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Le revenu dans les élevages allaitants spécialisés: moins variable qu’en élevage laitier, mais peu élevé!

Exit la production laitière, place à la production viandeuse… Une fois n’est pas coutume, il était question de viande bovine lors de la 33e journée d’études de Remouchamps, organisée fin janvier par le comice et l’Aredb Ourthe-Amblève-Theux-Verviers. Daniel Jacquet, conseiller de gestion à l’Awé, y a étudié la rentabilité de ces élevages spécialisés.

Temps de lecture : 7 min

En 10 ans, le cheptel allaitant en Wallonie quelque peu changé de visage. Le Blanc-bleu belge est toujours bel et bien présent mais voit les autres races allaitantes le rejoindre. « Entre 2007 et 2013, deux tiers des élevages viandeux étaient spécialisés dans le Blanc-bleu pour 1/3 de fermes spécialisées en bovins allaitants autres. En Fin 2017, c ’était du 50-50 », explique Daniel Jacquet.

L’évolution du nombre de vaches et de jeunes bêtes par ferme, quel que soit le type de troupeau, a également progressé. D’un cheptel moyen de 65 vaches en 2007, les élevages comptaient 75 productrices fin 2017. Notons que les cheptels Blanc-bleu sont sensiblement plus importants que les autres troupeaux viandeux, puisque le système intensif leur convient généralement mieux… Quant au reste du troupeau (jeunes bêtes, taureaux à l’engrais), il passe d’une centaine d’individus à 130 têtes sur la période.

Autre évolution : le nombre d’ha moyen par exploitation. Il a augmenté de 5 unités en 10 ans, passant de 85 à 90 ha en moyenne. Si la surface en cultures reste stable, l’évolution se marque au niveau des prairies, destinées à alimenter le supplément d’animaux.

Intensif vs extensif

Daniel Jacquet s’intéresse ensuite aux indices techniques.

« En allaitant, on est très loin d’un veau par an puisque l’intervalle vêlage-vêlage moyen est de 452 jours pour un B-BB et de 426 pour les autres allaitantes. Le premier est toutefois plus précoce pour l’âge au premier vêlage avec 34 mois contre 36 pour le second. Il l’est également pour son âge de réforme puisqu’il quittera en moyenne l’exploitation à 5 ans et 7 mois. Les autres races, généralement plus extensives, la quittent à 6 ans et 5 mois.

En ce qui concerne les pertes, le pourcentage de veaux mort-nés à la naissance est plus important chez les autres races qu’en Blanc-bleu (6,2 % contre 5,5 %), ce qui n’est pas négligeable au vu du nombre de vêlages. La césarienne pratiquée majoritairement pour le Blanc-bleu explique ce meilleur taux.

Dans les pertes de jeunes bêtes après le vêlage, le taux est légèrement plus élevé en B-BB (5 % contre 4,3 %). Côté vaches, les données sont identiques quelle que soit la race : 2 %.

Et de calculer les moyennes des prix de ventes des animaux sur 10 ans.

« Le prix de vente moyen des « vaches allaitantes autres » d’élevage s’élève à 1.731€. Toutefois la majorité de ces animaux sont vendus pour la réforme à 1.366€.

Pour le blanc bleu, la somme payée est plus élevée, soit une moyenne de 2.100 euros pour une vache d’élevage et de 1.739 euros pour un individu de réforme. La différence entre les deux classes d’animaux est donc de l’ordre de 400 euros. À noter qu’actuellement ces prix ont augmenté. Depuis 10 ans, la tendance des prix est à la hausse.

L’orateur n’a malheureusement aucun chiffre précis sur la quantité de viande produite. « La pesée à la ferme n’est pas pratique courante ! C’est interpellant. Combien de kg de poids vifs sont produits et vendus ? » Il est donc légitime de s’interroger sur le prix payé à l’éleveur quand une bête quitte l’exploitation sans même avoir été pesée.

Pour Daniel Jacquet, il est interpellant de voir l’absence de pesée lors de la vente d’animaux.
Pour Daniel Jacquet, il est interpellant de voir l’absence de pesée lors de la vente d’animaux. - P-Y L.

Qu’en est-il de la rentabilité ?

Sur la période étudiée le revenu moyen avoisine les 32.300 euros par unité de travail (UT). 2008 reste la pire année avec un revenu de 20.000 euros. 2014 est, quant à elle, la meilleure avec 40.000 euros/UT. Ce revenu provient des ventes de viande (65.000 euros), des ventes de cultures (31.000 euros) ainsi que des aides (37.000 euros)… soit un chiffre d’affaires total de 150.000 euros pour 1,5 UT.

