L’année 2021 aura remis les pendules à l’heure : le mildiou peut faire des dégâts, et les protections fongicides cupriques ne permettent pas – à elles seules – de maintenir une culture saine quand la pression est très élevée plusieurs semaines d’affilée. Les variétés robustes ont montré tout leur intérêt, même si certaines ont craqué parfois dès début août sous des pressions mildiou rarement égalées…
Les coûts de production 2021 étaient en augmentation, que ce soit à l’ha ou au quintal. Les plants étaient chers, et il y a parfois eu plus de passages au cuivre et autres produits alternatifs (particulièrement dans les cultures avec des variétés non robustes). Les rendements ont très souvent été en baisse dans les variétés non robustes, et les tonnes nettes payées en baisse suite à des tares très élevées (de 30 à 50 % parfois). Les coûts de production en bio tournent autour de 7.000 €/ha (cela peut aller de 5.000 à 10.000 €/ha). Des sommes à 5 chiffres sont parfois possibles dans le cas d’utilisation de certaines variétés (de plant bio) plus chères ou dans le cas d’utilisation de formules « bouchons » N-P-K-(Mg-S) bio (au lieu de fientes de poules par exemple). Les multiples produits stimulateurs de croissance ou améliorant l’utilisation de produits cupriques peuvent aussi grever les budgets ou encore quand on fait appel à de nombreuses reprises à du travail par entreprise.
Il y a 3 ans, aujourd’hui…
Voici ce que nous écrivions il y a 3 ans…
« Le bio est en croissance, et la pomme de terre bio l’est aussi ! Mais attention, c’est un marché fragile où la moindre surproduction peut-être très dommageable pour les producteurs ! La plupart des négociants et industriels ont rempli des contrats « en veux-tu en voilà », en 2018. C’est beaucoup moins le cas en 2019 !
En attendant, les conversions au bio se multiplient, tout comme les surfaces de pommes de terre. En cas de saison sans attaques de mildiou trop fortes (détruisant ou affectant ainsi le rendement et/ou la qualité des variétés pas assez robustes) ou sans saison trop sèche (réduisant les tonnages produits), on pourrait se retrouver avec un excédent de pommes de terre bio…
Bien que le Royaume reste déficitaire en pommes de terre bio, et bien que la part belge (dans l’offre globale des rayons belges) augmente, l’important est que la demande suive et même précède l’offre. La prudence sera d’autant de mise si la saison est bonne et les tonnages au rendez-vous. Car là, les exigences en matière de qualité – et les tares élevées – seront là pour chaque lot et chaque camion.
Certains producteurs misent sur le marché libre… estimant celui-ci plus rémunérateur que le prix des contrats. Avec des prix de contrat assez comparables à ceux de 2018, mais avec un coût du plant en nette augmentation, les perspectives sont mitigées »
Aujourd’hui, mis à part quelques phrases ou parties de phrase spécifiquement liées à la situation 2018 et/ou 2019, on peut dire que la situation et les perspectives ne se sont pas vraiment améliorées. L’offre a augmenté, la demande stagne, la consommation est insuffisante par rapport à l’offre, et la grande distribution va bientôt commencer les hâtives Méditerranéennes alors que nos productions en frigo pourraient sans problème alimenter le marché jusqu’en mai ! La hausse des contrats n’est pas en ligne avec l’augmentation des coûts de production, le prix du libre est certes bien meilleur qu’il y a un an, mais au regard de tares encore plus élevées que l’an passé (plus de vertes, plus de dégâts de taupins, sans parler des pertes dues au mildiou dans les variétés non robustes) les cours ne sont pas toujours suffisants… Début mars 2022, certains producteurs (marché du frais principalement, mais aussi pour la transformation) en libre, se demandaient quand, comment et à quels prix ils allaient pouvoir écouler leurs stocks, parfois encore importants. Pour d’autres producteurs, avec certaines variétés non adaptées au mildiou et particulièrement affectées par le rhizo, les vertes ou le taupin, des pertes de 2 à 3.000 €/ha ont été enregistrées.
