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Des poiriers pour tous les goûts et tous les jardins, de début août à fin janvier

En matière de poires, les pépinières belges proposent de quoi satisfaire largement l’amateur le plus exigeant. Une quarantaine de variétés est en effet disponible dans notre pays, véritable berceau du poirier moderne. On veillera néanmoins à limiter ses choix en fonction de la place disponible dans le jardin tout en sélectionnant des variétés permettant d’échelonner la consommation.

Temps de lecture : 12 min

L es spécialistes de la pomologie admettent tous que la Belgique est, avant la France, le centre d’origine du plus grand nombre de variétés de poires de haute qualité. C’est le résultat de l’activité intense de création par un grand nombre d’amateurs expérimentés qui semaient des pépins, puis avec rigueur et patience, ont sélectionné ce qui leur semblait digne d’intérêt tout en éliminant ce que l’ion aurait pu appeler le « menu fretin ». Il est difficile de les citer tous, au risque d’en oublier, mais leur souvenir persiste puisque certaines de leurs créations sont toujours cultivées et appréciées des gourmets, tandis que bon nombre d’entre elles ont disparu au fil du temps.

Dans son ouvrage « Pears of New York » paru en 1921, le pomologue américain Hedrick écrivit d’ailleurs : « La Providence a désigné la Belgique pour produire le poirier moderne… Le poirier a été amélioré en un siècle en Belgique davantage que dans tous les siècles qui ont précédé… ».

Hardenpont, Van Mons et Esperen, quelques précurseurs

L’abbé Nicolas Hardenpont (1705-1774), curé de la paroisse Saint-Nicolas-lez-Mons est considéré comme le précurseur de l’activité créatrice de variétés de poires par semis dirigés. Dans son jardin situé au pied du Mont Panisel, à proximité de Mons, il sème les pépins récoltés dans des fruits de variétés connues à partir de 1730.

À partir de 1758 il fait connaître une douzaine de ses obtentions caractérisées par une chair tendre et une qualité gustative nettement supérieure à celle des variétés traditionnelles de l’époque. Il s’agit notamment de ‘Passe Colmar’ (1758), ‘Beurré d’Hardenpont’ (1759), ‘Délices d’Hardenpont’ (1759), ‘Beurré de Rance’ (1762) et ‘Fondante du Panisel’ (1762 ?). Il ne laisse aucun écrit à propos de ses recherches.

Jean-Baptiste Van Mons (1765-1842) est un scientifique, au départ chimiste, physicien et pharmacien, enseignant dans plusieurs universités pendant la période française et hollandaise. Il produisit par semis une énorme quantité d’arbres fruitiers : en 1815, sa pépinière située alors à Bruxelles en comptait plus de 80.000 ! En 1819, transférée à Louvain dans de mauvaises conditions, il sauva environ un cinquième du total, et lors du siège d’Anvers en 1832, la plus grande partie de ce qui restait fut détruite par l’armée qui y cantonnait, utilisée comme bois de chauffage. Il est considéré comme le créateur de plus de 500 variétés fruitières, principalement de poires.

En 1835-1836, époque où les lois de la génétique de Mendel étaient encore inconnues, il formula une théorie sur la variabilité des espèces et comment éviter leur dégénérescence par des semis successifs. Cette théorie suscita de nombreuses discussions dans les milieux concernés.

Pierre Joseph Esperen (1780-1847) est le créateur d’une quarantaine de variétés de poires, dont ‘Soldat Laboureur’ (1820) qui fait allusion à sa vie de militaire lors des campagnes de l’Empire alternant avec celle d’agriculteur en temps de paix, ‘Seigneur Esperen’ (1827), ‘Joséphine de Malines (1829) et ‘Bergamote Esperen’ (1830).

Ces trois personnalités peuvent être considérées comme des précurseurs parce qu’ils ont été à l’origine d’un intérêt et d’un engouement pour la collection et la création de variétés fruitières qui s’empara de notre pays au 19è  siècle.

La ville brabançonne de Jodoigne en offre une belle illustration. Entre 1788 et 1887, soit un siècle, une douzaine de personnalités du monde médical, juridique, industriel ou religieux y ont exercé, à côté de leur profession, une activité de création et de collection d’arbres fruitiers. Leur histoire a été relatée par Jean-Pierre Wesel en 1996 dans la « Pomone jodognoise ». Plusieurs noms se détachent : Xavier Grégoire (1802-1887), tanneur, Alexandre Bivort (1809-1872), pépiniériste, et les trois frères Bouvier, ainsi que le fils de l’un d’eux.

