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Le coin du maraîcher: face à la sécheresse, les plantes réagissent

La sécheresse a des conséquences financières pour les maraîchers. Il en découle des effets agronomiques qui ne sont pas compensés par de meilleurs cours de marchés vu l’importance pour ces derniers des transferts de légumes entre les régions européennes.

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L’échelle de gravité de la sécheresse pour les professionnels comprend plusieurs niveaux allant de l’absence de conséquences à la mortalité de la culture, en passant par d’autres stades s’exprimant par des ralentissements ou des blocages de la croissance ou encore par des inductions de montées en graines ou d’autres phénomènes physiologiques.

Les réactions de la plante

Le flétrissement, l’enroulement des feuilles ou la mort précoce de la plante correspondent à des niveaux de stress très visibles.

Les conséquences d’un manque d’eau seront différentes selon le stade de la culture au moment du stress. Nous l’avons constaté à nouveau cette année, une même espèce maraîchère peut s’être très bien comportée après une plantation de mai et avoir mal réagi lors des plantations suivantes.

Au niveau de la plante, la sécheresse est la conséquence de l’état hydrique du sol et de celui de l’air. Elle est la résultante d’un déficit de flux d’eau ascendant par rapport au flux d’eau perdue par les feuilles et les autres organes. La nuit, l’évaporation d’eau par les feuilles est faible alors que les racines continuent à faire remonter de l’eau dans la plante, celle-ci se réhydrate. La plante peut réagir à une situation de sécheresse, la rapidité de la réaction dépend de la situation.

En quelques minutes, les stomates peuvent se fermer et la plante évapotranspire alors beaucoup moins d’eau, elle se réhydrate grâce à l’eau absorbée par les racines. Ce mécanisme est mis en œuvre grâce à plusieurs facteurs mesurables dont le pH de la sève et la concentration en acide abscissique, elle-même produite par les tissus en dessèchement. Les aquaporines présentes dans les membranes cellulaires vont intervenir pour faire varier la perméabilité à l’eau de ces membranes.

Les nécroses sur feuilles sont un des symptômes évident du manque d'eau au niveau des tissus de la plante.
Les nécroses sur feuilles sont un des symptômes évident du manque d'eau au niveau des tissus de la plante. - F.

En quelques heures, la concentration en potassium dans les vacuoles va augmenter jusqu’à un niveau régulé via les membranes cellulaires. Le rapport K/Na est essentiel pour une réaction appropriée, d’où l’importance de procéder régulièrement à des analyses de sol en vue d’agir sur la fertilisation.

Quand la sécheresse se prolonge, la surface des feuilles nouvellement produites diminue, c’est un facteur lié à la variété. Cette évolution est visible après quelques semaines.

Ces réactions intéressantes pour le maraîcher peuvent se mettre en place si les racines se développent normalement, c’est-à-dire si la structure du sol est impeccable, sans compaction ou défaut de drainage.

Moins de graines, des carences, des craquelures…

La fermeture des stomates réduit d’importance des échanges gazeux et donc l’activité photosynthétique, même si elle n’est pas seule en jeu. Les différences entre espèces et entre variétés sont importantes, c’est d’ailleurs un des enjeux de la sélection variétale.

Plus grave, des composés oxydants toxiques (radicaux super oxydes, H2O2…) pour la cellule végétale peuvent être produits au point de hâter la sénescence. C’est une des causes des brûlures sur feuilles que nous avons pu observer, mais ce n’est pas la seule. La plante peut dissiper l’énergie sous forme de chaleur (importance de l’aération en serres) et par des mécanismes de détoxicification.

La transpiration signifie de l’évaporation d’eau et donc une diminution de la température. D’où, de nouveau, l’importance d’avoir un système racinaire bien développé pour absorber l’eau en suffisance.

En cas de déficit hydrique, la plante réduit la production de rameaux, cela peut être « intéressant » pour la tomate qu’il faudra moins élaguer, mais moins positif pour des cultures comme le pois ou le haricot dont la production chute rapidement.

Le déficit hydrique implique une moins bonne absorption des minéraux par la plante. L’azote est l’élément visiblement moins absorbé parce que les reliquats après culture sont faciles à déterminer. Mais la moins bonne absorption d’éléments moins solubles comme le calcium se constate par les signes de carences (voir le SB du 24 août 2018).

Le déficit hydrique au moment de la floraison a des incidences directes et importantes sur la production de graines. L’exemple du maïs doux est évident cette année, avec des épis très peu dotés de grains.

Pour les légumes d'automne, une avance est parfois constatée sans que cela ne corresponde aux souhaits du marché.
Pour les légumes d'automne, une avance est parfois constatée sans que cela ne corresponde aux souhaits du marché. - F.

Des fruits de plus petite taille en légumes fruits ou des craquelures de l’épiderme suite à des variations dans l’approvisionnement en eau, une aggravation des risques de nécrose apicale en tomates et autres Solanacées ou encore de mauvaises fécondations ont des conséquences pratiques. La modification du rapport sucres/acides se détecte au goût.

Des feuilles moins étendues en légumes feuilles et une sénescence plus rapide de ceux-ci sont d’autres conséquences.

Ce que nous pouvons faire

Nous ne le répéterons jamais assez, la structure du sol est la base indispensable pour réussir ses cultures. En années sèche comme cette année, les plantes peuvent développer leurs racines de manière nettement plus efficace dans un sol à la structure impeccable. Le drainage pour abaisser le niveau de la nappe au niveau de la parcelle si l’indice de drainage le requiert et la décompaction pour permettre de bons échanges gazeux entre le sol et l’atmosphère sont indispensables.

La fumure équilibrée, pour permettre à la plante de disposer des éléments minéraux dans des proportions correctes dans la solution du sol, permet un meilleur fonctionnement de tous les mécanismes régulateurs internes au végétal.

Ce n’est que par la suite que l’irrigation pourra être mise en œuvre pour compléter les actions du maraîcher afin de produire mieux.

F.

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