L’opinion chez les producteurs est qu’il est urgent d’augmenter la demande et la consommation. Rien ne sert de convertir de nouveaux ha en bio, de produire plus de pommes de terre bio, si c’est pour terminer en les vendant sous le coût de production ou à les donner aux vaches (comme ce fut parfois le cas au printemps 2021). La majorité des producteurs font remarquer que le marché est incertain… La demande doit absolument précéder l’offre, nous le répétons.
Les bonnes et moins bonnes nouvelles
Sensibilisation de la grande distribution
Rappelons-nous
Les saisons 2017 et 2018, bien que différentes, ont été des années de transition pour les pommes de terre bio en Belgique. Plusieurs variétés résistantes ou tolérantes au mildiou ont été installées et parfois contractées avec des acheteurs qui ont pris conscience qu’il ne fallait plus – pour eux, mais aussi pour d’autres producteurs – une année comme 2016 (ou 2021 !). Cette année-là, une bonne part des bio (trop sensibles au mildiou) ont craqué avec la forte attaque printanière de mildiou. Dans nombre de parcelles, le rendement a péniblement atteint les 10 à 15 t/ha, avec de surcroît des problèmes de PSE, de calibre et de maturité insuffisants. Certains producteurs ont perdu des centaines, voire des milliers d’euros par ha !
Depuis 2017, on a vu un développement de la culture de variétés robustes. Ceci a permis, par exemple en juin 2018 (lors de brèves mais fulgurantes attaques du Phytophthora infestans) de différencier variétés (trop) sensibles et variétés tolérantes ou résistantes. Cela a encore été plus le cas durant la saison passée, une année mildiou qui restera dans les annales. Certaines variétés ont tout de même craqué, résultat d’une pression excessive et de fanes commençant à vieillir et s’affaiblir.
Ces variétés robustes, mises en évidence par les essais MilVar (CRA-W à Libramont et Carah à Ath, collaborations intenses de la Fiwap) et sur la démo/essai variétés robustes (essai CRA-W à Emines en 2019 et à Gembloux en 2020 et 2021), ont été présentées dans la revue Fiwap Info (à retrouver également sur le site internet).
Les contrats frites
En production de frites, Agria, la variété de référence en frites bio reste incontournable. Les épisodes infructueux de « Carolus » en 2018 et 2019, ont largement freiné le développement de cette variété… En 2020, sur le marché belge, un transformateur continuait avec Carolus et Kelly en frites bio, un autre exclusivement en Agria. D’autres variétés comme Alanis, Kelly, Lady Jane ou Sevilla ont déjà été testées (en bio et/ou en conventionnel) par l’un ou l’autre transformateur belge ou européen, sans qu’elles ne percent vraiment. Kelly est trop blanche et ne passe pas en frites bio. Lady Jane doit à nouveau être testée. Des espoirs sont mis dans Nirvana, dont les surfaces et volumes contractés augmentent en 2022. Il semble que cette variété serait meilleure à transformer après quelques semaines (6 à 10) semaines de conservation.
Agria, les prix pratiqués
Agria reste la variété la plus appréciée et transformée en Belgique, notamment par un transformateur important dans le Royaume.
Les volumes contractés semblent assez comparables à ceux de l’année passée. Il faudra stimuler la croissance de la demande à l’avenir pour faire redémarrer la filière « frites bio » de manière durable.
