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Maraîchage: produire en tenant compte de la modification climatique

Sur base d’observations menées sur une trentaine d’années, nous pouvons penser que les cultures liées à la production de biomasse seraient moins freinées par l’évolution climatique que les espèces produisant des grains.

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Les experts du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) ont estimé l’évolution climatique avec une hausse de la température de 1,1 à 2,6 ºC dans un scénario « intermédiaire » et de 2,6 à 4,8 ºC dans un scénario « pessimiste », d’ici la fin du siècle.

Pour le maraîcher, les cultures en plein air comme celles sous abris sont concernées directement.

La température maximale quotidienne est un facteur limitant qui est un frein à la croissance des cultures. Au-delà d’une température plafond, la croissance et le développement des espèces deviennent très faibles et s’arrêtent. C’est le nombre de jour d’arrêt qui a une influence sur le développement. L’effet se constate sur un allongement de la durée de culture avant de pouvoir atteindre une taille récoltable du légume. Les températures élevées et l’arrêt prolongé de la croissance amènent aussi une montée à graine prématurée de certaines variétés. Pour l’ensemble des espèces maraîchères cultivées chez nous, les calendriers de semis-plantation-récolte doivent évoluer pour permettre un approvisionnement correct des marchés.

Chaque espèce, chaque variété, a des exigences de température. Nous abordons le point lors de l’approche de chaque situation. De manière générale, au-delà de 25ºC, les cultures maraîchères que nous cultivons d’ordinaire en plein air ralentissent significativement leur croissance. Les cultures que nous cultivons d’ordinaire sous serre en été se pollinisent moins bien au-delà de 32ºC et se développent moins bien au-delà de 35ºC. Si ces plafonds sont dépassés quelques heures par été, les conséquences sont limitées. Si cela se produit chaque jour et de nombreux jours de suite, les effets seront marqués. En pratique, nous devons rester attentifs à l’emploi de techniques permettant de limiter la température diurne : ventilation, ombrage, hauteur de serre, etc.

La montée de la température moyenne annuelle ne signifie pas que nous pouvons espérer une économie sur le maintien de la température pour l’élevage des plantules. Chaque année et chaque mois ont une fourchette de température effective qui reste large.

Les températures d'élevage des plantules détermine la vitesse de développement et aussi la sensibilité à la montaison précoce de bon nombre d'espèces  maraîchères.
Les températures d'élevage des plantules détermine la vitesse de développement et aussi la sensibilité à la montaison précoce de bon nombre d'espèces maraîchères.

Les précipitations

Les modifications climatiques se manifestent aussi sur la régularité des précipitations. Les années 2017 à 2020 se sont distinguées par des périodes longues sans précipitation durant la période de culture en plein air. Bien que les différences sous-régionales aient été importantes, les précipitations ont été plutôt abondantes en hiver et relativement faibles en été. 2021 a été dramatiquement différente, elle nous rappelle que nous pouvons calculer des moyennes sur plusieurs années mais qu’il n’y a pas d’année moyenne. Le maraîcher doit en tenir compte dans son estimation des possibilités et des besoins d’irrigation et de réserves d’eau. Nous savons aussi que l’irrigation apporte une partie de la réponse mais ne suffit pas en elle-même.

Les actions préventives

La qualité des sols, leur état humique, les protections (paillages, haies brise-vent…) font toute la différence.

Ces aménagements permettent de réduire l’évaporation d’eau et les effets desséchants du vent. Ils complètent la qualité intrinsèque des sols, leur richesse en argile, leur profondeur, le sens de leur pente. La structure et l’absence de compactage sont tout aussi essentielles. Lors d’années caractérisées par des apports réguliers et soutenus d’eau, tout pousse facilement et partout (y compris les adventices). Lorsque les régimes des précipitations deviennent capricieux, c’est la qualité du site dans son ensemble qui est déterminant, les différences entre parcelles deviennent énormes.

N’oublions pas que l’eau est nécessaire à une communauté. Le partage pourra amener des arbitrages comme cela se fait déjà dans de nombreuses régions du monde.

La production maraîchère en Wallonie reste modeste par rapport à celle du Royaume. Elle va résolument vers une production durable et respectueuse de l’environnement.

La grande difficulté est de maintenir les fermes maraîchères viables économiquement et compétitives vis-à-vis des légumes importés d’autres régions européennes.

Pour s’adapter à l’évolution climatique et de manière générale pour s’adapter à l’évolution de la société et de ce qui l’entoure, le maraîcher aussi a besoin de se former. Cela signifie qu’il doit pouvoir disposer de temps pour cela. Les progrès récents dans l’emploi des moyens modernes de communication permettent plus facilement des formations en ligne. Nous devons en tenir compte, ce point a été abordé lors des derniers numéros du Sillon Belge.

Une bonne  structure de sol est nécessaire pour permettre une bonne implantation des racines et donc une bonne résistance aux longues périodes sèches.
Une bonne structure de sol est nécessaire pour permettre une bonne implantation des racines et donc une bonne résistance aux longues périodes sèches.

Le maraîcher, comme les autres citoyens, est un acteur et a la possibilité d’atténuer les effets des émissions de gaz à effet de serre. Les données nous manquent pour évaluer et inventorier les pratiques à mettre en œuvre d’une agriculture intelligente face au climat. Il faut pouvoir évaluer objectivement l’effet des travaux alternatifs aux PPP. Il faut informer les consommateurs et les décideurs des coûts actuels des transports de légumes sur des distances longues en comparaison des productions locales.

Ne nous leurrons pas. Le réchauffement ne va pas simplement nous amener dans des conditions semblables à celles que nos voisins de régions plus au sud de quelques centaines de km connaissent. Les extrêmes de température et de précipitations vers le haut comme vers le bas sont annoncés bien plus variables que par le passé. Nous adapter au climat attendu chez nous, ce sera surtout augmenter la résilience de la ferme maraîchère en poursuivant nos efforts vers la plantation de haies, le maintien de zones humides, le maintien de la fertilité des sols, tout en gardant une capacité financière d’un fonds de roulement suffisant.

F.

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