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Épandeur de fumier: faire le choix qui répond aux besoins de l’exploitation

De nombreuses questions doivent être prises en considération avant d’acquérir un épandeur de fumier et ainsi être sûr de disposer de la machine la mieux adaptée à l’usage qui en sera fait. S’il convient de réfléchir aux divers paramètres relatifs aux performances de l’engin (capacité, système d’épandage, adhérence…), deux autres points fondamentaux que sont le nettoyage et la maintenance ne doivent pas être négligés.

Temps de lecture : 13 min

La hausse graduelle du prix des engrais est une réalité depuis plusieurs années. Elle s’accélère depuis quelques semaines pour atteindre des sommets, en raison notamment de la flambée des prix du gaz. Ce contexte préoccupant incite naturellement à la réflexion quant aux solutions existantes pour limiter l’impact de ces tarifs prohibitifs sur la trésorerie des exploitations.

L’une des pistes pertinentes pour contenir cette augmentation des prix consiste à optimiser l’emploi des engrais organiques issus de la ferme, de telle sorte que les achats extérieurs d’engrais soient limités au strict nécessaire. Encore faut-il pouvoir maîtriser la valeur fertilisante, la dose appliquée et la précision d’épandage de ces engrais organiques, une précision dépendant non seulement du type d’engrais concerné mais aussi du matériel d’épandage utilisé.

Au travers de ce dossier, nous nous penchons sur les épandeurs d’engrais organiques solides. Il en existe différents modèles sur le marché, de toutes capacités. Alors, caisse étroite ou caisse large ? Hérissons verticaux ou hotte d’épandage ? Ces deux interrogations sont les plus récurrentes lorsqu’il est question de choisir un épandeur de fumier. Or, d’autres questions méritent d’être prises en considération également pour acquérir la machine la mieux adaptée. Pour aborder le sujet, nous avons fixé rendez-vous à Frédéric Brixhe, conseiller technico-commercial chez Joskin, le plus important constructeur belge de ce type de matériel.

Quelles matières ? Et à quels dosages ?

Comme le confirme d’emblée Frédéric, la première question à se poser est de déterminer avec le plus d’exactitude possible ce que l’on souhaite épandre comme matières et à quels dosages : « Avant de choisir une machine, l’agriculteur doit définir un plan d’épandage précis. Souhaite-t-il appliquer du fumier, du compost, des fientes, de la chaux, des écumes… ? À quelle dose faudra-t-il distribuer ces matières ? Ces paramètres guident vers des solutions techniques spécifiques, et donc vers le choix final de l’épandeur. »

À titre d’exemple, l’épandage d’un fumier grossier à haute dose requiert bien entendu moins de précision que l’application de fientes de volailles à bas volume. « Jusqu’à présent, la notion de précision dans l’épandage des engrais de ferme était parfois prise à la légère par certains agriculteurs. D’autres, tels que ceux pratiquant l’agriculture biologique, y prêtent une plus grande attention, étant donné que ce sont les seules matières fertilisantes auxquelles ils peuvent avoir recours. »

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Aujourd’hui, avec l’envolée du prix des engrais, on constate une évolution dans le chef des candidats acheteurs : ils s’intéressent davantage à la maîtrise du dosage, et donc à la précision de l’épandage, de leurs engrais de ferme. Et cette tendance devrait se poursuivre car il y a fort à parier que la valeur des engrais organiques augmentera parallèlement à l’accroissement du prix des engrais de synthèse. « Si leur valeur augmente, le degré de précision de distribution lors de l’épandage devra immanquablement augmenter aussi ».

Tenir compte de la réglementation routière

La réglementation routière orientera à son tour le choix de l’épandeur. Il faut effectivement savoir que la législation en vigueur impose une charge maximale de 10 t par essieu ainsi qu’un système de freinage pneumatique. La configuration de l’épandeur sera donc totalement différente selon qu’il s’agit d’une machine circulant à vide sur la route, avec chargement au champ, ou d’un épandeur empruntant la voie publique chargé.

« Cet aspect doit absolument être pris en compte au risque sinon de compromettre la sécurité des usagers de la route et de solide déconvenue en cas de contrôle routier ou d’accident. La distance de déplacement est également à évaluer : plus elle est grande, plus la quantité à transporter a intérêt à être importante pour rester rentable. » Cela influe nécessairement sur le volume de la caisse et le nombre d’essieux.

« L’accroissement de la valeur des engrais organiques que je citais précédemment, et tel qu’on peut déjà le constater pour les fientes et le compost, risque d’avoir pour corollaire l’apparition de nouveaux marchés de commercialisation pour ces produits, générant davantage de transports. Cette question prendra probablement encore plus d’envergure à l’avenir si cette tendance se poursuit », complète Frédéric.

