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Vigilance: les maladies de conservations des fruits à pépins proviennent du verger ou du lieu d’entreposage

Stockées au fruitier en vue de leur consommation ultérieure, les pommes et les poires peuvent y être victimes de désordres physiologiques et de maladies cryptogamiques. Quelques opérations préventives – à réaliser au verger, lors de la cueillette ou après celle-ci – permettront d’éviter que le travail d’une saison soit gâché.

Temps de lecture : 8 min

A près la cueillette, les pommes et les poires entreposées dans un fruitier en vue de leur utilisation ultérieure entament une vie autonome. Elles ne sont plus approvisionnées en sève par l’arbre qui les a portées. Elles vivront de leurs réserves : eau, glucides (sucres et amidon) et éléments minéraux, dont le taux va diminuer graduellement par le fait de la transpiration et de la respiration.

Dans une ambiance où la température est basse et où l’humidité relative de l’air est élevée, le métabolisme des fruits ralentit, et leur durée de conservation augmente. D’autres méthodes permettent de prolonger davantage la conservation des fruits frais tout en maintenant leur qualité gustative. C’est notamment le cas en modifiant l’atmosphère des chambres froides : diminution du taux d’oxygène de 21 % à moins de 5 %, élévation du taux de CO2, et parfois absorption de l’éthylène qui est produit par la respiration des fruits.

Pendant leur conservation, les fruits peuvent être endommagés par différentes maladies, soit physiologiques, soit par des cryptogames. Comme nous le verrons, dans beaucoup de cas, la cause est à rechercher au verger : des pratiques culturales inopportunes ou des infections par un bio-agresseur qui restera latent jusqu’au moment où la résistance naturelle des fruits aura diminué. Dans d’autres cas, des conditions de conservation inadéquates et une mauvaise hygiène des emballages et du local peuvent être en cause.

Nous nous limiterons ici aux maladies les plus fréquentes en conservation naturelle.

Désordres physiologiques : chez les pommes, surtout

Ils concernent presque exclusivement les pommes. La nutrition minérale de l’arbre pendant la saison de végétation influence la teneur des fruits en éléments minéraux et l’apparition de certains désordres.

L’élément le plus important est le calcium, qui influence notamment la rigidité des parois cellulaires. Souvent, le calcium n’est pas transporté jusqu’aux fruits pendant les phases de forte croissance, bien que cet élément soit présent dans le sol en quantité suffisante. Il est possible d’y remédier par des pulvérisations de chlorure ou de nitrate de calcium sur le feuillage pendant les périodes critiques, ou par trempage des fruits après récolte dans une solution des mêmes produits.

L’analyse du sol permettra de vérifier si le sol est suffisamment pourvu en calcium, mais même si c’est le cas, il peut y avoir un manque de cet élément dans l’arbre. En effet, certains sujets porte-greffe faibles absorbent moins facilement le calcium du sol que d’autres, et une carence est encore aggravée lorsque, chose fréquente, le sol contient un excès de potassium : il existe un antagonisme entre ces deux éléments lors de leur absorption au niveau des racines. Des carences en calcium s’observent chez des arbres jeunes et/ou en très forte croissance, ou encore peu chargés en fruits.

Conséquence nº 1 :

la vitrosité des pommes

Lorsque le fruit est coupé transversalement, la chair paraît translucide (= vitreuse) parce que les espaces intercellulaires sont occupés par un jus qui est riche en sorbitol (un sucre non fermentescible). Les pommes vitreuses ont une densité supérieure à 1 : mises dans l’eau, elles ne flottent pas comme le font des fruits normaux. La fréquence de cette maladie physiologique dépend des variétés et du climat de l’année : une période très chaude et très ensoleillée, surtout lorsqu’on approche de la maturité, accentue les dégâts. Les fruits vitreux ont une durée de conservation plus courte.

La vitrosité serait due à une plus grande perméabilité des parois cellulaires du fruit, où les espaces intercellulaires s’engorgent de sève élaborée. Elle s’observe davantage sur des fruits de calibre important, pauvresen calcium, ou récoltés trop tardivement. Des fruits vitreux peuvent être consommés.

Conséquence nº 2 :

les points liégeux

La présence de petites zones brunes et spongieuses dans la chair des pommes peut s’observer dès la phase de maturation sur l’arbre, et pendant la conservation. Lorsque les points liégeux sont proches de l’épiderme, ils peuvent se remarquer sur des fruits entiers. Ici aussi la cause principale est un manque de calcium dans les fruits, suite à une alimentation déficiente en cet élément. Pendant la conservation, les points liégeux se développent principalement près de l’épiderme, suite à une migration du calcium vers le cœur des pommes.

Comme pour la vitrosité, la sensibilité des pommes aux points liégeux dépend des variétés, des sujets porte-greffe et du climat de l’année. Cet accident est plus fréquent en sol léger qu’en sol lourd, en sol excessivement pourvu en potassium, ainsi que sur des arbres jeunes et en forte croissance, ou encore peu chargés en fruits.

Des pommes qui présentent des points liégeux peuvent être utilisées pour la production de jus.

Pendant la conservation en frigo peuvent apparaître d’autres désordres physiologiques que nous n’envisagerons pas ici. C’est, par exemple, l’échaudure superficielle, le brunissement interne ou la sénescence.

