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Mise à l’herbe: les bonnes questions à se poser!

La mise à l’herbe a débuté doucement dans nos campagnes. Voici donc les différents éléments à ne pas négliger pour la sortie des animaux.

Temps de lecture : 6 min

L ’herbe sur pied est certainement l’aliment le plus adapté et le plus économique pour nourrir les bovins. En prairie pâturée, des économies sont réalisées car c’est l’animal qui réalise la récolte de l’herbe. On considère que les besoins des bovins allaitants (vaches, génisses, taurillons en croissance) sont couverts à 100 % pour une ingestion maximale de 11 à 12 kg de MS d’herbe/jour pour des B-BB, si l’herbe est disponible en quantité et en qualité. Pour la vache laitière, elle peut permettre une production de 20 kg de lait pour une ingestion maximale de 16 kg de MS d’herbe/jour.

Cependant, cette mise à l’herbe est un moment délicat pour l’animal, vu le changement d’habitat et d’alimentation. Après une longue période hivernale en stabulation, les animaux se retrouvent à l’extérieur et cela provoque un changement de conditions d’environnement. Une transition alimentaire sera donc nécessaire pour que les animaux s’adaptent au mieux à ce changement.

Quand faut-il sortir les animaux ?

Les premiers éléments à prendre en compte sont la portance du sol et la pousse de l’herbe.

Pour une mise en pâture la plus précoce possible, il faut que les conditions climatiques le permettent. Cette mise à l’herbe précoce permettra de gérer au mieux la pousse de l’herbe et d’en conserver la qualité. On privilégiera les parcelles qui se ressuient vite et qui sont portantes pour éviter la dégradation de celles-ci.

Un pâturage ras et précoce favorisera le tallage des graminées et garantira ainsi, pour le reste de la saison, une herbe de qualité (les feuilles sont la partie la plus riche des graminées) et disponible (le niveau d’ingestion des animaux augmente avec l’importance des limbes des graminées).

Le graphe ci-dessous nous montre la quantité d’herbe ingérée en fonction de la quantité de limbes offertes.

Graphique_article mise à l'herbe

Si les animaux sont sortis tardivement, cela pourrait engendrer du gaspillage avec l’apparition de zones de refus, du piétinement et un manque d’herbe fin juin dans ces parcelles.

Si la hauteur d’herbe est supérieure à 20 cm, il conviendra de débrayer les parcelles pour éviter le gaspillage.

Qui sortir en premier ?

Les animaux les moins vulnérables seront lâchés en premier (jeunes bêtes). Le chargement en bétail sera faible au début, puis sera augmenté pour suivre au mieux la croissance rapide de l’herbe.

Une charge en bétail de 2.5 à 3 UGB/ha lors de la mise à l’herbe permettra de gérer la pousse de l’herbe au printemps.

Attention que la quantité d’herbe disponible à ce moment-là devra coïncider au mieux aux besoins alimentaires des animaux.

L’herbe de printemps a des teneurs en énergie proches de 1.000 VEM et en protéines généralement supérieures à 85g de DVE. Cela signifie qu’elle est aussi riche qu’un concentré de production. De plus, l’OEB de cette herbe est généralement proche de 0, garantissant ainsi une ration équilibrée.

Une telle richesse permet ainsi de combler les besoins de la plupart des animaux d’un troupeau allaitant, même si la quantité d’herbe disponible ne permet pas un niveau d’ingestion maximale (ce niveau d’ingestion est atteint sur des parcelles dont la hauteur d’herbe est aux alentours de 9-10 cm dans le cas de pâturage continu). Toutefois, pour des animaux à besoins importants (vaches avec veaux), il est préférable de s’assurer que la quantité d’herbe sera suffisante avant de les sortir (> 6cm).

Concernant les vaches laitières, l’intérêt du pâturage sera différent en fonction des fourrages et des concentrés distribués en complément. Toutefois, il est important de rappeler que faire pâturer des vaches laitières 8h par jour permet de faire passer la quantité de fourrages distribués de 16 à 10kg de MS, ainsi que de réduire l’importance des concentrés (moins de 1kg de tourteau de soja peut ainsi suffire à corriger une ration composée de 50 % d’ensilage de maïs et 50 % d’ensilage d’herbe).

