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Un effet PPApillon?

Pur hasard, coïncidence troublante, lien de cause à effet ? Comment qualifier la singulière succession, la déroutante superposition de deux crises sanitaires : PPA et CoViD-19, touchant l’une des animaux, l’autre l’humanité tout entière ? Stupeur et tremblements, terreur et confinement ! Le 12 septembre 2018, l’analyse vétérinaire de deux sangliers retrouvés morts en Gaume mettait en évidence l’arrivée de la peste porcine africaine chez nous, laquelle entraînait la mise sous cloche de toute une région. Le 12 mars 2020, le Gouvernement Fédéral Belge admettait -enfin!!- l’urgence et la gravité de la pandémie de Sars-CoV-2, et décrétait un lock-down très strict afin d’enrayer la circulation du virus. D’une certaine manière, la PPA avait fait tinter chez nous une sonnette d’alarme, un peu comme un avertissement, une répétition générale avant l’émergence d’une crise majeure, comme si le destin voulait nous prévenir d’un risque sanitaire qui toucherait cette fois les êtres humains.

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Il aura fallu 26 mois pour venir à bout de la peste porcine africaine, a rappelé cette semaine la Docteur Annick Linden (Ulg) sur TVLux, et deux mois de plus pour que la Belgique récupère le statut « indemne de PPA », le 21 décembre 2020 ! Les efforts déployés ont été colossaux à l’échelle de notre petite Gaume : fermeture d’une zone confinée, ratissage et ramassage des cadavres de sangliers, « stamping out » de 60 élevages de porcs, pose de 300km de clôture grillagée (15 €/m)… Jusqu’à présent, la note de frais s’élève à 18 millions d’euros pour la Région Wallonne ; au niveau du pays, la crise aura coûté 154 millions d’euros au secteur porcin, principalement présent en Flandre. (Petite digression : ne nous leurrons pas, la plupart des célèbres « jambons d’Ardenne » proviennent de cochons flamands…).

Cette maladie est causée par un virus du genre super-costaud, qui résiste durant des mois dans la carcasse des animaux morts, et dans les morceaux de viande consommés -sans danger- par les hommes. Un de vecteurs principaux n’est autre que la tique, ou plutôt une ou plusieurs parmi les nombreuses familles de ces petites bébêtes antipathiques, bourrées de bactéries, de virus, de mycoses, etc. Il s’agit là peut-être de l’animal le plus dangereux de la Création, pour nous autres humains ! Vous connaissez par exemple la Maladie de Lyme (borréliose) ? Les tiques infestent les mammifères et les oiseaux, et passent d’une espèce à l’autre quand la faim les oblige à changer de monture. Elles sont passées des phacochères en Afrique à des cochons domestiques, leur refilant entre autres la PPA. Puis celle-ci s’est répandue en Europe de l’Est via la Géorgie, et ensuite, -en voiture Simone ! –, elle est partie en Chine, où elle cause de gros ravages depuis 2017, l’abattage et la destruction de centaines de milliers de porcs domestiques dans les foyers situés en Chine du Sud-Est, une région -tenez-vous bien !- qui approvisionne en viande la ville de Wuhan, désormais mondialement connue pour avoir accueilli les premiers cas de CoViD-19 !

Selon la Docteur Linden, il est tout de même troublant, interpellant, saisissant, que l’épicentre de la pandémie de coronavirus se situe dans une zone privée soudainement de viande de porc, dont la population s’est « rabattue » sur de la viande dite « sauvage ». Les Chinois, en effet, ne répugnent nullement à manger tout ce qui vole, sauf les avions, et tout ce qui a quatre ou six pattes, sauf les tables et les chaises. Civettes, visons, chiens viverrins, blaireaux-furets, pangolins, serpents, lézards, insectes… Et même des chauves-souris ! Personne n’en disconviendra, les chiroptères sont réputés pour leur tendance déplorable à héberger toutes sortes de virus. L’anagramme de c-h-a-u-v-e-s-o-u-r-i-s donne s-o-u-c-h-e-à-v-i-r-u-s ! Or donc, vu l’absence de cochons sur les marchés publics des grandes villes, les commerçants chinois ont proposé toutes sortes de bestioles très diversifiées, enfermées pêle-mêle -âmes sensibles s’abstenir !- dans des cages empilées sans ordre pendant des jours entiers. Chauves-souris aux côtés de civettes ou de blaireaux-furets, au-dessus ou en dessous de pangolins, d’oiseaux de toutes sortes. Des cages par centaines ; des animaux par milliers ! Et vas-y que ça défèque ; et vas-y que ça se mordille, se griffe, se frotte, l’occasion de s’échanger ses parasites (poux, tiques, etc). Les chauves-souris, par exemple sont grêlées de tiques, et sans nul doute, celles-ci n’ont pas rechigné à sucer le sang d’autres animaux. Les virus étaient au paradis, dans ce bouillon de culture digne d’un laboratoire infernal !

Le Sars-CoV-2 de la CoViD-19 a-t-il émergé dans cet environnement de cauchemar ? Il n’est pas interdit de l’envisager… Une crise sanitaire agricole porcine a-t-elle induit la pandémie de coronavirus, par une succession de causes à effets ? On ne le saura sans doute jamais avec certitude. Une chaîne d’événements, dont le précédent influe sur le suivant, a provoqué la pandémie actuelle : c’est l’effet « papillon ». En biosécurité, tout est lié : l’agriculture, les circuits de distributions, les modes de consommation, le maelström monstrueux des mouvements incessants de la mondialisation -industrie de transformation, commerce et tourisme –, sans oublier la pression humaine exercée sur les écosystèmes naturels sauvages. Il a suffi au départ d’une probabilité infime, d’une morsure de tique ou de blaireau-furet, d’une piqûre de moustique ou d’un battement d’ailes de papillon, pour initier le processus de création d’un virus hautement pathogène pour l’humanité.

Un effet PPApillon ?

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