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Chez Sabine et Jean-Pierre au cœur de l’Ardenne: des colis de viandes, et pour suivre… des fromages et des desserts lactés!

D’un tout petit projet initié pour nourrir sainement le cercle familial, la ferme coopérative du Grand Enclos, sans jamais se départir de ses valeurs, a grandi au fil des ans entre périodes plus calmes et coups d’accélérateur pour aujourd’hui alimenter en colis de viandes plus de 120 familles. Et ce n’est pas tout : du lait, du beurre et des yaourts « maison », rejoints par les produits de la fromagerie fraîchement inaugurée, recueillent en vente directe les faveurs de nombreux consommateurs des environs. Rencontre avec Sabine et Jean-Pierre bâtisseurs de ce projet de vie, et Denis, coopérateur et fromager.

Temps de lecture : 8 min

Sise à Grandvoir, dans l’entité de Neufchâteau, la petite ferme de Jean-Pierre et Sabine Bechoux-Rigaux est en constante évolution. « Depuis 2015, nous nourrissions le projet d’y installer un atelier de transformation du lait. Depuis peu c’est chose faite, le voici construit et opérationnel. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, nous avons inauguré, début avril, l’ouverture d’un point de vente à la ferme et notre participation au marché du terroir de Léglise », se réjouit Sabine Rigaux, propriétaire avec son mari Jean-Pierre Bechoux de ce coin de paradis niché au cœur de l’Ardenne.

Un attachement viscéral

Mais comment cette aventure a-t-elle commencé ? « Fils d’agriculteurs, j’ai toujours vécu à Grandvoir. J’ai malheureusement perdu mes parents très tôt. Ils occupaient la ferme d’à côté. Je n’ai jamais voulu lâcher cette location, j’ai continué à gérer les prairies, vendu de l’herbe sur pied, gardé des bêtes en location », explique Jean-Pierre qui pour gagner sa vie a exercé de nombreux métiers, avant d’accéder à la retraite, il y a quelques mois.

Viscéralement attaché à ses racines et à son terroir natal, Jean-Pierre  a réalisé le rêve de sa vie  en s’installant là où ses parents étaient agriculteurs.
Viscéralement attaché à ses racines et à son terroir natal, Jean-Pierre a réalisé le rêve de sa vie en s’installant là où ses parents étaient agriculteurs. - M. de N.

Cela a duré comme cela jusqu’au jour où les parcelles qui couvraient alors une trentaine d’ha ont été mises en vente après le décès des propriétaires. C’était il y a une vingtaine d’années. « Nous avons eu l’opportunité d’acquérir la ferme grâce à l’obtention d’un prêt important auprès d’une banque sous couvert d’un remboursement rapide via la vente de terrains à bâtir. »

À l’époque, les animaux se comptaient sur les doigts de la main : 1 génisse jersey, 3 porcelets, 2 brebis, quelques poules… « Ils alimentaient notre consommation personnelle. » C’est également à ce moment-là que Sabine et Jean-Pierre construisent leur maison d’habitation en optant pour le matériau bois, un choix plutôt avant-gardiste et mûrement réfléchi.

Une « stabulation », également en bois…

Petit à petit, la production et la consommation dépassent le cadre familial, s’étendant aux amis. Jusqu’au moment où le couple se décide à passer à la vitesse supérieure : « Quitte à travailler autant sur la ferme, après nos activités à titre principal respectives à l’extérieur, pourquoi ne pas accroître la taille du cheptel et commercialiser quelque peu nos productions ? »

La stabulation en bois construite il y a une quinzaine d’années a été  spécialement conçue pour assurer aux éleveurs beaucoup de plasticité dans son usage.
La stabulation en bois construite il y a une quinzaine d’années a été spécialement conçue pour assurer aux éleveurs beaucoup de plasticité dans son usage. - M. de N.

Et c’est ainsi que nos hôtes ont décidé d’ériger un bâtiment d’élevage, lui aussi entièrement en bois. Aujourd’hui, après 15 ans d’existence, cette stabulation exhibe fièrement son parfait état de santé ! Le bois qui la constitue provient d’épicéas abattus à 300 m de la maison d’habitation. Ces arbres ont été transformés dans une scierie toute proche par l’asbl La Renardière, sise à Bertrix, une entreprise de formation par le travail du bois et dans le bois, avec laquelle Sabine et Jean-Pierre collaborent très régulièrement (plantation d’arbres, fabrication de panneaux didactiques.), dans une démarche alliant la proximité, l’économie et le social.