Un patrimoine vivant à conserver et à diffuser

Combien de variétés de poires furent-elles créées en Belgique ? Une question a laquelle il est impossible de répondre avec exactitude. Les « Annales de Pomologie belge et étrangère » publiées de 1853 à 1860 citent environ 400 noms de poires, dont quelques variétés étrangères ou des synonymes.

Exemple de poiriers conduirs en palmettes Verrier à 6
branches.
Exemple de poiriers conduirs en palmettes Verrier à 6 branches.

Dans la première moitié du 20è  siècle, avec la standardisation de l’arboriculture professionnelle et le déclin de l’activité des amateurs-collectionneurs, beaucoup de ces variétés ont disparu. De même, les institutions d’enseignement ont dû se résoudre à supprimer les collections fruitières coûteuses à entretenir pour faire place à d’autres activités jugées prioritaires.

Au début des années 1970, au Centre de recherches agronomiques de Gembloux, Charles Populer, chercheur en phytopathologie, entama un programme de collecte, d’évaluation et de conservation des variétés fruitières anciennes en vue de sélectionner celles qui auraient une résistance multigénique aux cryptogames. Au fil du temps, plusieurs milliers d’arbres ont été recueillis dans tout le pays dans les collections existantes et chez des particuliers. Ils détiennent plus de 2.000 variétés différentes de pommes, poires, prunes et pêches, ainsi que la collection de cerises de la station de Grand-Manil.

D’une collaboration avec plusieurs pépiniéristes greffeurs et revendeurs est né en 2012 le projet « Certifruit », une charte de qualité pour les arbres fruitiers, à laquelle ont adhéré actuellement une quarantaine d’entreprises. 22 variétés de poiriers sont diffusées par ce réseau : 5 variétés sont labellisées « R.G.F.Gembloux » et 17 autres, bien adaptées à nos régions sont labellisées « Trad-R.G.F. ». Une moitié d’entre elles sont originaires de Belgique. Cette gamme de variétés offre aux amateurs de diversifier leur production de poires en réduisant le nombre de traitements fongicides.

À noter que dans leur catalogue de 1941, les pépinières Chotard à Gosselies proposaient encore 94 variétés de poires. À la même époque, 59 variétés de poires étaient citées dans le cours d’arboriculture fruitière donné à Vilvorde par E. Van Cauwenberghe.

Il y a donc eu en 80 ans une réduction drastique du nombre de variétés de poires disponibles pour les amateurs, tandis que la production commerciale se résumait à 4 ou 5 variétés, où ‘Conference’ représente plus de 80 % du total.

Cultiver des poiriers dans son jardin

En basse-tige, les poiriers peuvent être conduits en formes libres à axe central (pyramides ou fuseaux) ou en formes palissées (espaliers adossés à une paroi ou contrespaliers fixés à un réseau de piquets et de fils). En demi-tige et en haute tige, ils ont une forme de buisson à cime conique ou ovoïde.

Dans le premier cas, les arbres sont greffés sur un cognassier qui confère une vigueur faible à moyenne : Cognassier C < Cognassier Adams < Cognassier A. Les demi- et haute-tige sont greffés sur un poirier franc, par exemple ‘Kirchensaller’.

En formes libres basse-tige, chaque arbre doit disposer d’un espace libre de 6 à 8 m² (soit 3,5 x 1,75 m à 4 x 2 m). En formes palissées, la distance de plantation dépend du nombre de branches : 1 m pour les U, 1,6 m pour les U doubles et palmettes Verrier à 4 branches. En demi- et haute-tige, chaque arbre doit disposer de 100 m² (10 x 12 m ou 8 x 12 m).

Les États-Unis proposent plusieurs variétés  à épiderme rouge, comme ‘Cascade’.  Elles ne semblent pas intéresser  les consommateurs européens.
Les États-Unis proposent plusieurs variétés à épiderme rouge, comme ‘Cascade’. Elles ne semblent pas intéresser les consommateurs européens.

L’entrée en production en basse tige intervient après 3 à 4 ans ; en demi- et haute-tige, il faut attendre que la charpente soit édifiée, ce qui demande 3 ou 4 ans de plus.