De nombreuses maladies cryptogamiques

De très nombreux champignons (une quarantaine d’espèces !) peuvent se développer sur des fruits à pépins pendant leur conservation. La contamination se produit soit dans le verger, via des blessures (piqûres d’insectes ou d’oiseaux, dégâts de grêle, coups…), via des orifices naturels (tube du calice ouvert, lenticelles (= orifices respiratoires de l’épiderme)…), soit lors de la cueillette (arrachage du pédoncule, pression des doigts et des ongles des cueilleurs, coups…), soit encore pendant la conservation (spores présentes dans le fruitier ou sur les caisses, contact avec des fruits voisins contaminés…).

Après l’infection, les parasites de blessures évoluent directement et rapidement quel que soit le stade de maturité des fruits. Par contre, les parasites latents, dont l’infection se produit uniquement au verger, restent inactifs pendant un certain temps puis ne deviennent actifs que lors de la maturation des fruits, au moment où leur résistance naturelle s’affaiblit.

Certains parasites peuvent avoir plusieurs cycles différents : par exemple, une phase parasite ou saprophyte différente de l’infection des fruits. Pour chaque cryptogame, nous n’avons retenu qu’un seul nom alors qu’ils en portent généralement plusieurs selon qu’il s’agit d’un cycle à multiplication sexuée ou non.

Principaux parasites de blessures

Monilia fructigena  : sur pommes, poires, coings, et fruits à noyau.

Pourriture brune de la chair avec des coussinets sporifères brun clair en cercles concentriques autour d’une blessure. En conservation, contamination par contact (= nids de pourriture).

Hivernage sur des fruits momifiés de l’année précédente.

Lutte préventive en enlevant tous les restes de fruits momifiés dans les arbres et au sol.

Pour les fruits à conserver, traitements fongicides au verger 2 à 3 semaines avant la cueillette, en tenant compte du délai avant consommation.

Penicillium expansum  : sur pommes et poires. Champignon qui produit une mycotoxine (lire par ailleurs).

Pourriture molle brun clair d’où s’écoule du jus ; au centre, moisissure bleu-verdâtre.

Infection par des blessures ou les lenticelles ; en conservation, par des spores en suspension dans l’air.

Phytophthora cactorum, Ph.syringae  : sur pommes et poires.

Se développent sur des fruits tombés au sol lors de la chute de juin, puis en conservation sur des fruits des basses branches ou tombés au sol. Pourriture molle brune ; l’épiderme du fruit se détache facilement ; il porte un mycélium blanc. Odeur désagréable.

Utiliser rapidement les fruits ramassés au sol.

Principaux parasites latents

Gloeosporium spp.

Pourritures brunes en dépression, à développement lent. Infections par les lenticelles.

G.perennans  : sur pommes ; pourriture circulaire molle brun clair au centre, brun foncé à la périphériphérie libérant des spores grises ;

G.album  : sur pommes ; pourriture circulaire ferme avec filaments de mycélium blancs au centre ;

G.fructigenum  : sur pommes et poires ; pourriture circulaire brun clair à centre noir.

Lutte préventive par traitements pré-cueillette.

Cylindrocarpon mali  : sur pommes ; pourriture irrégulière brune, molle, en creux, à développement lent ; épiderme plissé ; coussinets sporifères blanc-jaunâtres ou fauve. Infection par les lenticelles, le calice ou la cavité pédonculaire. Responsable du chancre commun du pommier (Nectria galligena).

Alternaria spp.  : sur pommes et poires ; pourriture molle brune avec tache centrale noire.

Botrytis cinerea  : sur pommes et poires ; petite nécrose brune autour du calice ou latéralement ;

pourriture superficielle sèche avec mycélium gris-clair, évoluant en conservation dans une atmosphère humide en une pourriture molle. Contamination des fruits voisins par contact.

Pourriture du cœur : Alternaria sp. et Trichotecium sp.  : sur pommes et poires ; moisissure tapissant les loges carpellaire et les pépins ; altère le goût des fruits.

Phacidiella discolor : sur poires ; pourriture sèche brun foncé ou noire autour du pédoncule.

Prévenir les maladies de conservation

Au verger, si l’on pratique des traitements fongicides en mai et juin contre la tavelure et la rouille grillagée, puis en été contre l’oïdium et la moniliose, on évitera les infections via les lenticelles de la plupart des cryptogames latents, et de ce fait les pourritures qu’ils occasionnent en conservation.

La prévention des points liégeux suppose une bonne alimentation des pommiers en calcium. Pour cela, le sol doit être suffisamment pourvu en cet élément, et la richesse en potassium ne doit pas être excessive. Une analyse du sol permettra de le vérifier.

Lors de la cueillette, il faudra veiller à éviter de blesser les fruits : les prendre et manipuler avec douceur, couper court les ongles des cueilleurs et des cueilleuses…, prélever les fruits avec un pédoncule intact, éviter de cueillir des fruits mouillés, cueillir séparément les fruits sains et ceux qui présentent des dégâts d’insectes…

Il faudra aussi utiliser des emballages propres. Pour les pommes, plateaux à une seule couche et à alvéoles évitant les contacts entre fruits ; pour les poires, caisses à 2 ou 3 couches. Veiller à effectuer les transports avec un minimum de chocs.

Placer les fruits rapidement dans un local frais et ventilé avec une température basse et une humidité élevée. Pendant l’entreposage, surveiller régulièrement l’évolution des fruits et enlever immédiatement ceux qui s’altèrent.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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