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Alimentation et permissions de traite au robot

Qui dit robot de traite, dit diminution du pâturage… Si l’avis est partagé par nombre d’éleveurs, le projet européen Autograssmilk tend à prouver qu’il est possible de concilier les deux. Retour sur trois expériences menées à l’Université de Liège et à Moorepark (Irlande). L’objectif ? Mettre en évidence dans quelle mesure les changements de distribution de concentrés et de permission de traite modifient la circulation au robot et impactent la production laitière du cheptel.

Temps de lecture : 6 min

Depuis une dizaine d’années, on dénombre de plus en plus de robots de traite chez les principaux pays producteurs laitiers.

Le robot prend de l’ampleur

Au Pays-Bas, près de 3.000 élevages disposaient de la technologie en 2014… c’est près de 15 % des structures laitières du pays. Au Danemark, cette proportion atteint les 20 % et les 17 % en Suède.

Dans les pays plus traditionnels au niveau du pâturage – comme la France, la Belgique et l’Irlande –, la proportion de robots est beaucoup moindre. Près de 4 % chez nous, et 0,3 % chez nos voisins irlandais qui sont habitués à traire en prairie (ça a évolué depuis).

Si l’on observe les élevages qui concilient la technologie avec le pâturage, on constate que leur nombre est restreint par rapport au nombre d’exploitations qui pratiquent la traite robotisée.

Pourtant le pâturage est intéressant à bien des égards, notamment en vue de maximiser son autonomie alimentaire et, par conséquent, diminuer les coûts alimentaires.

Le projet Autograssmilk s’est donc intéressé à la problématique en réunissant 7 pays dont les travaux ont abordé 5 thématiques. Parmi celles-ci, nous avons choisi d’aborder les stratégies visant à améliorer la gestion de l’alimentation au robot. Ont donc été étudiés les effets du niveau de concentré distribué au robot et la permission de traite sur la production laitière et sur la circulation des vaches au robot.

Trois expérimentations

Trois expériences se sont suivies entre 2013 et 2015, deux à Liège et une en Irlande. Durant celles-ci, les animaux ont passé 100 % de leur temps au pâturage. Seuls des concentrés ont été donnés en complémentation de l’herbe. Notons encore l’utilisation d’un robot de traite mobile installé entre les parcelles de jour et de nuit.

Une première expérimentation s’est déroulée à l’Université de Liège en 2013 .

Le troupeau, composé de 45 laitières en milieu de lactation, a été scindé en deux : un groupe a reçu 2,2 kg de concentrés/vache/jour (BC) tandis que le second en recevait 4,3kg/vache/jour (HC). La permission de traite, c’est-à-dire le nombre journalier de passages autorisés au robot, était relativement courte (4h), ce qui permettait aux animaux de se faire traire quand ils étaient disponibles. À noter que le système de parcellaire, composé de 22 ha était de type AB, ce qui signifie que les laitières étaient obligées de passer par le robot pour passer de la pâture de jour à celle de nuit.

L’étude a été réalisée sur toute la durée du pâturage, du 1er mai au 31 août de manière à capter l’influence de la croissance de l’herbe, des conditions climatiques… et à déterminer l’effet des concentrés.

Pour augmenter les chances de voir revenir les animaux au robot, les chercheurs ont opté pour le pâturage au fil, une façon de coller au mieux aux besoins du cheptel mais également de leur donner l’envie de passer par le robot pour accéder à une nouvelle parcelle.

En 2014, dans la ferme expérimentale de Moorepark en Irlande, s’est tenue une autre expérience.

Sur une superficie comparable à celle de liège (25ha), les partenaires irlandais ont étudié durant 76 jours l’effet des autorisations de traite et du niveau des concentrés sur les performances des laitières. Le système parcellaire était de type ABC, ce qui signifie que les vaches passaient en moyenne 8h sur chacun des trois blocs.

Quelque 65 productrices, en milieu de lactation, y ont reçu une allocation en concentrés, soit haute (3kg/vache/jour, HC), soit basse (0,84 kg/vache/jour, BC). Dans chacun de ces deux échantillons, la moitié des individus était autorisée à passer 3,2 fois par jour au robot, tandis que l’autre ne pouvait s’y présenter que 1,8 fois/jour.

Le troisième essai s’est tenu en 2015 à l’Université de Liège.

De même nature que l’expérience irlandaise, la seconde expérience liégeoise s’est tenue dans les mêmes conditions que la précédente mais avec 51 bêtes, durant 26 jours. Le niveau de concentrés alloué aux vaches était soit de 4 kg/vache/jour (HC), soit de 2kg (BC). À l’intérieur de ces deux groupes, les permissions de traites étaient soit de 4 h, soit de 6h.

Quelles observations ?

En 2013

À haute quantité et qualité d’herbe, avoir plus ou moins de concentrés au robot n’a pas entraîné de différence, ni du point de vue du nombre de traite, ni au niveau de la production laitière. Toutefois, à partir du mois de juin, suite à la diminution de la disponibilité en herbe, la production laitière du groupe BC a diminué.

La réponse de la production laitière par rapport à la quantité de concentrés distribués est donc très dépendante de la qualité et de la disponibilité en herbe et des conditions climatiques. Le nombre de traite n’a pas été impacté par la quantité de concentrés distribués.

En 2014

Au niveau du troupeau qui avait une faible permission de traite, on a constaté une diminution de la fréquence de traite, du temps d’attente au robot mais aussi une augmentation de la production de lait par visite. Toutefois, la production laitière journalière a connu une légère diminution.

Pour les chercheurs, la diminution du temps d’attente va de pair avec une augmentation du bien-être animal.

En ce qui concerne l’aspect concentré, l’augmentation de leur niveau au robot a permis d’augmenter la production sans avoir d’effet négatif sur la circulation des animaux. En effet, le temps d’attente était raisonnable pour les vaches qui recevaient une complémentation plus importante.

En 2015

Le niveau de concentrés a, ici, eu un effet sur la production laitière. En effet, les chercheurs ont mesuré une différence de près de 3 kg de lait/vache/jour entre les groupes HC (21,4 l/jour) et BC (18,6 l/jour). La production par traite était également plus élevée chez les HC.

Au vu des trois expériences, l’apport des concentrés à un effet variable sur la production laitière est variable. Leur distribution est à discuter en fonction du prix du lait. Ils comblent toutefois les besoins nutritifs des vaches quand les conditions climatiques empêchent une production d‘herbe optimale pour les animaux qui passent tout leur temps au pâturage.

Quant à l’effet du niveau de permission de traite (4h contre 6h), un léger effet sur la production a été observé. En effet, la permission longue a eu une légère influence sur la production par vache/jour (+ 1kg) avec une production laitière par traite augmentée pour le groupe qui avait une permission de traite longue.

Notons que le nombre élevé de refus pour l’échantillon qui avait une permission longue. Les chercheurs estiment que ce taux est dû au mélange des échantillons.

Les chercheurs de l’ULg remarquent encore la mauvaise combinaison entre la permission de traite longue et de l’allocation en concentrés élevée. « On a une augmentation des refus considérable, ce qui risque de créer des embouteillages au robot et d’empêcher les vaches de circuler normalement. »

P-Y L.

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