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Chez Majerus, la limousine peut s’adapter à tous les marchés

Quelle limousine pour quel marché ? C’est la question que se sont posés les éleveurs limousins belges et luxembourgeois lors d’une journée d’échanges organisée en décembre dans l’exploitation Majerus, à Wickrange (G-D L), une famille d’éleveurs qui a clairement aidé à l’implantation de ladite race chez nos voisins Grand-Ducaux. Rencontre avec Ben Majerus, qui, en 2017, a rejoint sa mère, Martine Clemes, sur l’exploitation.

Temps de lecture : 6 min

L’histoire de la limousine au Grand-Duché de Luxembourg commence en 1972 quand le père de Martine Clemes se lance dans l’aventure avec une petite poignée d’éleveurs. Bien qu’il exploite alors un petit élevage laitier à Bergem, il installe la spéculation viandeuse sur un second site d’exploitation à Wickrange.

Il se spécialise rapidement dans la génétique, n’hésitant pas à acheter de bons individus dans le berceau de la race. Il contribue ainsi à la bonne croissance du cheptel national, tant en nombre d’individus qu’en termes de génétique. Il détient alors une centaine de mères.

En 2002, il décide d’arrêter le lait et, en 2005, sa fille, Martine Clemes, reprend l’exploitation. Le cheptel augmente alors petit à petit pour se stabiliser plus tard à 130 vaches inscrites au Herd-book.

Un an plus tard les deux sites de productions sont divisés entre Martine et son frère. Elle reprend 60 % des terres. À ce moment, la famille Majerus-Clemes dispose de 145 ha : 125 de prairies permanentes et 20 de cultures (maïs et orge). « Depuis, nous sommes presqu’entièrement autonomes. Nous ne devons plus qu’acheter les concentrés azotés et les minéraux », explique Ben Majerus, le fils de Martine. Quelque 130 autres ha sont affectés essentiellement aux céréales destinées à la vente (maïs blé, orge).

C’est en 2017 que Ben reprend une partie de l’exploitation.

Un élevage « mobile »

À l’entrée de l’étable, il est impossible de manquer les trophées décernés aux Majerus pour les performances de leurs animaux lors des concours nationaux et internationaux.

« Nous sommes un élevage atypique, très orientés concours d’élevage ! Nous voyageons beaucoup avec nos bêtes. Chaque année, nous nous rendons avec nos meilleurs individus au salon Agrimax, à Metz, où ils y ont enlevé cette année deux championnats : celui des mâles adultes et celui des vaches. » En août, ils se sont rendus au Festival de l’Elevage à Brive-la-Gaillarde (en Corrèze). Le mois prochain, ils seront au Sima à Paris. Ils se rendent également ponctuellement en Allemagne… La famille Majerus est plutôt mobile.

S’ils ont un regret, c’est de ne pas pouvoir participer au concours de Libramont. « Nous pouvons en comprendre les raisons. Mais si nous accueillons cette journée pour les herd-books, c’est aussi dans un esprit d’ouverture ! Quand on fait de l’élevage, il faut pouvoir se montrer. D’autant que nous sommes au cœur de l’Europe et la limousine est la même partout ! En tant que vendeurs de reproducteurs, nous touchons aussi une clientèle hors de nos frontières. »

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« La semence, notre assurance ! »

M. Majerus : « On ne participe pas aux concours pour gagner de l’argent. Si on calcule ce que nous coûte le concours de Paris, on perd une semaine de travail ! C’est avant tout une passion ! Il faut l’avoir dans les gènes car la sélection coûte très cher. »

Ben aime se mesurer à la concurrence et aller à la rencontre d’autres éleveurs. « Nous sommes sélectionneurs, nous achetons des reproducteurs et nous commercialisons leurs semences, par l’intermédiaire de Convis, l’association d’élevage du Grand-Duché de Luxembourg ».

Une filière pour valoriser les taurillons

Sur les 60 jeunes mâles vendus chaque année, 25 le sont en tant que reproducteurs. Les 35 autres sont engraissés et valorisés sous le label Cactus, un réseau de bouchers appartenant à la chaîne de supermarché du même nom. Près de 5.000 taurillons y sont abattus avant 24 mois chaque année.