« En moyenne, l’atelier viande compte pour un petit peu moins de la moitié du chiffre d’affaires total si on inclut les aides perçues par l’éleveur », poursuit Daniel Jacquet.

Et de distinguer conventionnel et bio dans la classe des autres races allaitantes. L’éleveur bio produit moins de viande qu’en conventionnel et qu’en système intensif (B-BB). La tendance est la même pour les chiffres de vente des cultures. A contrario, pour les aides, c’est l’inverse. L’éleveur bio, avec 53.000 euros/UT, en reçoit davantage que les conventionnels (30.000 euros/UT) et les B-BB (35.000 euros/UT).

En termes de revenu/UT, les producteurs bio rejoignent les éleveurs B-BB, soit près de 37.000 euros/UT, laissant les conventionnels en dernière place avec 29.500 euros/UT.

Si on ne tient compte que de l’atelier viande, le résultat d’exploitation est négatif ! « On est en moyenne à -21.000 euros/UT (-26.500 € pour le bio, -20.500 € pour le B-BB et -20.000 € pour les autres races). Ce sont donc les éventuelles autres productions de la ferme, les cultures et les aides qui contrebalancent ce résultat », explique l’orateur.

« La rentabilité varie moins que dans d’autres productions telles que le lait et les cultures. Toutefois, celle-ci n’est pas élevée. Le revenu est principalement constitué des aides. Raison pour laquelle les éleveurs bio s’en sortent un peu mieux »

Être bon dans tous les domaines

L’orateur en vient aux moyens disponibles pour améliorer cette rentabilité, à partir de données récoltées en 2016.

Pris individuellement, un critère technique ne permet pas d’expliquer la bonne rentabilité de l’exploitation. « En fait, il faut être bon partout. La clé réside dans une bonne production de viande par vache présente ou par UT », explique le conseiller de gestion.

Pour être rentable, il faut non seulement avoir une bonne quantité de viande, mais également un bon prix.

Pour une bonne production de viande, les indices techniques doivent être excellents ! Un âge au vêlage précoce, un intervalle vêlage-vêlage faible… Les producteurs doivent élever des vaches de qualité productives et les remplacer relativement jeunes. Tous ces paramètres doivent permettre un bon taux de renouvellement du cheptel pour faire tourner l’exploitation. « Attention toutefois à ne pas remplacer ses mères trop vite et trop à la fois (ne pas dépasser 45 % de remplacement).

L’éleveur doit également assurer un très bon suivi du cheptel, que ce soit du point de vue de la reproduction, de l’alimentation et du sanitaire.

En outre, disposer d’une bonne génétique est essentiel à la production de viande.

Et de rappeler : « Dans tous les types d’exploitations allaitantes, la vente des vaches représente la plus grande part de la production en poids. Ces kg sont produits durant la croissance des femelles. Mieux vaut ne pas les oublier quand elles sont jeunes pour éviter des retards de croissance. »

« N’oublions pas que les jeunes femelles constituent le cheptel productif au même titre que les jeunes taureaux »

Le prix payé au producteur ne peut être négligé. Il dépend notamment de l’état d’engraissement, de la demande l’acheteur, de la connaissance du poids de ses vaches et du marché afin de savoir si le prix obtenu est correct.

Assurer sa promotion

Chaque race à ses qualités et ses défauts, à l’éleveur de s’adapter aux conditions qu’il rencontre (qualité des terrains, la région, la main-d’œuvre disponible) pour en tirer parti.

Si l’éleveur s’oriente vers une race spécifique, il doit trouver (ou créer) un marché de niche pour valoriser au mieux le potentiel de ladite race. L’orateur : « Il faut bien penser à vendre de la viande et pas uniquement des bêtes. Si on achète un animal c’est avant tout pour la viande qu’il porte ! »

De manière plus globale, le producteur de viande doit penser aussi à l’influence de la consommation de viande pour avoir un prix rémunérateur. Or, le secteur doit faire face à de nombreuses attaques dans les médias. Et l’absence de réponses ne plaide pas en faveur de la consommation de viande.

Qui de mieux que l’éleveur pour communiquer et être crédible ? À lui de s’impliquer davantage dans la commercialisation (dégustation, communication…) pour faire prendre conscience au consommateur du bien fondé de son travail et du « manger local ».

D’autres inconnues planent encore sur le secteur comme par exemple l’évolution à venir des aides PAC… qui pourraient avoir un impact négatif sur les résultats d’exploitations de nos élevages viandeux.

P-Y L.

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