Transition alimentaire en douceur !

Lors de la sortie en pâture, les animaux sont confrontés à des changements alimentaires assez importants, la ration hivernale étant très différente de l’herbe pâturée en termes de composition chimique.

L’herbe de printemps contient plus de sucres solubles et de matières azotées qu’une ration hivernale. La flore microbienne du rumen va subir un changement, celle – ci va passer d’une flore à dominance amylolitique (ration d’hiver riche en amidon) à une flore microbienne cellulolytique. Pour que cette adaptation se passe dans les meilleures conditions, une transition alimentaire sera faite durant +/- 3 semaines.

Les premières semaines, les vaches laitières sortiront 2 à 3 h par jour. On veillera à nourrir les animaux avec la ration hivernale avant la sortie en prairie et d’en diminuer les aliments apportant de la matière azotée vu que celle – ci sera apportée par l’herbe.

Pour les bovins allaitants, la mise à l’herbe sera complémentée par des aliments fibreux (foin, ensilage sec) durant cette transition pour faciliter la rumination.

Si la transition ne s’effectue pas en douceur, les animaux pourraient présenter des troubles intestinaux (diarrhées), des tétanies d’herbage…

Les tétanies d’herbage sont causées par un déficit en magnésium (Mg). Ce déficit est causé par :

– la richesse en potassium de la jeune herbe ayant pour impact d’augmenter l’excrétion de magnésium ;

– la faible teneur en fibres de cette herbe ainsi que le stress du changement de régime, engendrant des diarrhées (et augmentant ainsi l’excrétion de Mg).

Limiter les risques de tétanies passe donc par un apport minéral adapté (riche en Mg et pauvre en potassium, mais également pauvre en calcium et phosphore car ceux-ci limitent l’absorption du magnésium s’ils sont présents en quantité trop importante) mais aussi, et surtout par une période de transition bien réfléchie (« lente » et garantissant un apport en fibres suffisant).

Au fur et à mesure de la transition, la ration hivernale ou la complémentation fibreuse sera diminuée (- 25 % toutes les semaines pour une transition de 4 semaines).

Notons toutefois que les tétanies d’herbage sont quasiment disparues de nos campagnes car les teneurs en magnésium des sols et des fourrages ont tendance à augmenter alors que les teneurs en potassium diminuent.

Risque de carences minérales ?

L’herbe jeune et humide est déficitaire en magnésium. Étant donné que cette jeune herbe est très laxative, l’absorption du magnésium sera moins efficace et pourra provoquer des troubles digestifs et/ou tétanies d’herbage. Cet effet laxatif peut générer des pertes de poids rapides et importantes (jusqu’à 20 à 30 kg).

Pour combler cette carence, en plus de la complémentation fibreuse, l’éleveur mettra à disposition des animaux des blocs à lécher riches en magnésium.

Risque de troubles de la reproduction ?

Lors de la mise à l’herbe, les per formances de reproduction sont parfois moins bonnes. La mise à disposition d’une herbe riche en azote soluble présente des risques d’avortements. Une ration trop riche en protéines peut être la cause de soucis de reproduction. Étant donné que l’herbe pâturée est plus riche en protéines que les fourrages distribués durant la période hivernale, une adaptation de la complémentation est nécessaire. Une réduction de l’apport de concentré protéique est conseillée pour les VL.

Les diarrhées causées par un manque de transition alimentaire peuvent aussi mettre l’animal en balance énergétique négative. L’apport de fibres est donc d’autant plus à conseiller pour les bovins allaitants passant d’une ration basée sur des fourrages à de l’herbe pâturée sans transition.

Une charge adaptée

La mise à l’herbe doit se faire le plus tôt possible, dans de bonnes conditions climatiques. Pendant la transition, une complémentation fibreuse et magnésienne sera apportée aux animaux ainsi qu’une adaptation des concentrés distribués (surtout pour les VL).

La charge en bétail sera adaptée durant la saison pour garder de l’herbe en quantité et en qualité.

Aude Bernes,

Sébastien Crémer,

Centre de Michamps ;

Arnaud Farinelle,

Fourrages Mieux.

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