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Biométhane du Bois d’Arnelle: du gaz wallon dans nos maisons!

Depuis presque deux ans, plusieurs dômes ont pris place dans les campagnes des Bons-Villers, en Hainaut. Ces bâtiments à l’architecture particulière sont l’œuvre de Jérôme Breton, administrateur délégué de Biométhane du Bois d’Arnelle. Ils produisent du gaz vert utilisé par environ 3.000 ménages de la région.

Temps de lecture : 7 min

Le projet a mis plusieurs années à prendre forme du fait de l’absence totale de réglementations et références belges en la matière mais, l’entreprise est aujourd’hui en pleine activité et elle travaille en étroite collaboration avec de nombreux agriculteurs de la région. « Biométhane du Bois d’Arnelle est la première biométhanisation neuve intégralement conçue pour la production et l’injection de biométhane – gaz naturel vert et renouvelable – produit à base d’intrants agricoles et agroalimentaires », explique Jérôme Breton.

La Biométhane du Bois d’Arnelle est le pionnier de sa filière.
La Biométhane du Bois d’Arnelle est le pionnier de sa filière. - D.J.

Pourquoi le biogaz ?

Originaire de la région et proche du milieu agricole, Jérôme Breton a toujours souhaité développer un projet de transformation et valorisation de matières agricoles : « Ma réflexion a débuté il y a plus de 10 ans et le biogaz s’est naturellement imposé car il permettait de valoriser des déchets agricoles et agroalimentaires mais aussi de produire des cultures et leur apporter une valeur ajoutée. Il était également important pour moi de travailler sur de l’énergie renouvelable de la manière la plus adaptée possible. J’ai ainsi fait le choix de ne pas produire d’électricité, si ce n’est que pour l’autoconsommation de l’usine. En effet, pour en produire, le gaz est brûlé dans un moteur de cogénération. Ce dernier a un rendement électrique de 40 %, un rendement thermique (chaleur) de 40 % et 20 % des pertes. Au milieu des champs, j’avais peu de possibilités de valoriser la chaleur. En bref, j’aurais fait une perte de 60 % de ma production initiale. En produisant du biogaz, j’injecte quasi la totalité de ce qui est produit dans le réseau et le consommateur l’utilise selon ses besoins, sans pertes ».

Un cadre réglementaire complexe et décourageant

Jérôme a passé plusieurs années dans les couloirs des cabinets et administrations pour donner à son projet la possibilité de voir le jour : « En Belgique, il n’y avait aucune réglementation pour pouvoir injecter du gaz vert dans le réseau. En 2014, à l’aide d’un bureau d’étude allemand, j’ai même réalisé une synthèse des différents cadres réglementaires et des prix d’achat existant dans d’autre pays. Ce travail et mon projet ont servi de référence en la matière ».

À l’époque, toutes ces démarches ont permis au projet d’avancer mais, aujourd’hui, la filière se retrouve à nouveau face à un mur. « La filière gaz vert a un potentiel important en Wallonie mais il lui manque un cadre législatif stable pour qu’elle prenne son envol. La réglementation et le système de rémunération du gaz sont trop complexes et ça a un impact négatif sur son développement. Pour qu’il puisse exister et être rentable, j’ai dû revoir la taille de mon projet. Il est beaucoup plus ambitieux qu’à la base mais, je n’avais pas vraiment le choix si je voulais pouvoir faire des économies d’échelle et fonctionner avec le prix du gaz qu’on me proposait. C’est un développement qui devra continuer à l’avenir mais c’est un peu aberrant car, en France, la situation est totalement différente et pas mal d’agriculteurs se lancent dans cette filière verte et locale avec des plus petites installations. Ici, le prix fixe proposé est trop faible pour que les agriculteurs wallons puissent l’envisager. Il y a véritablement un bon équilibre à trouver pour que ce type de projet soit à la fois rémunérateur pour le porteur et abordable pour le consommateur ».

L’usine produit environ 1.500 m³ de biogaz par heure, l’équivalent de l’alimentation  de 3.000 ménages ou 10.000 personnes.
L’usine produit environ 1.500 m³ de biogaz par heure, l’équivalent de l’alimentation de 3.000 ménages ou 10.000 personnes. - D.J.

Déchets agricoles et cultures énergétiques pour matières premières

La construction du site de production de biogaz a débuté en 2020, il est opérationnel depuis août 2021 mais en pleine capacité depuis novembre. Annuellement, ce ne sont pas moins de 60.000 tonnes de matières qui peuvent être transformées pour une production d’environ 1.500 m³ de biogaz par heure et l’alimentation de 3.000 ménages ou 10.000 personnes.

Les matières premières utilisées pour la production du biométhane proviennent à deux tiers de déchets agricoles et agroalimentaires tels que des épluchures de pommes de terre, des sous-produits alimentaires, des effluents d’élevage, des feuilles de betteraves ou encore des pailles qui, faut-il le rappeler, sont rémunérées. Le tiers restant est issu de cultures énergétiques.

