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Nos chères petites têtes blondes…

Réforme des congés scolaires oblige, les petites vacances de Toussaint s’étalent sur deux longues semaines à partir de cette année. Panique à bord dans pas mal de familles !

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Où va-t-on « caser » les bambinos et les ados pendant tout ce temps ? Des mamans-solos et des ménages en perdition désespèrent de trouver une solution. Mamys et papys agriculteurs ont repris du service, ici et là, pour « garder » leurs petits –, voire leurs arrière-petits-enfants. Nous vivons une drôle d’époque, où les enfants sont rois, mais sources de désarroi. Pauvres petiots, trimbalés de crèches en garderies, de stages de foot en activités artistiques, de camps scouts en cours de danse ! L’agriculture familiale d’autrefois avait du bon, qui offrait aux enfants un cadre de vie épanouissant et fort stable, sans courir sans cesse à gauche et à droite. Mais ça, c’était avant… Aujourd’hui, les jeunes parents font comme ils peuvent, et cherchent à s’adapter.

Quand j’étais gamin, les congés de Toussaint se réduisaient aux 1er et 2 novembre, point final, juste le temps d’assister aux offices et de visiter les cimetières. Quinze jours à Noël et à Pâques, et deux jours avant le Mardi Gras, sans oublier les Grandes Vacances : on restait tout simplement… à la maison ! Les fratries étaient beaucoup plus étoffées, avec quatre, cinq, voire davantage d’enfants dans chaque famille. On ne s’ennuyait jamais ; le travail à la ferme était présenté par nos parents comme une sorte d’occupation ludique et passionnante, riche en découvertes et source d’estime de soi. Les activités étaient fort genrées : les filles d’un côté aux tâches ménagères, les garçons aux étables et dans les champs. Mais elles nous rejoignaient aux foins en été et venaient se poster quand on changeait les vaches de prairie ; les petits mecs que nous étions, aidions souvent aussi notre maman à éplucher les pommes de terre, à balayer la cuisine ou laver le carrelage quand nous l’avions sali. Le soir, ou lors des après-midi pluvieux, on jouait au Monopoly, aux dames, aux cartes ; une bibliothèque familiale bien fournie nous tendait les bras avec ses centaines de bouquins usés, lus et relus, destinés à tous les âges : bandes dessinées, romans, encyclopédies, livres d’histoire. Tintin, Astérix, Bob Morane, Jules Vernes, Zola et tous les autres. Je crains fort d’en avoir usé et abusé ; ils ont rempli mon grenier de l’esprit et esquinté mes yeux myopes pour la vie…

En 2022, les familles sont beaucoup plus petites : un, deux, trois enfants maximum ! Les pauvres ! Ils ne sauront jamais à quel point on s’amuse et on apprend la vie au milieu de nombreux frères et sœurs ! De plus, les couples de parents ont perdu leur cohésion d’antan. La pression religieuse, sociale, familiale, culturelle, a disparu. Le carcan « sacré » du mariage est rouillé de part en part et ne les maintient plus en binômes soudés « pour le meilleur et pour le pire ». Au 21e siècle, on dit « oui» un jour, puis on dit « zut » et divorce quelques mois plus tard. Le plus simple est de ne plus se marier, tant qu’à faire, d’essayer trois ou quatre compagn.es.ons avant de trouver celui qui fournira son ADN et sera la maman ou le papa de ses enfants. Autres temps, autres mœurs. Les couples homosexuels ont des bébés, d’une manière ou d’une autre ; les mamans (ou papas)-solos assument une parentalité sans complexe, avec courage et détermination.

Le paysage des familles s’est singulièrement diversifié au cours des dernières années. Fort bien ! Le métier de maman (ou de papa) à temps plein n’existe plus. Les membres du couple ont chacun leur métier, même au sein des exploitations agricoles. Le modèle d’autrefois s’est effacé devant les contraintes modernes, créées de toutes pièces par une logique capitaliste de productivisme et d’hyper-consommation. L’argent rentre par les portes et fenêtres, et ressort aussitôt à grande vitesse. Il faut gagner des sous, privilégier sa carrière. Et les enfants sont happés par un tourbillon où leurs parents tournent comme des toupies. Je bénis chaque jour le Destin de nous avoir permis d’éduquer nous-mêmes nos enfants à la ferme, de les avoir accompagnés au plus près durant leurs jeunes années. Ils ont perdu leurs boucles blondes depuis belle lurette, et leurs cheveux grisonnent bon train, mais ils restent encore et toujours nos bébés, connectés avec nous pour la vie.

Eux-mêmes reproduisent inconsciemment sur nos petits-enfants le schéma d’éducation qui les a formatés, conditionnés. Était-ce le schéma parfait, idéal ? Sans doute pas, mais l’amour y attisait la bonne volonté, et j’imagine que les parents d’aujourd’hui adorent tout autant leurs enfants ! Mais ils sont pris dans les engrenages d’une vie trépidante et exigeante, où l’argent et la consommation de biens et de plaisirs l’emportent sur des valeurs humaines désenchantées, n’en déplaisent à d’aucuns. Nos chers petits angelots blonds, de moins en moins nombreux, sont sujets à trop de tiraillements dans les familles d’aujourd’hui.

J’éprouve mille craintes pour eux, quand je vois le monde à la dérive dans bien des domaines, et les défis auxquels ils devront faire face après avoir reçu cette éducation si particulière, et tellement différente de la nôtre…

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Voix de la terre Il n’aura fallu que cinq jours ! Lundi matin, l’énorme vieille ferme dressait encore ses murs orgueilleux au milieu du village, défiant le temps et les saisons depuis trois cents ans. Vendredi soir, elle n’était plus là, tout simplement ! Disparue, envolée, comme si elle n’avait jamais existé. Un bulldozer, deux pelleteuses, ainsi qu’une noria de très gros tracteurs attelés de bennes, ont tout rasé et enlevé en quelques dizaines d’heures. Sur le terre-plein ainsi dégagé, sera bientôt construit un complexe de vingt appartements. L’un après l’autre, les derniers témoins de la vie agricole d’autrefois disparaissent des paysages intérieurs de nos localités.
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