Disposer de la puissance adéquate… ou de grandes roues

Il est évident que la puissance du tracteur doit être adéquate pour pouvoir entraîner et tirer l’épandeur. Il est possible de réduire la puissance nécessaire par l’adoption de roues de plus grand diamètre sur l’épandeur, rendant de fait l’effort de traction requis moins élevé. Il en est ainsi des matériels à caisse étroite et grandes roues qui, par ailleurs, se révèlent aussi plus stables que les caisses larges.

Le cadre d’épandage avec hérissons verticaux convient bien  aux dosages importants et autorise de grandes largeurs de travail.
Le cadre d’épandage avec hérissons verticaux convient bien aux dosages importants et autorise de grandes largeurs de travail.

Il faut toutefois rappeler qu’un tel outil rempli atteint généralement une charge par essieu dépassant les 10 t réglementaires, interdisant dès lors la circulation à pleine charge sur la voie publique. Il existe des versions d’épandeurs à caisse étroite munies de deux essieux, permettant de circuler sur la route chargé, mais surtout choisies pour des raisons de stabilité accrue.

Les grandes roues présentent un second avantage : elles autorisent des fenêtres d’intervention plus larges. Une caisse étroite ainsi équipée permet donc des travaux plus précoces, en zones humides… Aujourd’hui, ce type d’épandeur représente grosso modo 85 % du marché wallon, avec une organisation de chantier reposant sur le chargement au champ ou en prairie.

Attention à l’adhérence !

Un autre critère essentiel à prendre en considération lors du choix de la caisse est sans nul doute la hauteur de chargement, à choisir en fonction des capacités de l’engin de manutention utilisé.

« Le profil du terrain sur lequel sera amené à évoluer l’ensemble tracteur-épandeur doit aussi être analysé car il est nécessaire de préserver en permanence la motricité du tracteur. En effet, la répartition des masses ne cesse de se modifier en cours de travail du fait du déplacement progressif et assez rapide de la charge vers l’arrière de la caisse. Ceci peut engendrer de sérieux problèmes d’adhérence. Si de telles conditions peuvent se présenter, il faut alors rechercher des solutions techniques, comme le report de charge sur le tracteur par délestage du premier essieu sur un train roulant à deux essieux », signale Frédéric.

Un épandeur peint…

ou galvanisé ?

La plupart des épandeurs de fumier sont peints mais plusieurs constructeurs proposent des réalisations entièrement galvanisées. Que faut-il penser de ces revêtements de surface ? « La galvanisation a l’avantage d’être appliquée via un bain dans lequel sont plongés les constituants de la machine. Il en résulte un traitement complet de ces composants, et donc un très haut niveau de protection. De plus, la galvanisation procure une résistance à l’impact supérieure. Il existe toutefois un revers à la médaille : elle supporte mal les pH faibles (inférieurs à 3,5) ou élevés (supérieurs à 9). Il est donc fortement conseillé de ne pas opter pour ce type de traitement si des fientes de poules ou de la chaux font partie intégrante du plan d’épandage… »

La galvanisation offre un niveau de protection et une résistance aux impacts supérieurs  mais ne convient pas aux matières caractérisées par un pH faible ou élevé.
La galvanisation offre un niveau de protection et une résistance aux impacts supérieurs mais ne convient pas aux matières caractérisées par un pH faible ou élevé.

Les peintures, quant à elles, ont bien évolué. À ce jour, ce sont des peintures époxy qui sont majoritairement employées ; elles résistent bien à l’acidité et aux variations d’acidité. Contrairement à la galvanisation, la peinture s’applique par dépôt et seules les parties visibles sont donc traitées.

Veiller à la bonne tension du tapis

Toujours au niveau de la caisse, la taille des chaînes constituant le tapis mouvant doit être adaptée à la taille de l’épandeur et à la densité de la matière à épandre. Il en est de même pour le diamètre de l’axe d’entraînement de ces chaînes. La chaîne la plus utilisée est la chaîne marine mais, sur certains modèles, ce sont des chaînes cubiques ou des chaînes Vaucanson qui sont installées.

Chaque type de chaîne présente des avantages et des inconvénients, comme le décrit Frédéric : « Toutes les chaînes s’allongent avec le temps ; il est donc nécessaire d’intervenir périodiquement pour en réduire la longueur. À titre d’exemple, cette opération est très facile avec une chaîne Vaucanson mais cette dernière n’autorise pas l’inversion du sens d’avancement du tapis ».