Outre la diversité des races bovines qu’elle élève, la ferme du Grand Enclos se distingue par son parcellaire très découpé aménagé pour la pratique intense du pâturage tournant.
Outre la diversité des races bovines qu’elle élève, la ferme du Grand Enclos se distingue par son parcellaire très découpé aménagé pour la pratique intense du pâturage tournant. - M. de N.

« Dès sa construction, nous avons opté pour une dimension volontairement large (22 x 13 m) en pariant sur l’extension possible de nos activités et la certitude de trouver le moyen de le rentabiliser complètement dans le futur », explique Jean-Pierre.

… très fonctionnelle

Le deuxième critère qui a sous-tendu la conception de ce bâtiment d’élevage a été la fonctionnalité. Et ce avec raison : il est occupé et plein de vie 365 jours par an.

En hiver, par exemple, il accueille d’un côté des chèvres, moutons, jeunes bovins, ânes, porcs, et de l’autre, les vaches taries, la salle de maternité et les veaux.

Quand il fait bon, les volailles logées dans la «stabulation»  en bois peuvent accéder  librement au parcours  herbagé  extérieur.
Quand il fait bon, les volailles logées dans la «stabulation» en bois peuvent accéder librement au parcours herbagé extérieur. - M. de N.

Dès le printemps et la sortie des animaux en prairies, le bâtiment change de configuration : dans une partie de l’espace ainsi libéré, 3 lots successifs de poulets de chair (moins de 200 unités/lot) prennent place, avec un parcours extérieur en prime. Et la zone où se pratiquent les vêlages au printemps est libérée ensuite pour le logement des veaux, tandis que l’aire accueillant les bovins en hiver est convertie en salle de traite équipée de deux pots trayeurs.

Des colis de viandes, 3 à 4 fois par an

La production du Grand Enclos est valorisée au plus proche du consommateur sous la forme de colis de viandes que commandent et viennent chercher à la ferme quelque 120 familles, trois à quatre fois dans l’année. « Ce réseau a grandi modestement avant de bondir littéralement, il y a deux ans lorsque nous avons été nommés aux mérites économiques de la commune de Neufchâteau. Ce fut le point de départ de notre notoriété à l’échelle locale et de notre envol économique. »

Aujourd’hui, le système de commandes est bien rodé. « Nous produisons le volume et la diversité qui nous est demandée. Au mois de mars, nous envoyons à nos clients consommateurs la liste de ce que nous estimons produire durant l’année en cours. Et ceux-ci précisent leurs desiderata sur leur bon de commande. Par exemple : 3 poulets, ½ agneau, 10 kg de porc, 20 kg de viande bovine, 2 pintades, de la charcuterie… Les commandes se font à la pièce et au poids. Les prix sont fixés pour l’année. Et une semaine avant de conduire les animaux à l’abattoir, la clientèle est invitée à venir chercher les commandes le jour J.

« Tout est prêt pour le consommateur qui n’a plus qu’à mettre ses denrées ans le congélateur et ensuite directement dans la poêle. »

Les porcs, bovins et moutons sont tués dans l’abattoir certifié bio de Gedinne, tandis que les poulets sont abattus à Bertrix. « Nous achetons les porcelets, que nous devons engraisser sur l’année, chez un collègue producteur et ami, à Sugny. »

Les poulets proviennent d’une filière bio qui fournit des poussins démarrés (5 semaines). Quant à la viande bovine, jusqu’en 2015, la coopérative élevait du Maine-Anjou et du Charolais, mais vu l’envol des commandes, la coopérative étoffe son offre avec la production d’autres éleveurs bio de la région.

Démarrage d’une petite fromagerie…

En 2015, la coopérative amorce un nouveau virage. « Nous produisions déjà du lait, du beurre, du fromage blanc et des yaourts pour la vente directe à la ferme. L’idée a alors germé de valoriser davantage encore notre production laitière à travers le fromage ! Initiée par des candidats coopérateurs, la réflexion a mûri et assez vite nous avons décidé de nous engager dans cette nouvelle activité : la mise en route d’un atelier de transformation du lait en fromage », expliquent Sabine et Jean-Pierre.

