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Albert Moulin: «Le journaliste, c’est un homme curieux des hommes et des choses… Ensuite, il faut partager ce savoir»

La semaine dernière, dans notre édition spéciale, nous vous avons proposé la première partie de notre interview d’Albert Moulin, journaliste, fils de paysans et témoin des villages qui changent. Celle-ci se terminait à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Reprenons ici son histoire, à travers cet événement qui marqua nos campagnes mais aussi par le biais de sa carrière de journaliste agricole.

Temps de lecture : 16 min

L e Sillon Belge : La guerre va venir bouleverser la vie relativement paisible des villageois.

Albert Moulin : L’angoisse de la population a commencé à augmenter à la fin 1939-début 1940, lorsque la guerre est apparue comme inéluctable. Les vieux racontaient les souvenirs pénibles de la grande guerre. En 1914, les Allemands avaient commis des massacres dans plus d’un village, et toute la guerre s’était passée sous une férule impitoyable.

Ce qui fait qu’au 10 mai, premier jour de la guerre, beaucoup se préparaient à l’exode. Un fermier voisin vint trouver mon père et lui proposa d’évacuer ensemble vers la France. Mon père ne voulut pas partir et sa réponse m’effraya : « Si on doit mourir, ce ne sera pas sur les routes de France, mais dans notre maison. ». À part ce « traumatisme » pour moi, on n’a quasi pas vu de soldats allemands à Lombise.

Mais il y eut rapidement des problèmes de ravitaillement, et donc du marché noir, que l’autorité tenta d’endiguer en créant un organisme de contrôle, la Corporation Nationale de l’Agriculture et de l’Alimentation, plus connue sous son sigle, la CNAA.

À propos de la CNAA, je me rappelle très bien que Le Sillon Belge a publié de très nombreux articles pendant des années, notamment sur Piet Meeuwissen, le responsable de la CNAA. Il faut croire que ce fut un énorme traumatisme pour les agriculteurs.

C’est comme pour la grande dépression des années trente, ma jeunesse m’a préservé des soucis qui rongeaient les parents, et ceux-ci ne nous en parlaient pas. Dans un village, tout se sait tellement vite, car les enfants parlent innocemment. Les adultes n’aiment pas trop qu’on connaisse leurs misères. C’est d’ailleurs pourquoi la misère, la pauvreté, est souvent cachée dans les villages.

Mais j’ai une anecdote à propos de la CNAA. Quand je suis devenu journaliste agricole, j’ai, un jour, rencontré une personne qui en avait fait partie. Je le savais par ouï-dire. Et au cours de la conversation, la confiance venant, il me raconte une anecdote qu’il avait vécue durant la guerre : J’arrive dans une ferme et je suis accueilli froidement par le fermier, un moustachu à la mode des poilus de la grande guerre. Il y a un garçon de 10 ans à côté de lui. Le fermier prend une pelle et dit au garçon d’aller à la maison. Le garçon n’a pas l’air de comprendre… Pour une fois qu’il y a un étranger qui vient à la maison… L’homme se fâche sur le gamin qui s’en va en traînant les pieds. Me voilà seul avec le fermier qui devient encore moins commode. Je me suis dit : « Si je fais le malin, je vais recevoir un coup de pelle, je vais me faire tuer ici. Évidemment, il faut bien gagner sa vie, mais comme il n’y a pas de dénonciation à son sujet, il n’y a pas de raison de lui chercher des noises. » Je lui ai donc dit que tout me semblait être en ordre. Je suis reparti et j’ai fait un rapport favorable sur cette ferme où je n’ai plus jamais remis les pieds. Je n’ai jamais demandé à d’autres contrôleurs s’ils avaient eu des aventures de ce genre. Durant la guerre, on se méfiait de tout et de tous.

Ce fermier est passé entre les mailles du filet. D’autres contrôleurs se faisaient certainement acheter…

Lorsque j’ai raconté cette histoire à mon père, il m’a dit comprendre l’attitude du fermier. Si celui-ci fraudait, peu ou prou, que la chose était découverte, il allait se retrouver en prison, peut-être en camp de concentration. Que deviendraient sa femme et ses enfants dans un pays où il y avait de la famine ? Le contrôleur risquait donc la mort et un enterrement sans témoin. Ni vu ni connu.

