Sise à Grandvoir, dans l’entité de Neufchâteau, la petite ferme de Jean-Pierre et Sabine Bechoux-Rigaux est en constante évolution. « Depuis 2015, nous nourrissions le projet d’y installer un atelier de transformation du lait. Depuis peu c’est chose faite, le voici construit et opérationnel. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, nous avons inauguré, début avril, l’ouverture d’un point de vente à la ferme et notre participation au marché du terroir de Léglise », se réjouit Sabine Rigaux, propriétaire avec son mari Jean-Pierre Bechoux de ce coin de paradis niché au cœur de l’Ardenne.
Un attachement viscéral
Mais comment cette aventure a-t-elle commencé ? « Fils d’agriculteurs, j’ai toujours vécu à Grandvoir. J’ai malheureusement perdu mes parents très tôt. Ils occupaient la ferme d’à côté. Je n’ai jamais voulu lâcher cette location, j’ai continué à gérer les prairies, vendu de l’herbe sur pied, gardé des bêtes en location », explique Jean-Pierre qui pour gagner sa vie a exercé de nombreux métiers, avant d’accéder à la retraite, il y a quelques mois.
Cela a duré comme cela jusqu’au jour où les parcelles qui couvraient alors une trentaine d’ha ont été mises en vente après le décès des propriétaires. C’était il y a une vingtaine d’années. « Nous avons eu l’opportunité d’acquérir la ferme grâce à l’obtention d’un prêt important auprès d’une banque sous couvert d’un remboursement rapide via la vente de terrains à bâtir. »
À l’époque, les animaux se comptaient sur les doigts de la main : 1 génisse jersey, 3 porcelets, 2 brebis, quelques poules… « Ils alimentaient notre consommation personnelle. » C’est également à ce moment-là que Sabine et Jean-Pierre construisent leur maison d’habitation en optant pour le matériau bois, un choix plutôt avant-gardiste et mûrement réfléchi.
Une « stabulation », également en bois…
Petit à petit, la production et la consommation dépassent le cadre familial, s’étendant aux amis. Jusqu’au moment où le couple se décide à passer à la vitesse supérieure : « Quitte à travailler autant sur la ferme, après nos activités à titre principal respectives à l’extérieur, pourquoi ne pas accroître la taille du cheptel et commercialiser quelque peu nos productions ? »
Et c’est ainsi que nos hôtes ont décidé d’ériger un bâtiment d’élevage, lui aussi entièrement en bois. Aujourd’hui, après 15 ans d’existence, cette stabulation exhibe fièrement son parfait état de santé ! Le bois qui la constitue provient d’épicéas abattus à 300 m de la maison d’habitation. Ces arbres ont été transformés dans une scierie toute proche par l’asbl La Renardière, sise à Bertrix, une entreprise de formation par le travail du bois et dans le bois, avec laquelle Sabine et Jean-Pierre collaborent très régulièrement (plantation d’arbres, fabrication de panneaux didactiques.), dans une démarche alliant la proximité, l’économie et le social.
« Dès sa construction, nous avons opté pour une dimension volontairement large (22 x 13 m) en pariant sur l’extension possible de nos activités et la certitude de trouver le moyen de le rentabiliser complètement dans le futur », explique Jean-Pierre.
… très fonctionnelle
Des colis de viandes, 3 à 4 fois par an
La production du Grand Enclos
Démarrage d’une petite fromagerie…
En 2015, la coopérative amorce un nouveau virage. « Nous produisions déjà du lait, du beurre, du fromage blanc et des yaourts pour la vente directe à la ferme. L’idée a alors germé de valoriser davantage encore notre production laitière à travers le fromage ! Initiée par des candidats coopérateurs, la réflexion a mûri et assez vite nous avons décidé de nous engager dans cette nouvelle activité : la mise en route d’un atelier de transformation du lait en fromage », expliquent Sabine et Jean-Pierre.
Denis Amerlynck, coopérateur et le fromager de la coopérative, poursuit : « avec Sabine, nous avons rapidement entrepris les premiers essais de fabrication et le projet s’est réellement matérialisé avec la construction d’un atelier de transformation fromagère en 2016. »
Installée à la sortie de l’étable, la fromagerie a été construite et aménagée « à l’économie ». « Toutes les démarches administratives ont également été entreprises avec Diversiferm et nous avons obtenu les autorisations de l’Afsca, en septembre dernier. C’est également dans cet atelier que sont fabriqués tous nos produits laitiers : beurre, yaourts, fromage blanc, fromages frais, etc., poursuit Denis. »
Les premières ventes de fromage ont commencé l’an dernier, sans trop de publicité. « On recevait nos clients sous une tonnelle, le mercredi et le samedi.
Le fromage est fabriqué au minimum trois fois par semaine, au départ du lait frais non pasteurisé dès la traite terminée. Les autres jours, le lait est écrémé pour faire du beurre, ou est transformé en ricotta, yaourts, fromages frais, maquées aromatisées (ail des ours, poivre citronné, poivre de Madagascar…) et petits frais (maquées roulées et sucrées). La coopérative propose du classique mais aussi beaucoup de produits différenciés, avec des laits adaptés ».
La production de fromage est interrompue en hiver, les vaches sont taries pendant cette saison pour s’aménager du repos pendant les mois froids. « De manière générale, c’est plus sympa de faire les produits quand les vaches sont à l’herbe ; cela se reflète d’ailleurs sur la qualité des produits », observe Denis.
Passation de flambeau
«Depuis le début, avec mon épouse, nous avons constitué la coopérative car nous avons toujours considéré que nous ne travaillerions pas seuls. Nous portons en nous depuis longtemps cet esprit d’ouverture et de coopération, car nous sommes convaincus que le travail s’en troupe plus léger et que chaque coopérateur apporte énormément. Nous sommes convaincus qu’il est intelligent de travailler en groupe. Il faut simplement avoir un esprit conciliant.
La ferme du Grand Enclos propose deux fromages affinés à pâte molle : d’une part, le grand vaurien qui est saumuré avec une bière, La Vaurien, et des drêches, de la brasserie Le Château de Grandvoir, établie à proximité de la ferme. Et des drêches sont également déposées sur la croûte de ce fromage, de sorte que l’on retrouve un mélange de froment et d’orge dans le fromage, c’est inédit. D’autre part, le petit vaurien, qui est un fromage lactique à croûte fleurie.
Ils sont affinés en cave, pendant une dizaine de jours en ce qui concerne les Petits Vauriens, et deux à trois semaines pour les Grands Vauriens.
Denis fabrique ces derniers une fois par semaine : 60 l. « Pour l’instant on produit ce qu’on écoule, mais on est en mesure de produire davantage. Quant aux petits vauriens, on en fait à partir de 40 l de lait par semaine. »
« Nous avons réalisé sur la ferme un grand travail en faveur de la biodiversité tant sur la composante animale que végétale: restauration de 3 ha en zone humide forestière et extension d’une nardaie d’une valeur biologique exceptionnelle. Cet environnement participe, en plus de la sélection de nos laitières, à la production d’un lait très grande qualité », précise Sabine.