte Nord-Ouest d’Amérique du Nord, entre 38º et 48º de latitude Nord, de la Californie à l’Oregon.
Arrivent ensuite les hybrides à gros fruits
Le semis d’akènes de fraisiers du Chili librement fécondés donnait donc des plantes hybrides interspécifiques à gros fruits qui ont été dénommés Fragaria X ananassa (2n=56) ; ils sont à l’origine de nos fraisiers à gros fruits actuels. Leur potentiel génétique est encore loin d’avoir été complètement exploité, comme le démontre le nombre élevé de variétés nouvelles proposées chaque année par les hybrideurs du Monde entier.
Elles sont classées en trois groupes selon leur réponse à la photopériode (= longueur relative du jour et de la nuit) qui régit leur induction florale.
Fraisiers à production printanière ou fraisiers de juin
L’induction florale a lieu en septembre lorsque la longueur du jour est inférieure à 13 heures et que la température est encore suffisamment élevée ; ensuite les plantes entrent en dormance. Celle-ci sera levée par le froid hivernal : 20 à 40 jours à température inférieure à 5 – 7,5ºC, selon les variétés. La floraison interviendra en avril-mai, puis la fructification environ 5 semaines après épanouissement de la fleur correspondante.
Contrairement à ce qui se produit dans le sud de l’Europe, sous le climat belge, ces fraisiers ne réinitient pas de fleurs en fin d’hiver lorsque le jour est encore inférieur à 13 heures parce qu’à cette période la température est trop basse.
Fraisiers remontants
L’induction florale peut avoir lieu toute l’année à condition que la température soit suffisamment élevée. Dans le climat belge, des stolons plantés en été ont une première induction florale en septembre, qui donnera une récolte printanière, puis une seconde induction florale au printemps et en été, qui assurera une fructification continue pendant l’été et l’automne, jusqu’à l’arrivée du froid. Cette production est stimulée si on supprime la première floraison.
Fraisiers semi-remontants
Quelques variétés, comme par exemple ‘Red Gauntlet’ peuvent avoir une seconde induction florale lorsque la longueur du jour est inférieure à 14h30. Après la récolte normale de juin, elles donnent encore une petite production en août. Dans les années 1970, cette seconde induction a été provoquée artificiellement en couvrant les plantes d’un tunnel plastique noir pendant un certain temps afin de rallonger les nuits.
Réussir la plantation des fraisiers
Les exigences des fraisiers ne sont pas excessivement sévères ; encore faut-il respecter quelques principes si l’on veut être récompensé de ses efforts.
La qualité du sol
Le fraisier n’aime ni les sols trop lourds ou trop légers, ni un pH trop élevé ; il préfère un sol limoneux ou sablo-argileux à pH neutre, frais sans humidité stagnante, modérément pourvu en azote, mais riche en humus et en potasse. Une rotation d’au moins quatre ans est souhaitable.
La préparation du sol
Comme la majorité des racines se développeront dans les trente premiers centimètres, on recommande une préparation soignée, faite à temps, avec une fragmentation homogène de toute la couche arable.
Un paillage plastique noir et une gaine d’arrosage
Les fraisiers se plantent en doubles lignes, à 35 x 35 cm en quinconce en sol plan ou de préférence sur un ados de 5 cm.
La date de plantation
Pour les fraisiers de juin : obligatoirement avant le 10-15 août ; pour les fraisiers remontants, soit à la même date, soit en fin d’hiver, avec enlèvement des premières fleurs.
La qualité des plants
Se procurer des plants certifiés concernant leur identité et leur état sanitaire : plants frais à racines nues au feuillage bien vert et aux racines non desséchées, ou plants en motte ou en pot.
Pour les fraisiers se multipliant par semis (4 saisons et hybrides F1), acheter soit des graines à semer, soit des plants élevés en pépinière.
La technique de plantation
En sol humecté au préalable, en plaçant le collet exactement au niveau du sol, ni trop haut, ni trop bas. Pour les plantes à racines nues, faire une fente large et profonde, puis étaler les racines en éventail.
Les soins après plantation
Pendant une semaine, bassiner le feuillage plusieurs fois par jour, puis maintenir le sol humide.
Couper les filets et désherber les trous de plantation et les interlignes.
En début d’hiver, poser un voile de protection ou couvrir de feuilles mortes.
Wépion
Production annuelle belge : 40-45.000 t.
Importation de fruits frais en avant-saison : Espagne…
Exportation de fruits frais en pleine saison : France, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni…
Importation de fruits d’industrie : Pologne.
Consommation : +/- 4 kg/an/belge
Composition (valeurs moyennes) :
– eau : 90 % ;
– sucres : 4-9 % (45 % fructose + 40 % glucose + 15 % saccharose) ;
– fibres alimentaires : 1,2-2 % (dont 50 % cellulose) ;
– protéines : 0,8 % ;
– minéraux : 0,4 % (dont principalement le potassium : 0,15 %) ;
– acides : 1 % (dont trois quarts d'acide citrique et un quart d’acide malique) ;
– vitamines : Vit. C = 45-95 mg/100 g ;
– composés aromatiques : plus de 350 ont été identifiés ;
– pigments : principalement anthocyanes ;
– autres : phénols, glucosides… ;
– valeur énergétique : 20 à 35 Kcal/100 g.