En temps de guerre, il y a tant de choses qui se passent. Il y a des contrôleurs plus ou moins patriotes, d’autres qui sont vendus à l’ennemi. À qui se fier ? Et mon père termine son explication en rappelant les trahisons des dirigeants : « En 1914, l’Italie était contre l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne. En 40, Mussolini s’allie avec Hitler. Hitler était contre le bolchevisme. En 1939, il retourne sa veste et s’allie avec Staline pour dépouiller la Pologne, avant de se retourner contre lui deux ans plus tard. Les exemples de trahisons ne manquent pas. ».

Et puis, mon père me pince l’avant-bras et dit : « M’ fieu, Vo patrie, ch’est vo piau » (« Mon fils, votre patrie, c’est votre peau »). Oui, dans notre patois, le tutoiement est très rare.

Hormis les privations, la guerre s’est déroulée sans trop de heurts à Lombise.

Comme il n’y avait pas d’ennemi visible, car nous étions loin d’un chemin de fer, il était difficile de faire de la résistance. Ce n’était pas comme à Silly où il y eut un maquis, grâce au bois à partir duquel il était possible de se cacher et d’envisager des embuscades.

À Lombise, il y eut quelques échauffourées lorsque les Allemands ont commencé à reculer. Le 3 septembre 1944, un tank américain s’est installé derrière notre maison. La rencontre des GI’s fut pour moi la découverte du chewing-gum. Trois mois plus tard, on a recommencé à trembler lors de l’offensive Von Rundstedt, mais sans connaître les angoisses des Bastognards, par exemple.

Le temps des premières expériences professionnelles

Fin de la guerre, c’est le temps des études ?

J’étais bon élève, l’instituteur tenait une classe unique de 19 élèves, tous garçons. Il y avait l’école des garçons et l’école des filles. Ma mère et mon instituteur ont pu persuader mon père. Je pense qu’il aurait préféré me voir reprendre la ferme. C’est certainement pourquoi, de 1942 à 1953, j’ai été au collège d’Enghien puis à l’institut agricole d’Ath.

Puis, vint le temps du service militaire. En 1950, c’est la guerre de Corée. Le service militaire était alors de 24 mois. Il y eut un contingent belge en Corée, mais je n’en ai pas fait partie.

Lors du premier reportage à Paris, une chance rare pour un journaliste belge, faire  la photo du président Charles De Gaulle en visite au Salon International de l’Agriculture.
Lors du premier reportage à Paris, une chance rare pour un journaliste belge, faire la photo du président Charles De Gaulle en visite au Salon International de l’Agriculture.

À l’issue de mon service militaire, qui fut raccourci à 18 mois, j’ai répondu à une demande pour le Congo belge. J’avais lu tous les livres de Jules Verne, et j’avais envie de voir du pays, et j’avais en plus la perspective d’un emploi de qualité. J’ai été engagé. C’est ainsi que, de 1955 à 1960, je fus chef de plantation pour une grande multinationale.

En principe, j’étais responsable d’un secteur de 3.000 ha et de 800 ouvriers. La plantation faisait au total 9.000 ha, et nous étions trois responsables agronomes. Et nous nous épaulions pour faire fructifier cette plantation de palmiers à huile, avec des cacaoyers, arbres acaules (sans tige) qui étaient plantés sous les palmiers. À l’époque, c’était un très vaste domaine.

J’ai appris la langue locale, le lingala. J’allais voir les chefs coutumiers pour recruter du personnel. Il ne faut pas croire qu’ils nous donnaient les meilleurs éléments. On avait les plus « remuants ». C’est de bonne guerre. Un paysan ne vend jamais sa meilleure vache. Cela dit, j’ai beaucoup apprécié la chaleur humaine du peuple congolais, c’était d’autant plus facile que je parlais la langue. Je parle de la population en général, pas des dirigeants.

Aujourd’hui, la colonisation fait débat…

À l’époque, on ne se posait pas la question. Mais je le comprends à la lumière de la perception actuelle. Il y a tant de choses remises en cause aujourd’hui, et bien souvent à juste titre.

Une anecdote, peut-être…

Je pourrais en raconter plus d’une. En forêt équatoriale, j’ai eu l’occasion de rendre visite (mais c’était interdit) à une tribu de pygmées.

En voici une autre qui m’a vraiment frappé. Un jour, je vais dans un village avec un autre chef de plantation. Et je vois arriver un chien dont l’allure me paraît vraiment bizarre. Il vient me lécher le mollet, et je ne fais pas attention à mon collègue. Au retour, j’en parle avec le médecin qui soupçonne que le chien est enragé. Je me fais vacciner, comme le collègue. Il eut moins de chance que moi. Il fut envoyé en urgence à Léopoldville (Kinshasa) pour y être soigné. Hélas, il mourut trois semaines plus tard dans d’atroces souffrances.