Les principaux problèmes sanitaires sont le feu bactérien (Erwinia amylovora), la tavelure (Venturia pyrina) et la rouille grillagée (Gymnosporangium sabinae).

Composer ou compléter un verger de poiriers

Par nature, les poires se conservent mal, surtout les variétés précoces et dans une moindre mesure les variétés d’automne. Cela signifie que pour une variété donnée, la période de consommation est courte, puisque la maturité optimale est rapidement dépassée.

Dans un jardin, un arbre par variété est donc un maximum. Pour des variétés précoces, on peut aussi envisager, par exemple, de surgreffer quelques branches sur une variété plus tardive. Les palmettes Verrier à 4 branches se prêtent facilement à cette opération si la variété surgreffée sur le U central est de vigueur plus faible que la variété du U extérieur (par exemple ‘Bon Chrétien Williams’ ou ‘Triomphe de Vienne’ sur ‘Beurré Hardy’ ou ‘Doyenné du Comice’).

En Belgique, outre les variétés « R.G.F. » dont il a été question plus haut, les pépinières en proposent plusieurs autres. Au total, on peut dire qu’une quarantaine de variétés de poires différentes est disponible. C’est largement suffisant pour l’amateur le plus exigeant.

La liste qui suit classe les variétés par époque de consommation en conservation naturelle en cave, fruits disposés en plateaux sur un seul lit. Les symboles (A) et (P) sont expliqués plus loin.

variétés très précoces – consommation de début à mi-août : Précoce de Trévoux (P) – André Desportes – Précoce Hénin – Colorée de Juillet – Ananas de Courtrai – Docteur Jules Guyot (A) ;

variétés précoces – consommation de la 2è  moitié d’août à la 1è  semaine de septembre : Bon Chrétien Williams et son mutant rouge Max Red Bartlett (P) – Clapp’s Favourite (A) – Calebasse à la Reine (= Wijnpeer) (A) ;

variétés mi-précoces – consommation durant la 1è  moitié de septembre : Triomphe de Vienne (P) – Beurré Lebrun (P) – Impératrice d’hiver (= Winterkeizerin) (P) ;

variétés assez précoces – consommation de mi à fin septembre : Beurré Hardy (P) – Poire de Notre-Dame (= Poire de Grise) – Beurré Chaboceau (= Jefkenspeer) – Double Philippe (P) ;

variétés précoces d’automne – consommation de septembre à mi-octobre : Seigneur Esperen (PP) – Conference (PP) – Louise Bonne d’Avranches (P) – Beurré Superfin (P) – Durondeau (= Poire de Tongre) (PP) – Williams Duchess (P) ;

variétés d’automne – consommation de mi-octobre à la 1è  semaine de novembre : Beurré d’Anjou (= Nec Plus Meuris) (P) – Calebasse Bosc (P) – Doyenné du Comice (A) – Général Leclerc (P) – Légipont (P) – Soldat Laboureur (A) ;

variétés tardives d’automne – consommation en novembre-décembre : Angelys – Beurré d’Hardenpont (P) – Beurré Diel (P) – Saint-Mathieu – Jeanne d’Arc (A) – Madame Grégoire – Bronzée d’Enghien (A) ;

variétés d’hiver – consommation de mi-décembre à janvier (février ?) : Beurré de Naghin (A) – Le Lectier (A) – Beurré Alexandre Lucas (P) – Passe Crassane (A) – Olivier de Serres (A) – Joséphine de Malines (A) – Saint-Rémy (A) – Comtesse de Paris (A) – Jules d’Airolles (A).

Dès que l’on plante deux variétés ou plus, Doyenné du Comice constitue  un choix intéressant.
Dès que l’on plante deux variétés ou plus, Doyenné du Comice constitue un choix intéressant.

Pour l’avenir, différentes variétés résistantes au feu bactérien sont à l’essai. Les États-Unis proposent plusieurs variétés à épiderme rouge ; elles ne semblent pas intéresser les consommateurs européens.

Les règles de fécondation : chez les poiriers, l’autostérilité (symbole A) est la règle générale qui impose nécessairement la présence d’une autre variété qui fleurit au même moment. Mais un phénomène appelé « parthénocarpie » vient améliorer la fertilité de nombreuses variétés de poires : il s’agit du développement de fruits à partir de fleurs non ou mal fécondées, suite par exemple à des gelées tardives. La parthénocarpie est très forte (symbole PP) ou partielle (symbole P). Les fruits parthénocarpiques ont une forme un peu plus allongée ; ils sont dépourvus de pépins.