« On utilise 30 à 40 % de cultures énergétiques produites dans un rayon de 10 à 15 km. Il s’agit, pour l’instant, principalement de maïs mais, on travaille aussi sur d’autres cultures comme le seigle ou les intercultures afin de diversifier un maximum les sources d’approvisionnement et faire du stock. Cela nous permet aussi d’étaler les périodes de récolte et de rentabiliser le matériel ». L’implantation, le suivi et la récolte des cultures énergétiques sont assurés par une société liée à Biométhane du Bois d’Arnelle, BelAgro. Celle-ci travaille également en collaboration avec les agriculteurs de la région.

Les silos de maïs énergétique sont couverts d’escourgeon semés à la volée.
Les silos de maïs énergétique sont couverts d’escourgeon semés à la volée. - D.J.

On n’affame personne

Les cultures énergétiques n’ont pas toujours bonne presse car on leur reproche de prendre la place des plantes à destination de l’alimentation humaine. Un point de vue qui se discute selon Jérôme Breton : « Les cultures énergétiques ne représentent que 0,5 % de la superficie agricole de la région, on n’affame donc personne et laisse toute la place à l’alimentation humaine. Le potentiel de déchets identifié pourrait assurer l’apport de gaz vert à 40-50 % des particuliers. La mobilisation de quelques pourcents supplémentaires de la superficie agricole disponible sous forme de cultures énergétiques permettrait de doubler ce potentiel. Ça pourrait assurer presque tous les besoins d’Ores en Wallonie sans s’accaparer de manière démesurée les terres ».

Pour le jeune entrepreneur, les activités agricoles sont tout à fait complémentaires et des synergies peuvent être dégagées : « Nous créons des emplois indirects de part nos échanges et la sous-traitance réalisée avec les agriculteurs pour les cultures, les récoltes, le transport… On fait également attention de rentrer le moins possible en concurrence avec les éleveurs sur certains flux. On peut s’adapter au contexte annuel. En 2020, par exemple, pas mal de maïs est retourné chez les éleveurs à prix coûtant. Il est tout à fait possible de travailler en intelligence et main dans la main ».

Les cultures sont stockées dans des silos sur le site d’exploitation. Les silos de maïs énergétique sont couverts d’escourgeons semés à la volée. Le tapis racinaire assure son étanchéité et permet de se passer de plastique.

La matière est introduite dans les digesteurs via des trémies.
La matière est introduite dans les digesteurs via des trémies. - D.J.

Injection de 85 % du gaz produit

La matière est introduite dans les digesteurs via des trémies. Les cuves en béton sont chauffées à 40ºC. Les bactéries se développent dans le mélange formé et dégradent la matière organique en biogaz. « Celui-ci est composé de 50 % de dioxyde de carbone (CO2) et 50 % de méthane (CH4). Ce gaz est aspiré, refroidi, séché et épuré afin de ne conserver que le méthane ».

85 % du biométhane produit est injecté dans le réseau après un contrôle d’Ores (voir ci après). Les 15 % restant sont utilisés dans une cogénération pour les besoins propres en chaleur et électricité de l’entreprise, l’excédent étant également renvoyé sur le réseau.

Le sous-produit de la fermentation des matières premières est le digestat.  Ce coproduit peut être ramené au champ en tant que fertilisant.
Le sous-produit de la fermentation des matières premières est le digestat. Ce coproduit peut être ramené au champ en tant que fertilisant. - D.J.

Un retour au champ via le digestat

Le sous-produit de la fermentation des matières premières est le digestat. Ce produit peut être ramené au champ en tant que fertilisant. « La totalité de notre digestat part en épandage agricole. Un tiers de celui-ci est utilisé pour l’entretien de nos cultures énergétiques et les deux tiers restant sont vendus à des agriculteurs en remplacement des engrais minéraux. Vu le prix actuel de ces derniers, ça peut être un atout. Tous les éléments nutritifs qui rentrent dans le digesteur sont conservés dans le digestat et peuvent être rapportés au champ. Par contre, 40 à 70 % de l’azote présent sont minéralisés lors de la méthanisation. Son coefficient de minéralisation est donc supérieur à celui du fumier. Cela permet de rendre l’azote directement assimilable et la quantité restante est disponible l’année d’après ».

Le jeune homme aborde également la question du « vol de la matière organique des sols » souvent soulevée : « Le carbone stable qui fait l’humus dans le sol n’est pas dégradé dans le digesteur et retrouve donc sa place au champ via le digestat. En ce qui concerne la vie des sol, on n’exporte jamais totalement la matière organique, les bactéries ont donc toujours ce qui leur faut pour faire leur boulot et se développer dans les sols. On travaille de manière raisonnée et on ne détruit pas la biologie des sols ».

Et de conclure de concert avec les représentants d’Ores : « Dans un contexte de recherche d’alternatives énergétiques, on a l’occasion de travailler dès maintenant avec un produit vert. Il ne faut plus attendre et profiter de cette opportunité ».

D. Jaunard

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