La médecine a fait d’énormes progrès. Lorsque j’étais jeune, on craignait le croup (diphtérie). Un de mes oncles en était mort très jeune. La vaccination nous préserve désormais aujourd’hui de nombreuses maladies. Les antibiotiques étaient inconnus. Mon frère aîné, que je n’ai pas connu, est mort d’une appendicite. Finalement, nous étions deux, ma sœur cadette et moi.

Le retour en Belgique

Arrive l’indépendance, en 1960.

Un mot d’abord à propos de la plantation. Aujourd’hui, elle n’existe plus, la nature a repris ses droits. Il y a de quoi se poser des questions à propos des dirigeants politiques de ce pays où tout pousse, et je ne parle pas de ses richesses minières.

En 1960, j’étais marié, j’arrivais au terme de mon deuxième mandat le 6 juillet, et ma femme désirait rester en Belgique, car elle enseignait. J’ai donc renoncé à un troisième mandat. Et comme les troubles ont commencé rapidement après la déclaration d’indépendance, j’ai dû partir rapidement, pour ne pas dire fuir, vers Bangui (République Centrafricaine) pour y prendre l’avion vers la France. C’est ainsi que je me suis retrouvé à Paris le 14 juillet, en pleine fête nationale, en short, sans argent ni bagages. C’est la Croix-Rouge qui m’a ramené en Belgique.

Cette fois, il n’est plus question de s’expatrier.

Non, j’ai d’abord trouvé un emploi comme professeur. J’en ai profité pour transformer progressivement en maison une partie de la grange de la ferme paternelle, car il y a eu l’arrivée de quatre enfants. Puis, j’ai répondu à une demande du Sillon Belge qui désirait lancer un supplément appelé Équipement Rural. C’est ainsi que je suis devenu journaliste agricole.

Vu l’étroitesse du public agricole belge, il fallait conquérir au moins une partie du marché français. C’est ainsi que, pendant tout un temps, j’ai eu un pied-à-terre à Maubeuge. Mais nous avions face à nous des grands groupes de presse, et l’un d’entre eux, assez implanté dans le milieu agricole, voulait lancer un magazine correspondant au nôtre. C’était logique : la mécanisation et la motorisation envahissaient le monde agricole et rural. Entre le moment où je suis parti au Congo et le moment où je suis revenu, les changements avaient été très importants. Il y avait des tracteurs dans toutes les fermes, ou presque. Il fallait donc accompagner ce mouvement.

Albert Moulin en 1970.
Albert Moulin en 1970.

Je me suis vite rendu compte que c’était mission impossible. Ce que les responsables du Sillon Belge ont compris. Ils se sont diversifiés dans le domaine urbain, et j’eus d’autres affectations, jusqu’en 1977. J’avais donc à la fois le ressenti de ce qui se passait en ville, plus précisément à Bruxelles, et de ce qui se passait à la campagne.

Et il s’est fait que la RTB recherchait un journaliste spécialisé en agriculture, pour la réalisation d’une émission spécialement dédiée aux agriculteurs. J’avais été « tuyauté » par mon beau-père qui était un journaliste connu. J’ai été retenu.

Une carrière de journaliste

Venons-en à l’activité journalistique.

L’année 1962 est assez spéciale en ce sens qu’elle était la première année de la politique agricole commune. En même temps, j’avais tout à apprendre du métier de journaliste travaillant à la télévision. C’est un métier différent du journaliste « classique », qui écrit.

Pour la rédaction d’un scénario, j’ai toujours eu en mémoire les vers de l’art poétique de Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. » mais aussi « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et le repolissez. » En agriculture, il faut être humble vis-à-vis des personnes que l’on interviewe. C’est eux qui connaissent le sujet, pas moi. Le poète latin Virgile disait déjà : « Heureux celui qui a pu connaître le fond des choses ».

J’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes de qualité dans les multiples domaines qui relèvent de l’agriculture, de l’horticulture maraîchère et ornementale : des agriculteurs, des chercheurs, des hommes politiques, des fonctionnaires, des enseignants, des industriels… Pour ne prendre qu’un exemple, j’interviewe le professeur Burny, spécialiste en biologie moléculaire et en bien d’autres domaines. Mais avant l’émission, il me faut comprendre ce qu’il dit pour pouvoir imaginer un scénario compréhensible pour la majorité des téléspectateurs. Comme l’agriculture touche à quasi tous les aspects de la vie, le journalisme agricole est un des rares métiers qui permettent d’aborder un peu de tout, contrairement à beaucoup de métiers, où on sait tout d’un peu…

Le journaliste, c’est d’abord un homme curieux des hommes et des choses. Et puis, ensuite, il faut partager ce savoir avec le téléspectateur ou le lecteur.