Quelques exemples de choix variétal qui permettent d’échelonner la consommation de poires :

– 1 variété : ‘Conference’ ou ‘Durondeau’ ou ‘Seigneur Esperen’;

– 2 variétés : ‘Triomphe de Vienne’ + ‘Doyenné du Comice’ ou ‘Général Leclerc’;

– 3 variétés : les deux mêmes + ‘Beurré Alexandre Lucas’ ou ‘Saint-Rémy’;

– 4 variétés : ‘Bon Chrétien Williams’ + ‘Beurré Hardy’ + ‘Doyenné du Comice’ ou ‘Général Leclerc’ + ‘Beurré Alexandre Lucas’ ou ‘Saint-Rémy’;

– 5 variétés : les quatre mêmes + ‘Louise Bonne d’Avranches’ ou ‘Durondeau’;

– 6 variétés : les cinq mêmes + ‘Madame Grégoire’ ou ‘Saint-Mathieu’.

L’achat des arbres

Les arbres à conduire en formes libres basse-tige sont des fuseaux de 2 ans bien ramifiés, c’est-à-dire qui comportent un système radiculaire bien développé, un point de greffe sain, un tronc bien droit sur lequel plusieurs ramifications bien étagées sont implantées avec un angle ouvert. L’identité du sujet porte-greffe dépend de la vigueur de la variété et des caractéristiques du sol (les poiriers préfèrent des sols lourds aux sols légers).

Pour un sol qui n’a jamais porté de poiriers, on choisira le cognassier C ou le cognassier Adams ; en replantation, on préférera le cognassier A. Il est nécessaire de prévoir un tuteur temporaire pour les premières années.

Les arbres basse-tige en formes palissées qui ont été formés en pépinière peuvent être des U pour les variétés de vigueur faible ou moyenne, tandis que pour les variétés vigoureuses on optera pour les U doubles ou les palmettes Verrier à 4 branches, qui sont plus faciles à équilibrer.

Les arbres haute-tige peuvent vivre très longtemps,  à l’image de ce poirier séculaire.
Les arbres haute-tige peuvent vivre très longtemps, à l’image de ce poirier séculaire.

Les arbres demi-tige ou haute tige doivent avoir un tronc de bon diamètre, bien droit, sans cicatrices de taille ouvertes, des points de greffe sains, et une couronne de deux ans bien équilibrée. Le tronc est parfois formé avec une entregreffe ; il y a alors deux points de greffe : l’un au niveau du sol et l’autre à l’extrémité du tronc. Un tuteur est nécessaire les premières années et un dispositif de protection si le verger est pâturé ou fauché mécaniquement.

Des utilisations multiples

Dans la consommation de fruits, la poire se place au 8è  rang. On l’estime à 5 kg par an par habitant, loin derrière la pomme (20 à 25 kg). Elle tend à diminuer faiblement. Une telle différence est difficilement explicable avec des arguments objectifs puisque les deux fruits ont plusieurs caractéristiques communes. Toutefois la diversité des goûts est nettement plus grande pour les poires que pour les pommes.

La consommation des fruits frais intervient en dessert ou en cuisine. Elle a lieu aussi après transformation : dans des pâtisseries, des macédoines au sirop léger, des marmelades, en fruits secs, en boissons (jus, jus concentré, vin pétillant, liqueurs, alcools). Le sirop de Liège authentique est composé à 80 % de poires (et 20 % de pommes).

Pour le consommateur, la poire présente un point faible : la vitesse de maturation qui raccourcit la période de consommation d’une variété. Le brunissement interne de la chair de fruits qui extérieurement semblent intacts leur a valu en wallon liégeois le surnom de « peures d’attrappe ». La fragilité des poires oblige à les manipuler avec douceur et de les conserver en plateaux à une seule couche de fruits.

À maturité, leur chair tendre et très juteuse ne permet pas de les croquer comme des pommes : il faut une assiette, un couteau… et une serviette ! Anciennement, dans la bonne société anglaise, pouvoir éplucher et déguster une poire avec fourchette et couteau était un signe de parfaite éducation…

Ir. André Sansdrap

Wépion

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