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Laitsentiel: des glaces pour diversifier la production laitière

Depuis 2 ans, Marthe et Bertrand Lahaye Corstjens exploitent une ferme de 120 vaches laitières à Lontzen, près d’Eupen. Une chance pour ces deux passionnés d’avoir pu reprendre cette exploitation hors cadre familial. Dans la foulée, ces jeunes entrepreneurs de 26 et 24 ans ont créé « Laitsentiel », un atelier de fabrication de glaces à la ferme et un bar à glaces où ils vendent leur production. Ils nous racontent leur parcours.

Temps de lecture : 8 min

T ous deux issus du milieu agricole – leurs parents exploitent des fermes laitières à Rémersdael et à Sprimont- Bertrand et Marthe ont suivi un cursus scolaire en agriculture à La Reid. Durant leurs études, ces passionnés d’élevage ont découvert d’autres horizons et manières de faire notamment lors de leurs stages au Canada et aussi en Normandie pour Marthe. À l’issue de leurs études, ils ont commencé à travailler dans le secteur para-agricole, chez un marchand d’aliments pour bétail pour Bertrand et dans la vente de doses pour l’insémination agricole pour Marthe. Mais ce qu’ils voulaient par-dessus tout, c’était reprendre une exploitation laitière.

Reprise de l’exploitation

Pas facile de trouver une exploitation laitière. Les visites de fermes en Wallonie et en France ne se sont pas révélées concluantes. Alors, lorsque Bertrand a appris au cours d’une de ses tournées qu’une exploitation laitière était à remettre à Lontzen, ils n’ont guère hésité. L’ancien propriétaire avait exploité cette ferme durant une vingtaine d’années. Proche de la quarantaine, il souhaitait réorienter sa carrière professionnelle en dehors de l’agriculture. Comme les étables, le matériel, les animaux et la maison d’habitation étaient en ordre, les 2 jeunes entrepreneurs ont tout repris. La grande majorité des prairies exploitées en location – 40 autour de la ferme et 45 ha à une petite dizaine de kilomètres - ils bénéficient d’un bail de carrière jusqu’en 2060, année où Marthe pourra accéder à la pension.

Aménagements des bâtiments

Les 120 vaches laitières sont logées dans une stabulation libre sur logettes, avec un système de raclage. Le lisier tombe dans une petite fosse d’où il est pompé vers un réservoir à lisier circulaire, d’une capacité de 1500 m3. Quelques aménagements ont été réalisés après la reprise, explique Bertrand Lahaye. Des matelas ont été placés dans les logettes. Les vaches bénéficient ainsi de plus de confort et n’hésitent désormais plus à se coucher. Comme le bâtiment en bois n’était pas équipé de panneaux translucides dans le toit, il y faisait assez sombre. Nous avons donc remplacé les bardages par des filets brise-vent, ce qui amène beaucoup plus de luminosité et de ventilation dans l’étable des laitières ajoute l’éleveur. À l’intérieur les dac ont été descendus et un système de suivi du troupeau avec détection des chaleurs, mesure de l’ingestion et de la rumination a aussi été acquis.

Un système de ventilation a été installé dans l’étable des veaux. Quant à l’étable pour le jeune bétail, elle vient d’être aménagée avec de nouvelles logettes et cornadis. Les exploitants viennent aussi de placer 128 panneaux solaires sur le toit de l’étable des vaches. Ils devraient assurer une production de 35-40kwh, ne couvrant cependant pas tout à fait la consommation de la ferme.