« Qui d’autres pourrait en valoriser autant ? » se demande M. Majerus. « Ici, nous sommes sur un âge d’abattage à 20 mois, pour un poids carcasse avoisinant les 450 kg pour 4,3 €/kg carcasse. Nous sommes satisfaits de la filière car, si on en sort, valoriser les mâles reste très difficile. »

Embouteillage chez les génisses

Du côté des femelles, les reproductrices ont en moyenne 7 veaux. Il y a donc un embouteillage au niveau des génisses. L’éleveur essaye de vendre un maximum de jeunes femelles inscrites, même si le marché peut être compliqué. « Il arrive que nous devions écouler nos génisses dans la filière traditionnelle à un prix avoisinant les 3,80 €/kg carcasse. Avec la disparition d’un grand nombre de bouchers indépendants, le prix des femelles a nettement diminué», regrette-t-il.

Pour les vieilles vaches qui présentent d’excellentes qualités bouchères, elles sont réservées pour le circuit court. « La majorité d’entre elles sont abattues et vendues à un boucher avec qui nous avons la chance de travailler depuis longtemps. Elles sont alors engraissées avec des aliments secs (pailles et granulés) une centaine de jours avant l’abattage. »

Et Les moins bonnes vaches ? Elles auront un veau supplémentaire. « Nous privilégions la plus-value génétique à l’argent… Au grand dam de nos conseillers qui nous demandent de les vendre plus tôt pour en tirer un meilleur prix. »

A la reprise de l’exploitation par Martine Clemes, une étable adaptée à l’agrandissement du cheptel a été construite.
A la reprise de l’exploitation par Martine Clemes, une étable adaptée à l’agrandissement du cheptel a été construite. - P-Y L.

La vente directe prend de l’ampleur

Si l’agriculture s’est fortement développée dans ses moyens de productions, les agriculteurs ont laissé à d’autres la commercialisation. Pour rattrapper ce retard et toucher une meilleure rémunération, Ben s’est lancé il y a peu dans la vente directe. « Nous avons remarqué non seulement qu’une certaine clientèle est intéressée par une viande dont elle connaît l’origine mais qu’elle est aussi prête à mettre le prix pour autant qu’elle soit de qualité ».

« Pour nos débuts, nous avons pu vendre une dizaine de nos meilleures vaches et 7 ou 8 veaux, sous forme de colis d’une vingtaine de kilos. Toutefois, l’expérience nous montre que pour la vente directe, plus qu’ailleurs, la qualité doit être au top. Car si les consommateurs mangent moins de viande, ils remettent davantage en question les produits qu’ils consomment! »

Dans la filière traditionnelle, les exploitants reçoivent près de 2.000 euros pour une vache engraissée. En circuit court, une fois les frais déduit, ils en touchent le double !

Ben : « Le prix est meilleur, mais c’est une organisation à mettre en place. Ma compagne s’occupe de la logistique et nous sommes (ré)actifs sur les réseaux sociaux. Le bouche-à-oreille fait le reste. »

Au vu du succès de l’initiative, le jeune éleveur s’est aussi lancé dans l’élevage de porc plein air, le pie noir de Bentheim, une race allemande menacée d’extinction. « J’y vois un bon potentiel de développement, si la peste porcine ne m’arrête pas », sourit-il. Cette année, seules 4 truies étaient en production mais la suite devrait agrandir le cheptel. Ses premiers porcs sont à l’engraissement et cette diversification sera bel et bien lancée à l’été 2019.

« Nous ne sommes évidemment pas un modèle de vente directe mais nous avons compris que l’on gagne davantage d’argent en transformant qu’en produisant. D’autant qu’au Luxembourg, nous avons affaire à des clients qui n’ont pas peur de dépenser de l’argent. »

Enfoncer les bonnes portes

Pour Ben Majerus, l’élevage limousine a donc clairement un avenir tant ielle sait s’adapter aux différents marchés! «À nous de la faire évoluer tout en gardant ses atouts (vêlage et élevage facile, qualité de viande…). Avec la vente directe et le gène sans corne, on explore de nouvelles pistes... Toutes les portes nous sont grandes ouvertes!» A lui d’emprunter les bonnes...

P-Y L.

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