La galvanisation offre un niveau de protection et une résistance aux impacts supérieurs  mais ne convient pas aux matières caractérisées par un pH faible ou élevé.
La galvanisation offre un niveau de protection et une résistance aux impacts supérieurs mais ne convient pas aux matières caractérisées par un pH faible ou élevé.

Plus encore que le type de chaîne, il faut surtout s’attarder sur la gestion de la tension du tapis : « Pour qu’un épandeur fonctionne correctement, il faut en effet que les chaînes soient tendues de manière optimale. Ceci demande une certaine vigilance de la part de l’opérateur, d’où l’intérêt d’avoir une bonne accessibilité au tendeur et un système de gestion de la tension à la lecture facile. À cet égard, un tendeur hydraulique permet un réglage de tension plus fin qu’un traditionnel système mécanique avec ressort en compression ».

À hérissons verticaux ou à table d’épandage ?

Apparaît ensuite le choix du système d’épandage proprement dit. Si les hérissons horizontaux étaient légion par le passé, ce n’est plus vraiment le cas. Nombre de constructeurs ont d’ailleurs abandonné ce système, présentant pour principal défaut une largeur d’épandage réduite, occasionnant un nombre de passages élevé, une compaction du sol plus étendue et un faible débit de chantier.

De plus, les hérissons horizontaux ne conviennent vraiment qu’aux fumiers grossiers et peuvent se montrer peu performants au niveau de l’uniformité et de l’homogénéité de l’épandage avec, par exemple, des dépôts d’amas de fumier compacts sur le sol. Les deux solutions qui ont pris l’ascendant sur les hérissons horizontaux sont évoquées par Frédéric.

« La première d’entre elles est le cadre arrière avec hérissons verticaux. Celui-ci convient bien pour les dosages supérieurs à 7 ou 8 t/ha et autorise des largeurs d’épandage importantes, et donc des débits de chantier élevés. La seconde option est la table d’épandage qui, elle, s’adresse plutôt aux utilisations requérant un faible dosage. C’est le système le plus précis pour les épandages à faible volume, entre 2 et 5 t/ha. »

« En théorie, la table d’épandage est polyvalente et fonctionne aussi pour les hauts dosages. Toutefois, en pratique, cette configuration n’est pas rentable avec les fumiers grossiers. La table d’épandage étant dotée de hérissons horizontaux déversant la matière dans une hotte au pied de laquelle se trouvent deux disques d’épandage, on travaille en quelque sorte porte fermée. Le passage d’un gros fumier dans un tel système nécessite alors un besoin de puissance trop important ».

La hotte d’épandage est le système le plus précis pour les épandages à faible volume.
La hotte d’épandage est le système le plus précis pour les épandages à faible volume.

Il convient aussi d’ajouter que, de manière générale, une caisse large procure plus de précision lors de l’épandage étant donné que l’ouverture sur les disques d’épandage est supérieure. La forme des hérissons, leur vitesse de rotation mais aussi le profil du front d’attaque du fumier à l’arrière de la caisse revêtent une importance particulière.

« Le front d’attaque doit être le plus plat possible et légèrement incliné vers l’avant de façon à limiter la chute d’amas de fumier sur les disques d’épandage. À ce titre, la porte guillotine est à mes yeux indispensable car elle concourt également à la régularité de l’épandage. Je constate que de nombreux agriculteurs l’utilisent pourtant mal, en l’ouvrant à fond dès le début du travail. Or, le rôle de cette guillotine consiste à racler la crête du tas pour présenter un volume plein à l’entrée du cadre d’épandage. C’est la raison pour laquelle un bon indicateur d’ouverture de porte n’est pas à négliger. »

La vitesse des hérissons est un autre facteur essentiel. Plus la vitesse de rotation est élevée, plus le couple à fournir à la prise de force est important. Par ailleurs, il est souvent fait référence à la vitesse de rotation et très rarement à la vitesse circonférentielle. Or, cette dernière est à considérer car elle correspond à la vitesse de sortie du fumier.

« Enfin, il est utile de s’intéresser au diamètre des hérissons : un grand diamètre autorise la pose de couteaux en nombre plus important pour hacher le produit, ce qui confère davantage de précision. De même, plus le disque d’épandage compte de pales, plus la précision d’épandage est affinée ».

Évaluer la pertinence des équipements électroniques

Au rayon des équipements additionnels, les épandeurs peuvent être pourvus d’outils de gestion électronique mais il est important d’en évaluer la pertinence, prévient Frédéric.