Remplacement du troupeau

Les jeunes éleveurs n’ont conservé que quelques vaches pie-noir du troupeau repris à l’ancien exploitant car ce dernier pratiquait des croisements avec des taureaux Montbéliard et Rouge de Scandinavie. Les recherches d’un nouveau troupeau en Belgique n’ont rien donné et ils ont dû renoncer à importer un troupeau de France pour des raisons sanitaires. Ils ont donc acquis leurs bêtes dans différentes exploitations non sans avoir testé les animaux avec un kit de l’Arsia pour s’assurer qu’ils étaient indemnes des maladies les plus courantes. La moitié du cheptel a été remplacée directement, les autres petit à petit. Une dizaine de Jersey ont été acquises au Danemark - faute d’en avoir trouvé chez nous - pour la richesse de leur lait, mais aussi parce que l’exploitante apprécie tout particulièrement cette race.

Les jeunes bêtes restent à l’étable jusqu’à ce qu’elles soient diagnostiquées pleines. Le suivi est plus aisé et cela évite les infestations parasitaires estiment les éleveurs.
Les jeunes bêtes restent à l’étable jusqu’à ce qu’elles soient diagnostiquées pleines. Le suivi est plus aisé et cela évite les infestations parasitaires estiment les éleveurs.

Gestion du troupeau

La production laitière avoisine le million de litres de lait par an, avec une moyenne d’étable de 9.200 l/vache à 4,2 % de MG et 3,45 % de protéines. Le lait est livré à la laiterie Socabel à Walhorn. Une petite part est transformée en glaces et en beurre. Les bonnes laitières sont inséminées par l’exploitante avec des taureaux Holstein, les autres avec des taureaux BBB. Les éleveurs détiennent aussi un taureau BBB pour la saillie des vaches présentant un souci de fertilité (en rattrapage). Le suivi de fécondité par échographie est assuré par un vétérinaire de l’awé Groupe. L’âge au vêlage est de 25 mois, les exploitants souhaitant le ramener à 23 mois. L’intervalle de vêlage est de 398 jours.

Les jeunes bêtes ne sortent pas avant 14 mois afin d’éviter les problèmes de parasites. Le suivi est aussi plus aisé dans la stabulation. Les jeunes bêtes sortent en prairies dès qu’elles ont été fouillées pleines.

Si l’exploitante choisit les taureaux, insémine et assure le suivi de fertilité, l’alimentation et la conduite des pâtures et cultures sont assurés par son mari. Nous fonctionnons un peu comme 2 associés, explique B Lahaye.

À chacun son domaine de compétence

L’exploitation compte principalement des prairies permanentes, quelques ha de prairies temporaires et du maïs pour la propre consommation de leur troupeau. La culture de maïs est assurée par une entreprise, tout comme l’ensilage d’herbe (4-5 coupes par an).

Les vaches pâturent de mi-avril à fin octobre dans les prairies autour de l’exploitation. L’éleveur pratique le pâturage tournant, avec clôture électrique déplacée quotidiennement. En hiver, les laitières reçoivent 25 kg d’ensilage d’herbe, 10 kg d’ensilage de maïs, 10 kg de pulpes surpressées et 1,5-2kg de correcteur à base de soja, colza maïs et orge. La ration totale est distribuée à l’aide d’une mélangeuse distributrice. En début de lactation, les hautes productrices reçoivent aussi des concentrés distribués au dac.

Des glaces pour diversifier la production

Dans le cadre de la reprise de l’exploitation, la banque encourageait les jeunes entrepreneurs à diversifier leur production, notamment en circuit court. Comme Marthe s’intéressait à la transformation du lait, elle avait suivi, l’année avant la reprise, un cours organisé à la bergerie d’Acremont à Bertrix. Je voyais que les mentalités changeaient et que les gens aimaient savoir ce qu’ils mangeaient, explique-t-elle. On a donc rapidement opté pour la fabrication de glaces et l’ouverture d’un bar à glace à la ferme, explique-t-elle. Même si cette activité est assez difficile à gérer car la production coïncide aux moments où on a beaucoup de travail dans l’exploitation, avec les ensilages et la fenaison. J’aurais préféré créer une fromagerie, précise notre hôte mais les coûts d’installation étaient plus élevés que pour la glacerie. Et on touche davantage de gens avec de la glace car tout le monde les apprécie, déclare-t-elle. La production de fromages reste malgré tout une option pour le futur.

