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Une sucrerie à Seneffe? C’est maintenant ou jamais!

Depuis deux semaines, la Coopérative des Betteraviers Transformateurs (CoBT) arpente la Wallonie (et même la Flandre) pour convaincre les cultivateurs d’investir dans son projet. Les futurs coopérateurs ont désormais jusqu’au 31 janvier 2019 pour arrêter leur choix et devenir, ou pas, propriétaire de leur outil de transformation.

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Lors de 18 réunions, Benoît Haag, coordinateur de la CoBT, a résumé aux potentiels coopérateurs toute l’information détaillée dans le prospectus, document officiel approuvé par l’Autorité belge de gestion des marchés financiers décrivant l’appel d’offre et ses facteurs de risques. « Tout investisseur est invité à en prendre connaissance afin d’arrêter sa décision en toute connaissance de cause », précise-t-il d’emblée.

Une usine moderne et performante

Depuis 2017, 1.800 agriculteurs ont marqué leur intérêt pour la coopérative et ce, pour un total de 1,5 million de tonnes de betteraves. « Pour être économiquement viable, le projet a besoin de 1,4 million de tonnes, c’est-à-dire une campagne de 100 jours. Dans le prospectus, la quantité standard est de 1,610 million de tonnes, c’est-à-dire 115 jours de campagne. Les informations présentées se réfèrent donc à ce chiffre. Mais, la capacité de l’usine peut monter à 1,8 million de tonnes », précise-t-il.

Si le capital est levé et le financement bouclé, la sucrerie coopérative devrait voir le jour sur un site de 25 ha, situé à Seneffe, le long de l’E19, non loin de la sortie Feluy. Les plans de l’usine sont d’ores et déjà prêts et la CoBT a reçu une offre ferme pour sa construction de 300,953 millions d’euros de la part de la société De Smet. « Il reste encore à négocier les conditions d’achat et certaines garanties mais tout cela ne pourra être fait que lorsque les conditions des prêts bancaires seront connues ».

« Il s’agira de l’usine la plus moderne et performante d’Europe. Elle est conçue pour travailler, à son optimum économique et énergétique, 14.000 tonnes de betteraves par jour. Pour produire une tonne de sucre, elle aura une consommation énergétique 25 % plus faible que la meilleure usine européenne existant actuellement », dit le coordinateur.

Quid du permis ?

Pour sa construction, une demande de permis a été introduite en juillet 2018. « Le processus suit son cours. Nous recevrons une réponse en janvier 2019. Si un recours devait être introduit, l’octroi serait repoussé en mai 2019 mais, cela ne remettrait en aucun cas les délais de construction en jeu. L’usine pourrait toujours être prêtre en septembre 2021. Rien n’est encore gagné, mais, parmi les 22 administrations wallonnes impliquées, aucune ne semble émettre d’avis défavorable ».

Un intérêt pour les pulpes et les écumes

Le produit phare de la sucrerie sera bien sûr le sucre et son complément en mélasse. « Nous suivons l’évolution du marché et discutons régulièrement avec des traders et de futurs clients. Tous nous affirment, qu’à prix égal et avec les valeurs que nous défendons, nous serons avantagés par rapport à la concurrence. Des clients, il y en aura ! », affirme Benoît Haag.

Outre la pulpe surpressée, l’usine produira également de la pulpe sèche : « Un produit qui nous différenciera des autres usines belges. Le marché est déficitaire, ça a donc tout son sens d’en produire plutôt que d’en importer ». De plus, un sondage d’intérêt (extrapolé aux 1.800 producteurs du projet) démontre que 40 % des pulpes sèches, 120 % des pulpes surpressées et 250 % des écumes produites par l’usine intéresseraient les potentiels coopérateurs.

334 millions à financer

Le budget total du projet s’élève à 326,7 millions d’euros répartis comme suit :

– 301 millions d’euros pour l’usine,

– 5 millions d’euros pour les terrains,

– 8 millions d’euros pour les coûts bancaires,

– 7 millions d’euros pour les études préalables et les ressources humaines,

– 5,7 millions d’euros pour les autres frais.

Pour ce faire, la coopérative compte sur un financement de 334,4 millions d’euros dans lequel interviennent :

– un capital de 100, 4 millions d’euros regroupés en 4 types de parts sociales,

– 220 millions d’euros de crédits bancaires,

– 14 millions de subsides dont 7,6 millions confirmés et octroyés par le Gouvernement wallon.

La coopérative devra également compter sur un crédit de fonds de roulement de 35 millions d’euros. « Ce crédit diminuera d’année en année jusqu’à disparaître car une réserve sera créée annuellement ».

Les agriculteurs prendront plus particulièrement part au capital grâce aux 3 types de parts (voir ci-après) qui leur sont offertes et ce, pour un total de.

– 3,6 millions d’euros pour les parts A,

– 48,3 millions d’euros pour les parts B,

– 5,5 millions pour les parts S,

Les parts F destinées aux grands financiers contribueront au capital à hauteur de 42,6 millions d’euros. « Un accord de principe a notamment été conclu avec la Société Régional d’Investissement de Wallonie (SRIW) pour un montant de 30 millions d’euros. Celle-ci soutiendra le développement de l’entreprise pendant 15 ans. D’autres approches avec des partenaires stratégiques potentiels tels que des utilisateurs de sucre sont en cours. Cela nous permettrait d’établir des partenariats gagnant-gagnant, assurant son accès au sucre à l’acheteur et son écoulement à la coopérative ».

3 types de parts pour les agriculteurs

L’offre en parts sociales faite aux agriculteurs concerne trois types de parts. Les parts A (2.000 euros) sont liées à un numéro de producteur SIGEC et donnent accès aux parts B (3.000 euros). Ces dernières sont indissociables d’un contrat de livraison (voir p.17). Pour fournir leurs betteraves à la coopérative, les betteraviers devront s’engager pour un minimum d’1 part A et 3 parts B, pour un montant total de 11.000 euros.

