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Changement climatique et agriculture: la hausse du CO2 pourrait nuire à la composition des céréales

Plusieurs études font état d’un effet négatif de la hausse du CO2 atmosphérique sur la composition en protéines et en micro-nutriments des grandes cultures comme le blé ou le riz. On connaissait déjà depuis longtemps l’effet positif du CO2 sur le rendement, mais il semblerait que ce gaz, trop concentré, puisse dégrader la teneur nutritive des céréales.

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Depuis 250 ans, la concentration atmosphérique de CO2 est en effet passée de 280 ppm à presque 400 ppm et pourrait atteindre, selon les projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), 550 ppm d’ici à 2050. Une étude publiée en août dernier suggère qu’une vingtaine de pays pourraient ainsi perdre plus de 5 % de leur apport en protéines d’ici le milieu du siècle. En cause, une valeur en protéines du riz, du blé, de l’orge et des pommes de terre qui diminuerait significativement avec les taux de CO2 prévus en 2050.

D’autres études montrent qu’à forts taux de CO2, non seulement les plantes accumulent moins de protéines et plus de sucres mais aussi qu’elles perdent des micro-nutriments comme le zinc ou le fer et assimilent moins bien l’azote.

Rendements: oui, mais…

« Les effets positfs du CO2 sur le rendement s’expliquent par deux phénomènes : l’augmentation de la photosynthèse – chez les plantes en C3 comme le blé mais pas chez les plantes en C4 comme le maïs – et la régulation de la transpiration par les feuilles », explique Jean-Louis Durand, chargé de recherche en bioclimatologie à l’Instititut national de recherches agronomiques.

Le 1er phénomène chez les plantes en C3 (les premières molécules synthétisées sont des acides organiques à 3 atomes de carbone) est cependant à relativiser puisqu’une hausse de la capacité photosynthétique s’accompagne d’une plus forte demande en azote, non satisfaite actuellement. De même, on sait que l’augmentation du CO2 limite les échanges gazeux feuille-atmosphère, et permet à la plante de conserver davantage d’eau dans le sol, ce qui a pour effet de décaler les périodes sèches. Ces effets mesurés en serres sont toutefois à vérifier sur le terrain.

« Une étude en plein champ, avec un système FACE (Free-Air CO2 enrichment) où des tubes libèrent du CO2 dans un périmètre défini, a montré, qu’avec un enrichissement à 550 ppm, le rendement du maïs augmente jusqu’à 40 % avec une économie d’eau pendant la floraison ». Cependant, les premières études réalisées en serres ou en chambre de culture ont beaucoup surestimé les effets bénéfiques du CO2, tempère Vincent Allard, également chercheur à l’Inra.

Selon Jean-Louis Durand, davantage d’études en plein champ sont nécessaires mais elles se limitent à quelques dizaines de m2 et sont coûteuses et complexes, d’où le développement de simulations à fortes incertitudes. « Ce qui est sûr, c’est que les effets du CO2 n’effaceront pas totalement l’impact négatif du changement climatique sur le rendement dans les zones arides, y compris le long de la Méditerranée en France et au Maghreb. »

Et la qualité ?

L’appauvrissement observé en protéines à cause de l’augmentation du CO2 s’explique en partie par un effet de dilution, notent les scientifiques. « Avec plus de CO2, les plantes assimilent plus de carbone, produisent plus de sucres mais ne s’enrichissent pas en protéines », poursuit Jean-Louis Durand. En fait, l’effet va même au-delà de la dilution. « Les plantes n’investissent plus dans les protéines de la photosynthèse par rétrocontrôle », ajoute Vincent Allard. Sur les micro-nutriments comme le fer ou le zinc, il est plus difficile de conclure.

L’enjeu de la sélection

Face à ces pressions, la sélection de génotypes favorables est évidemment d’actualité. « De grandes expérimentations en plein champ vont être menées, qui feront varier le CO2 et la pluviométrie pour étudier le rendement d’une centaine de génotypes de blé. Objectif : cerner aussi l’effet sur la qualité boulangère. La variabilité génétique sera décisive », annonce Vincent Allard.

Jusqu’ici, les sélections n’avaient justement porté que sur les qualités boulangères, en ce qui concerne le blé. « Pour ce dernier, nous essayons de réduire les effets négatifs de la dilution des protéines sur la qualité boulangère, en arbitrant entre rendement et teneur en protéines. Pour les minéraux, il serait théoriquement possible de procéder de même. Cependant, la qualité nutritionnelle n’est pas un des critères pris en compte pour l’inscription des variétés de blé au catalogue », détaille François-Xavier Oury, sélectionneur à l’Inra.

Quelques recherches commencent à se pencher sur les rapports entre CO2 et génotypes de riz, de soja, en plus du blé. « Attention cependant, avertit Jean-Louis Durand. Trouver des plantes qui poussent lentement et accumulent protéines et azote, c’est très simple. Mais, cela va conduire à une baisse importante du rendement. Il faut un compromis ».

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