Deux mois après leur installation, la glacerie et le bar à glace étaient fonctionnels. L’aménagement des installations de production et de vente n’a pas posé de problèmes. Les exploitants ont pris conseil auprès de l’Afsca avant de créer l’atelier et ont suivi leurs recommandations.

Des glaces pour tous les goûts

La glace est réalisée 2 fois par semaine par l’exploitante. La base est faite à partir d’œufs le jour avant la production. Elle peut ainsi reposer durant une nuit. Le lendemain, la confection des glaces requiert une demi-journée de travail. Toutes les glaces sont réalisées avec du lait entier (pas de sorbets). L’exploitante propose une trentaine de goûts différents, mais seuls 10 sont disponibles dans le comptoir pour la vente en boules. Les glaces aux fruits sont réalisées avec des fruits congelés. C’est une obligation pour respecter les normes sanitaires. Il faudrait en effet un second local de fabrication pour travailler à partir de fruits frais. Les glaces sont conditionnées en pots d’un litre mais sont aussi vendues en boules à la ferme. Le bar à glace est ouvert de 14h à 20h30 du mercredi au dimanche. Le cadre est attirant car nous sommes éloignés de la grand-route, en plein milieu de la campagne. Les clients viennent s’asseoir en dégustant une glace et les enfants jouent avec les chiens et admirent les veaux. L’activité est très énergivore en temps et demande plus d’un mi-temps en été. Pas question d’effectuer la traite du soir car il faut être disponible à tout moment pour recevoir les clients, explique Marthe qui se charge donc uniquement de la traite matinale en été. En hiver, des bûches glacées sont aussi réalisées tout comme des gâteaux pour les communions.

L’exploitante transforme une petite partie de la production laitière en glaces et en beurre. Les glaces sont vendues à l’exploitation, par litre à emporter mais peuvent aussi être  dégustées sur place. Elle confectionne aussi des gâteaux glacés et bûches de Noël .
L’exploitante transforme une petite partie de la production laitière en glaces et en beurre. Les glaces sont vendues à l’exploitation, par litre à emporter mais peuvent aussi être dégustées sur place. Elle confectionne aussi des gâteaux glacés et bûches de Noël .

Vente à la ferme

Toutes les 3 semaines l’exploitante fabrique aussi du beurre. L’écrémage du lait se fait en début de semaine et le beurre est produit en fin de semaine. La production ne se fait qu’au printemps et en été, lorsque les bêtes pâturent. En hiver, le beurre n’a pas la même qualité et sa saveur est différente explique l’éleveur. Le beurre est vendu à la ferme à une clientèle d’amateurs. Mais, vu le coût, le marché est limité. Le produit est apprécié par les personnes de plus de 50 ans mais pas trop par les jeunes constatent les producteurs.

À côté de ces produits « maison », les éleveurs commercialisent aussi des yaourts et maquées de la fromagerie voisine de Henri-Chapelle, Lait et Passion, du miel d’un apiculteur de Lontzen et des desserts – tiramisu et mousse au chocolat – d’un producteur de Lontzen.

Toutes ces activités requièrent pas mal de temps mais les choses se mettent en place. On acquiert de l’expérience et on est bien encadré pour l’administration, les dossiers d’investissement, la déclaration de superficie. On savait ce que c’était mais on ne l’avait jamais fait concrètement. Pour la comptabilité et les impôts, un comptable s’en occupe car les exploitants n’ont pas opté pour le forfait. Ils font aussi partie du CETA de Montzen qui regroupe 8 agriculteurs… On arrive tout doucement en phase de roulement, déclare Bertrand Lahaye. Mais on garde l’esprit ouvert ajoute son épouse car il y a encore plein de choses à faire… On a beaucoup d’idées et on verra ce qu’on pourra encoure développer.

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