Les betteraviers fournisseurs ou les simples sympathisants ont également l’opportunité de souscrire à des parts S d’une valeur nominale de 3.000 euros. Celles-ci constituent uniquement un soutien financier et ne sont pas liées à un contrat de livraison. Le nombre de parts à acquérir est néanmoins différent que l’on soit betteravier fournisseur (1 part) ou sympathisant (3 parts). (Tableaux 1 et 2)

BETT1

BETT2

Il n’existe pas de minimum dans la quantité de parts offertes mais bien un maximum. La coopérative peut accepter une souscription des investisseurs pour un total de 75 millions d’euros. Le montant total des parts B souscrites ne pourra par exemple pas être supérieur à 54 millions d’euros, c’est-à-dire 18.000 parts pour 1,8 million de tonnes de betteraves (130 jours de campagne).

Des parts qui donnent des droits

Les droits liés aux parts AB (Tableau 3) sont le vote de toutes les motions proposées et le choix des administrateurs de la société. Les investisseurs AB auront également le droit de céder leurs parts à d’autres agriculteurs à partir de la première campagne. Une démission ne sera par contre possible qu’à partir de 2032. « La société aura alors tourné 10 ans. Cette règle permet d’assurer sa stabilité pendant deux tiers de la période de remboursement des crédits ». Pour les investisseurs ABS, le droit de vote sera lié aux parts AB « car ils restent agriculteurs avant tout ». Comme déjà précisé, les betteraviers fournisseurs seront également tenus de signer un contrat de livraison de betteraves.

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Pour une rémunération équitable

L’objectif principal de la coopérative est de mieux rémunérer la betterave. Le prix indicatif d’achat de la betterave en fonction du prix de vente du sucre proposé par la coopérative est détaillé dans le tableau 5. La valeur médiane prise en compte dans le prospectus correspond à un prix de vente du sucre de 370 euros/tonne tandis que le seuil de rentabilité permettant de couvrir les coûts de production est fixé à 310 euros/tonne. « Le prix de la première campagne diffère car il s’agira de l’année de rodage. Nous apprendrons à maîtriser l’usine et cela engendrera un coût énergétique supplémentaire. Grosso modo, les betteraviers toucheront 1,50 euro en plus par tonne de betteraves livrée dès la seconde campagne ».

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Dès que la coopérative sera active, les détenteurs de parts S toucheront quant à eux un dividende minimum de 3 %. Lorsque le prix du sucre dépassera un certain seuil (au-delà de 400 euros/tonne), ce dividende pourra varier jusqu’à 6 %.

Deux types de votes pour une bonne gouvernance

Pour une bonne gouvernance, l’ensemble des associés agricoles et des associés S seront organisés en cercles correspondant à des sections locales. Lors de ces réunions, les coopérateurs débattront les sujets de l’assemblée générale et pourront exercer leur droit de vote. Un associé disposera alors d’une voix. Au sein des cercles, des délégués (1 pour 30 agriculteurs) seront élus. Ceux-ci représenteront les agriculteurs fournisseurs et les sympathisants lors de l’assemblée générale accueillant également les associés F. Lors de cette assemblée, le principe de vote sera alors une part pour une voix. C’est cette assemblée qui élira le conseil d’administration composé de 4 à 11 administrateurs, dont minimum 60 % d’agriculteurs, et d’un associé F. Le comité de direction sera quant à lui composé de maximum 5 personnes aux postes de directeur général, directeur agronomique, directeur de production, directeur commercial et, directeur des finances et administration. Ils chapeauteront une équipe de 93 employés et ouvriers.

Et si l’appel d’offre n’aboutit pas ?

Benoît Haag rappelle néanmoins qu’investir dans des parts sociales de la CoBT comporte des risques. L’investisseur court le risque de perdre une partie des montants investis. « Il existe des risques propres à la coopérative et au secteur, et des risques propres aux parts sociales. Le risque start-up appartient à la première catégorie. Tout ce qui représente aujourd’hui la coopérative est basé sur un plan financier. L’usine n’est pas encore opérationnelle et il est possible que cela ne soit pas exactement transposé dans les faits ». Il cite également les risques liés à la levée de fonds pour laquelle on n’a évidemment pas encore d’idée du nombre d’investisseurs, le risque de construction associé au retard ou surcoûts possibles dans l’élaboration de l’usine, ou encore les risques liés aux règles de cession des parts.

« Lors de la phase de levée de fonds, une conséquence de ces risques peut être l’abandon du projet si la participation est insuffisante. Dans ce cas, 100 % des parts B et 100 % des parts S seraient remboursées. Le solde disponible des parts A, après déduction des dépenses du projet, serait également rendu. Le risque est donc, dans un premier temps, de perdre 2.000 euros. Notons cependant que cette somme correspond à l’aide de la Région Wallonne à laquelle la majorité des agriculteurs devraient avoir droit », explique Benoît Haag. Il ajoute, « il est également possible que le projet se poursuive mais à des conditions de rentabilité moins favorables notamment à cause d’une campagne plus courte ».

De 2019 à 2021, le plus grand risque concernera le retard ou les surcoûts de construction. « Ce risque est limité car nous achetons l’usine avec la garantie d’un délai de construction et à un prix fini. Les seuls surcoûts possibles concernent le financement ». Enfin en production, le risque serait que la rentabilité ne soit pas atteinte.

Pour conclure, le coordinateur métaphorise « Il n’y a qu’un train, il est à quai. Démarrer n’aura de sens que s’il y a suffisamment de passagers ».

Propos recueillis par DJ

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