En Agria, le prix contrat pour la saison 2022 est passé de 25,00 (en 2021) à 27,00 €/q pour du 35mm+, départ champ ou ferme, minimum 340 gr de PSE, et minimum 65 % de 50 mm et plus. La quantité maximale à ce prix est de 25 t/ha (il était de 25 à 30 t/ha en 2020 et 2021, de 30 t/ha en 2019 et de 40 t/ha en 2018). Aucun engagement n’est proposé aux producteurs par rapport aux sur-tonnes produites. Les départs champ représentent une fraction des besoins de la transformation en septembre, le plus gros devant être transformé en novembre. Pour livraison novembre le prix proposé est de 29,00 €/q. Un autre transformateur, travaillant à plus petite échelle, propose des prix autour de 30,00 €/q (28,00 €/q l’an passé). Enfin, un opérateur étranger propose des prix pour Agria entre 25,00 et 28,50 €/q dépendant de la période de livraison.
Des usines produisant des cubes, lamelles, rondelles ou flocons de pommes de terre, proposent en général des contrats autour de 25 €/q. Ils utilisent pour ce faire des chairs fermes, des chairs tendre et/ou des petits ou des sous calibres d’Agria.
Des prix de contrats frites en hausse de 7 à 8 %
En cas de hausse de 2 €/q passant de 25 €/q pour du départ champ en 2021 à 27 €/q en départ champ 2022, l’augmentation des contrats est de 8 %.
Les hausses du prix des contrats de 7 à 8 % en frites bio contre une croissance d’au moins 25 % en frites conventionnelles montrent bien l’état du marché et des besoins en frites bio…
Les contrats en variétés chips/croustilles
Les chips BBB
Déjà bien présentes et en développement : des chips/croustilles « BBB », c’est-à-dire bonnes, belges, bios (et locales) !
On ne peut que se réjouir de 2 initiatives, l’une déjà en place depuis plus de 2 ans (les chips de Lucien à Mettet, pour partie en bio), l’autre qui s’est concrétisée avec le démarrage en automne 2021 chez STG à Geer des chips bio « Rebel ».
Il s’agit de 2 initiatives aux mains de producteurs qui produisent et transforment leurs productions de variétés chipables en croustilles /chips. La valeur ajoutée restant aux mains des producteurs, au lieu de « s’évaporer » vers les comptes en banque des négociants, transformateurs et multinationales de la distribution…
Une autre initiative, plus discrète et à plus petite échelle, mais tout aussi dynamique, est en développement depuis plus de 2 ans…
Attention à rester en demande positive
Les contrats pommes de terre de table
Marché libre
Certains négociants ont pris le pas de travailler sans contrat, estimant qu’ils trouveront ce qu’ils cherchent sur le marché libre. C’est aussi le cas de quelques producteurs qui préfèrent le risque du marché libre aux conditions « limite rentabilité » des contrats. En 2020-2021 le prix du libre s’est dégradé en cours d’hiver et au début de printemps pour ne quasi jamais se rétablir. Il a parfois fallu vendre à des cours largement en dessous des coûts de production, à des prix variant entre 30 et 40 €/q en début d’année 2021, pour terminer à 20 €/q (voire moins !) en fin de campagne. Cette saison 2021-2022, le secteur s’attendait avant les fêtes à des hausses de cours pour la deuxième partie de la campagne, mais les cours oscillent entre 40 et 70 €/q à tout le mieux, avec une consommation qui stagne. Quand on retire entre 25 et 50 % de tubercules pour la tare, ces prix-là ne sont plus très intéressants.
Tout comme en production pour la transformation, le marché libre est incertain, surtout en regard des importations méditerranéennes qui commencent à arriver. Les hâtives importées du Sud de la Méditerranée pour les fêtes pascales font souvent office de pivot entre «indigènes» et «importées». Encore une fois, un travail de persuasion de la grande distribution (et des consommateurs) est à faire pour privilégier le local et de saison…
Il peut être intéressant de discuter de ces conditions (calibres, PSE min ou max, sous-calibres et surcalibres, quelle référence pour le prix du marché libre…) avant de s’engager.
Certains acheteurs ont des prix variables en fonction des clients.
La version longue de cet article paraitra dans le Fiwap-Info nº 173 de fin mars.
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