Vous avez été à l’antenne de la RTBF-TV pendant longtemps. Peut-on parler de record ?

Je ne sais pas. L’émission était bimensuelle, sauf en été, et d’une durée d’une demi-heure. Elle a eu plusieurs intitulés. Tout d’abord, ce fut La terre et les saisons, l’émission était programmée juste avant le journal télévisé, ce qui fait que des personnes me reconnaissaient alors que je circulais dans les rues de Bruxelles. Puis, l’émission devint Les travaux et les jours, et pour terminer Terre et soleil. Les programmations ont été décalées de plus en plus pour finalement, être diffusées le dimanche matin.

L’émission agricole a duré de 1962 à 1998. Elle s’est arrêtée, j’avais 66 ans. C’est un indice. La suppression d’une émission spécifique consacrée à l’agriculture confirme l’affaiblissement de l’influence du monde agricole.

A Berlin, en plein hiver, interview de Willy Brandt, alors maire de Berlin,  à l’occasion de la Grüne Woche (semaine verte).
A Berlin, en plein hiver, interview de Willy Brandt, alors maire de Berlin, à l’occasion de la Grüne Woche (semaine verte).

Notons aussi la suppression du programme agricole à la radio sous la responsabilité d’Arthur Gobbe, puis de Max Hannart et, en dernier lieu, de Fabrice Thomas. Je tiens ici à stigmatiser le sort réservé aux agriculteurs (la politique des prix, mais bien plus…). Aujourd’hui, les émissions qui traitent à présent de l’agriculture sont généralement faites pour le grand public. Ce n’était pas le cas il y a une trentaine d’années, et pas seulement dans l’espace francophone. L’émission correspondante à la mienne à la VRT avait déjà été supprimée bien avant.

Comment se montait une émission ?

J’avais la complète maîtrise de l’émission, c’est-à-dire que j’avais le choix des thèmes abordés, de la rédaction du scénario (ce que l’on appelle la conduite) et de la présentation en studio. Cela n’est évidemment possible qu’avec la collaboration d’une équipe de techniciens. C’est nettement moins le cas aujourd’hui, vu l’évolution des technologies.

En reportage, il n’était pas rare d’être accompagné par 4 ou 5 personnes ayant, chacun, leur tâche à accomplir, des personnes que le téléspectateur ne voit jamais. Au total, j’ai présenté environ 800 émissions et reçu quelque 4.000 invités.

Et parmi ceux-ci, des célébrités ?

En quelques années, la TV a pris une importance considérable. Passer à la TV peut être essentiel, principalement pour les personnalités politiques et les dirigeants.

Un exemple, je pense à Willy Brandt, maire de Berlin, qui devint chancelier, Edith Cresson, ministre française de l’Agriculture qui devient Premier ministre. Que dire de Jacques Chirac également ? Idem pour Léo Tindemans, Wilfried Martens. La pétulante Annie Cordy aurait-elle été une star s’il n’y avait pas eu la TV ?

Des thèmes et voyages marquants

Évidemment, on se souvient toujours de sa première émission, et de sa dernière…

C’était justement l’époque des tridents de la colère. Il y avait beaucoup d’agitation au sein du monde agricole, avec des manifestations importantes. À cette émission, ont participé le ministre Charles Héger et les agriculteurs qui étaient présidents des UPA et de l’AAB. Avouez qu’il est difficile d’imaginer une plus belle entrée en matière pour un journaliste.

Le plus grand nombre de reportages sur le même sujet ? C’est la foire de Libramont, avec une émission avant et une après l’événement.

En studio, Albert Moulin reçoit Charles Doyen, directeur de l’Ondah  (Office national des débouchés agricoles et horticoles)  et François Beauvois, président du Herdbook Blanc-Bleu Belge.
En studio, Albert Moulin reçoit Charles Doyen, directeur de l’Ondah (Office national des débouchés agricoles et horticoles) et François Beauvois, président du Herdbook Blanc-Bleu Belge.