« En fumiers grossiers, avec des épandeurs grande largeur à hérissons verticaux, je ne suis pas convaincu que l’électronique soit vraiment essentielle, même si elle peut apporter un certain confort d’utilisation. Vu les dosages importants appliqués, faire une erreur de quelques dizaines ou centaines de kilogrammes n’impacte pas significativement le résultat ; la déviation en découlant s’avère en pratique très faible, en raison de la vitesse de déchargement rapide de la caisse notamment. »

Par contre, la gestion électronique peut avoir sa raison d’être pour les applications à bas volume. Il est clair que, au regard des faibles volumes épandus à l’hectare, toute erreur de dosage se traduit par des répercussions plus marquées. Un système de Débit Proportionnel à la vitesse d’Avancement (DPA) peut ainsi apporter une valeur corrective utile sur une machine avec table d’épandage.

La modulation de dose est-elle possible ?

La modulation de dose, consistant à appliquer le produit à la juste dose à chaque endroit dans le champ conformément aux consignes précisées dans une carte de préconisation couplée à un GPS, est une tendance de plus en plus rencontrée au niveau des distributeurs d’engrais. Qu’en est-il en ce qui concerne les épandeurs de fumier ?

Les chaînes du tapis doivent être  correctement tendues. La fixation des lattes sur les chaînes par l’intermédiaire  de boulons en facilite le démontage  lorsque celui-ci est requis.
Les chaînes du tapis doivent être correctement tendues. La fixation des lattes sur les chaînes par l’intermédiaire de boulons en facilite le démontage lorsque celui-ci est requis.

« La modulation de dose avec GPS est possible mais avec l’imprécision inhérente à un épandeur de fumier, de part la nature des matières appliquées plus compactes et plus denses. Le calculateur doit en outre tenir compte du fait que cette matière retombe une dizaine de mètres derrière la machine et que des fluctuations peuvent apparaître sur la largeur de travail. La fonction de mapping (transcription des caractéristiques de l’épandage sur une carte) est aussi intéressante dans le cadre de l’enregistrement et de l’archivage des travaux effectués. Dans ce cadre, l’Isobus, en plus d’offrir une plus grande facilité de commande de l’appareil, dispose d’une capacité d’extraction des données très utile pour ces archivages, parcelle par parcelle ».

Ne négligez ni le nettoyage, ni la maintenance !

Quel dernier conseil Frédéric pourrait-il prodiguer à un candidat acheteur ? « Je constate que la plupart des intéressés, lorsqu’ils s’informent sur une machine, se postent devant elle, en font le tour et collectent des données relatives aux capacités et performances de l’engin. Tout cela est bien naturel et utile mais je les enjoins également à porter leur attention sur deux autres points fondamentaux pour être satisfaits de leur achat : le nettoyage et la maintenance de la machine. »

En effet, un épandeur de fumier est par nature appelé à se salir, à se souiller. Le nettoyage est donc un passage aussi obligatoire que récurrent. Autant donc y passer le moins de temps possible. Or, la conception et la construction de l’épandeur peuvent fortement influencer la durée de ces opérations.

« Je les invite à tenter d’identifier les points d’accumulation du fumier, notamment en regardant sous la machine, un réflexe dont peu de futurs acheteurs font preuve, alors qu’il s’agit pourtant d’un véritable point d’attention. Par exemple, si le châssis est bien fermé, il y aura peu de zones d’accumulation de matières, ce qui allégera l’opération de nettoyage. De même, le positionnement des organes hydrauliques ou le passage de flexibles sous la caisse peuvent concentrer des amas de matières s’ils sont trop nombreux ou mal disposés. »

« Un autre exemple qui pourrait illustrer mon propos concerne le diamètre des tubes intérieurs des hérissons verticaux : plus il est grand, plus le hérisson est facile à nettoyer. Les fumiers grossiers peuvent renfermer des ficelles, qui peuvent s’enrouler autour d’un hérisson ; plus le diamètre de celui-ci est important, plus ce risque diminue et, le cas échéant, plus il est facile de couper la ficelle pour l’éliminer. »

Quant à la maintenance, elle peut également être rendue plus ou moins facile en fonction de la configuration de la machine. La maintenance du tapis, pour ne citer qu’elle, est influencée par la fixation des lattes sur les chaînes. Il est évident que, si une intervention doit être entreprise sur l’une de ces lattes, par exemple parce que celle-ci a été pliée par une pierre, elle sera beaucoup plus aisée et rapide si la latte est boulonnée plutôt que soudée sur la chaîne.

« La facilité avec laquelle la transmission se démonte, avec laquelle le cadre peut se dissocier de la caisse, avec laquelle des pièces de rechange sont disponibles… sont autant de points clés sur lesquels il est intéressant de s’attarder. Le nettoyage et l’entretien réguliers de l’épandeur doivent donc être pris en compte dès avant l’achat de la machine pour être réduits et facilités autant que possible ».

N.H.

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