Denis Amerlynck, coopérateur et le fromager de la coopérative, poursuit : « avec Sabine, nous avons rapidement entrepris les premiers essais de fabrication et le projet s’est réellement matérialisé avec la construction d’un atelier de transformation fromagère en 2016. »

Denis Amerlynck, fromager: «Nous produisons deux types de fromages à pâte molle, mais également un large éventail de produits laitiers différenciés.»
Denis Amerlynck, fromager: «Nous produisons deux types de fromages à pâte molle, mais également un large éventail de produits laitiers différenciés.» - M. de N.

Installée à la sortie de l’étable, la fromagerie a été construite et aménagée « à l’économie ». « Toutes les démarches administratives ont également été entreprises avec Diversiferm et nous avons obtenu les autorisations de l’Afsca, en septembre dernier. C’est également dans cet atelier que sont fabriqués tous nos produits laitiers : beurre, yaourts, fromage blanc, fromages frais, etc., poursuit Denis. »

Les premières ventes de fromage ont commencé l’an dernier, sans trop de publicité. « On recevait nos clients sous une tonnelle, le mercredi et le samedi.

La fromagerie a été aménagée à moindre frais avec un matériel simple mais parfaitement réglementaire, avant de possibles investissements futurs.
La fromagerie a été aménagée à moindre frais avec un matériel simple mais parfaitement réglementaire, avant de possibles investissements futurs. - M. de N.

Le fromage est fabriqué au minimum trois fois par semaine, au départ du lait frais non pasteurisé dès la traite terminée. Les autres jours, le lait est écrémé pour faire du beurre, ou est transformé en ricotta, yaourts, fromages frais, maquées aromatisées (ail des ours, poivre citronné, poivre de Madagascar…) et petits frais (maquées roulées et sucrées). La coopérative propose du classique mais aussi beaucoup de produits différenciés, avec des laits adaptés ».

La production de fromage est interrompue en hiver, les vaches sont taries pendant cette saison pour s’aménager du repos pendant les mois froids. « De manière générale, c’est plus sympa de faire les produits quand les vaches sont à l’herbe ; cela se reflète d’ailleurs sur la qualité des produits », observe Denis.

et ouverture d’un point de vente à la ferme

Après le succès remporté lors de cette première saison de commercialisation des fromages à la ferme, l’établissement d’un véritable point de vente in situ s’est avéré indispensable.

Dans le point de vente à la ferme inauguré le 1 er  avril, la clientèle retrouve toute la diversité des produits laitiers faits maison et quelques denrées provenant d'autres producteurs locaux: lait entier et écrémé, crème, beurre doux et salé, fromages frais et à pâte molle, yaourts, œufs, charcuterie, légumes de saison, pain au levain...
Dans le point de vente à la ferme inauguré le 1 er avril, la clientèle retrouve toute la diversité des produits laitiers faits maison et quelques denrées provenant d'autres producteurs locaux: lait entier et écrémé, crème, beurre doux et salé, fromages frais et à pâte molle, yaourts, œufs, charcuterie, légumes de saison, pain au levain... - M. de N.

Inauguré le 1er avril dernier, celui-ci est ouvert quelques heures, le mercredi et le samedi. Une grande partie des fromages est vendue à la ferme, mais ceux-ci connaissent des débouchés complémentaires : quelques restaurants, marchés locaux et réseaux solidaires, groupements d’achats en commun… Dans ce point de vente, on trouve tous les produits laitiers de la ferme mais l’offre est étendue à quelques autres denrées de producteurs bio voisins. « La vente à la ferme nous offre cette opportunité d’une véritable proximité avec nos clients consommateurs parmi lesquels nous comptons de nombreux fidèles », se réjouit Sabine.

Passation de flambeau

Sabine et Jean-Pierre aspirent aujourd’hui à une vie moins trépidante et pensent remettre bientôt leur petite exploitation qu’ils ont fait grandir et est pleine de vie. « Nous souhaitons vivement que la coopérative puisse donner la possibilité à des jeunes de reprendre la ferme, pas à pas, avec cette même fibre coopérative, sociale, environnementale, professionnelle et d’ouverture et de contact avec le consommateur, qui nous anime depuis les débuts de notre aventure à Grandvoir. »

M. de N.

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