Mais on se souvient aussi de ses dernières émissions. En studio, j’ai accueilli Guy Lutgen, ministre wallon de l’Agriculture, Jean-Pierre Champagne, secrétaire général des UPA, Georges Van Snick, directeur de l’Élevage au ministère de l’Agriculture, Charles Doyen, directeur de l’Ondah (Office national des débouchés agricoles et horticoles), Clément Crohain, secrétaire général du ministère de l’Agriculture, et le PDG du marché de Rungis qui était de passage à Bruxelles.

Journalisme rime avec voyages à l’étranger…

Moins qu’on le voudrait… Mon premier reportage à l’étranger s’est déroulé lors du Salon International de l’Agriculture à Paris, et l’interview du ministre français de l’Agriculture Edgar Pisani, un des concepteurs de la politique agricole commune.

J’avais prévu une visite aux Halles de Paris, car elles allaient déménager à Rungis. C’était l’occasion, avant qu’il disparaisse, de visiter le ventre de Paris , comme disait Émile Zola. En fait, c’était la bouche de Paris. Mais comme Paris s’agrandissait, il fallait que la bouche soit à l’extérieur, sous peine d’asphyxie. Le marché de Rungis attire de nombreux produits, dont beaucoup viennent de Belgique.

J’ai eu l’occasion de faire bien d’autres voyages à l’étranger, en Israël, en URSS, aux USA, au Canada, au Sénégal, en Allemagne, et évidemment à plus d’une reprise en France. Mes deux derniers reportages furent consacrés au Québec et au Portugal.

Il y eut aussi des thèmes qui vous ont marqué…

Évidemment, je pense à la grande manifestation qui se déroula en mars 1971 à Bruxelles, suite à la divulgation du plan Mansholt. Avec la mort d’Adelin Porignaux, de Mesnil-St-Blaise et des blessés graves, dont Francis Henry, jeune fermier à Hollain. Ce sont les Actualités qui ont filmé ces moments. J’en ai tiré les enseignements, mais j’ai oublié avec qui…

Je pense aussi à la condition féminine en agriculture, un thème que j’ai traité à plus d’une reprise, à la fois dans des reportages et en studio, notamment avec ces femmes brillantes qu’étaient Anne-Marie Thomas et Marie-France Odin. Il y a évidemment aussi la diversification et la volonté de la maîtrise « de la fourche à la fourchette », avec des précurseurs comme Jean Frison qui avait compris comment l’évolution allait se jouer des petits producteurs, et donc de la vie des villages.

Une fréquence d’une émission deux fois par mois, cela ne nourrit pas son homme…

À partir de 1977, j’ai collaboré à diverses institutions comme responsable de communication. Ma dernière fonction fut ma collaboration dans la communication pour les services agricoles du Hainaut. C’était une chance car le Hainaut est la plus importante province agricole de Wallonie, avec de nombreuses zones différentes (limoneuse, sablo-limoneuse, Condroz, Fagne, Campine hennuyère…) et des productions agricoles et horticoles diversifiées. C’était le cas à l’époque.

Un monde qui change

Cela a-t-il changé depuis lors ?

Beaucoup de choses ont évolué, et en premier lieu la politique agricole commune. Malgré les protestations, la pac réformée toutes les quelques années continue à promouvoir l’agrandissement des fermes et l’agro-industrie. Et les villes s’agrandissent partout dans le monde tandis que le monde de ceux qui les nourrissent se racrapote…

Il y a eu aussi la suppression des quotas laitiers et betteraviers, mais aussi des crises comme la maladie de la vache folle et le scandale des PCB qui fut à la base de la création de l’Afsca, la grippe aviaire et la peste porcine africaine. La pac et son cortège sont en train de corseter l’agriculture.

En plus, aujourd’hui, notre monde est confronté au dérangement climatique et à la perte de biodiversité. Et puis, à présent, il y a le coronavirus, m ais aussi la numérisation et l’intelligence artificielle. Le monde de demain sera totalement différent de celui d’aujourd’hui, et pas qu’au niveau du temps, je veux dire du climat.

Pour vous, c’est aussi le temps de la retraite.

Eh oui, on a à peine le temps de vivre que la grande faucheuse se pointe. De la ferme paternelle, j’ai conservé environ un ha. Une bonne partie est devenue un bosquet reposant et un hôtel à oiseaux. Je me suis mis au jardinage. Aujourd’hui, mon grand plaisir, c’est la lecture, que ce soit l’histoire, la littérature ou les sciences… Je continue à m’instruire pour avoir le bonheur de comprendre.

Joseph François

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