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Préparer sa fertilisation en pommes de terre pour un rendement et une qualité à l’optimum

La saison pommes de terre arrive à grands pas. Les contrats ont été signés en grande majorité et il est temps de penser à l’emblavement de vos parcelles. La fertilisation de la culture de la pomme de terre conditionne grandement le rendement et la qualité de la récolte. Mal maîtrisée, elle peut être ainsi à l’origine de multiples problèmes aussi bien économiques qu’environnementaux. Elle doit donc tenir compte des besoins de la culture, mais également des apports de matières organiques, de la minéralisation du sol et des reliquats dans le profil.

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Cette année, le prix des fertilisants a très fortement augmenté. Il sera donc important de bien calculer la juste dose afin de ne pas dépenser plus que nécessaire. Les quelques conseils suivant vous permettront de démarrer la culture dans les meilleures conditions.

Des besoins liés à l’objectif de rendement

Les besoins de la culture sont liés aux objectifs de rendement (Tableau 1). Ceux-ci sont en corrélation avec la variété, les conditions climatiques, la structure du sol et les critères qualitatifs attendus. Il faut veiller à apporter tous les éléments minéraux nécessaires à la croissance et au développement de la culture.

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Attention, une sur-fertilisation peut poser de nombreux problèmes lors de la culture ou sur la qualité des tubercules. L’objectif de rendement visé doit donc tenir compte du potentiel de la variété, mais également du sol. Le choix de variétés avec un potentiel de rendement élevé ne doit pas aller de pair avec une exagération de la fumure.

La fumure azotée : moins plutôt que plus

Pour la culture de la pomme de terre, un léger manque d’azote est nettement moins préjudiciable qu’un excès : tenons en compte lors du calcul. D’une saison à l’autre, les reliquats azotés seront variables. Ceux-ci peuvent être calculés via la méthode du bilan.

Les besoins en azote sont fournis partiellement par la minéralisation de l’humus du sol et des résidus du précédent, par les reliquats disponibles au printemps, par les engrais verts et par les apports organiques (engrais de ferme). La fumure doit donc représenter l’écart entre les besoins de la culture et les fournitures d’azote par le sol. La richesse en azote des différentes matières organiques peut être fort variable et il est souvent risqué de se baser uniquement sur des valeurs moyennes d’équivalence minérale. Pour affiner ce calcul, il est très intéressant de procéder à l’analyse des matières organiques produites dans l’exploitation.

La méthode du bilan, si elle se base sur des données moyennes, ne sera pas le reflet exact de votre exploitation. Une analyse de sol et plus particulièrement du profil azoté sur les horizons 0-30 et 30-60 cm vous permettra d’obtenir des données précises sur la richesse du sol qui personnaliseront et optimiseront le conseil de fertilisation. Ces analyses seront indispensables pour les parcelles aux itinéraires techniques particuliers ou pour les terres de location.

La fumure azotée de base s’applique généralement sous forme de solution azotée, d’engrais composé ou de nitrate d’ammoniaque sous forme solide. En cas d’utilisation d’engrais solide, on appliquera ceux-ci avant la plantation pour une bonne répartition dans la butte.

Fractionner la fumure azotée pour éviter la sur-fertilisation

Le fractionnement de la fumure azotée est également possible, avec une première fraction d’environ 70 % de l’apport minéral conseillé avant la plantation. La deuxième fraction sera appliquée en post-émergence. Cette technique a pour but d’éviter une sur fertilisation et permet de fournir l’azote pendant la croissance de la culture, au moment où elle en a le plus besoin.

Généralement, la dose à appliquer lors du deuxième apport est déterminée par une analyse au chlorophyllomètre ; cette technique nécessite de laisser une fenêtre sans azote dans une zone homogène de la parcelle. Ce service de suivi est accessible via le laboratoire de pédologie du Carah (numéro de contact : 068 264 690).

Pour éviter les zones non fertilisées indispensables à l’utilisation du chlorophyllomètre, une autre méthode est d’affiner le deuxième apport sur base d’un profil azoté après la levée des pommes de terre. Le fait d’effectuer le profil azoté en cours de végétation (peu après la levée) permet de tenir compte de la minéralisation du sol en début de saison de culture. Cette technique se justifie pleinement en cas d’apport de matière organique de printemps, car elle permet d’approcher les disponibilités réelles du sol pour la culture.

En ce qui concerne les critères de choix de l’engrais et de son mode d’application en végétation, il faut privilégier l’efficience et la rapidité d’absorption de l’azote par la plante.

Apport par le sol en conditions d’humidité

L’azote minéral solide (nitrate d’ammoniaque) peut être utilisé si les conditions d’humidité du sol sont suffisantes pour permettre la migration de l’azote vers les racines.

Apport foliaire en conditions sèches

La solution azotée sera déconseillée pour éviter tout risque de brûlure du feuillage ; on optera plutôt pour de l’urée perlée à diluer dans la cuve ou une formulation liquide d’urée prête à l’emploi, à appliquer par temps couvert et sur un feuillage sec. Ces formes liquides seront pulvérisées en plusieurs fois, à la dose de 15 à 20 U/ha/passage.

Une erreur souvent commise lors du fractionnement est d’apporter la seconde fraction trop tard en culture de sorte qu’elle n’est plus correctement valorisée par la plante. L’apport doit être réalisé au plus tard au début de la tubérisation. Lors du prélèvement de sol pour analyse du profil azoté, il est donc important de prendre en compte ce délai pour ne pas apporter le complément d’azote trop tard en culture.

L’azote potentiellement lessivable (APL)

Si au moins 20 % de la superficie de vos parcelles sont en zone vulnérable, vous êtes susceptibles de vous faire contrôler sur la teneur en nitrate de ces parcelles. L’Administration sélectionne chaque année 5 % des exploitations situées en zone vulnérable afin de contrôler la quantité d’APL contenu dans vos sols.

Les zones vulnérables sont les suivantes : les Sables Bruxelliens, le Crétacé de Hesbaye, le territoire de Comines, le Pays de Herve, le Sud Namurois et le Nord du Sillon Sambre et Meuse.

Si vous êtes contrôlés, vous devrez correspondre aux normes et ainsi être classés comme conformes. Dans le cas contraire (non-conforme), vous devrez vous inscrire dans un programme d’observation au cours duquel les résultats devront s’améliorer. Sans amélioration, des amendes sont prévues.

La fumure phospho-potassique à ne pas négliger

La pomme de terre est une culture exigeante en phosphore et en potassium, ces éléments ne sont pas à négliger.

Le raisonnement de la fumure potassique est essentiel pour toutes les variétés, mais revêt un caractère particulier pour celles dont les teneurs en matière sèche sont élevées. Une bonne alimentation en potasse améliore la qualité des tubercules (abaissement de la teneur en sucres réducteurs et de la sensibilité au brunissement enzymatique) et réduit leur sensibilité aux endommagements (noircissement interne en particulier).

Il existe deux grandes formes d’apport en potasse :

La forme sulfate, bien que plus coûteuse, a l’avantage d’également apporter l’élément soufre dont les carences sont de plus en plus souvent constatées en raison de la réduction significative des retombées atmosphériques. Le soufre peut également être apporté avec la fumure magnésienne (respecter un apport K/Mg d’environ 3/1). L’apport de potasse sous forme sulfate a tendance à afficher un PSE sensiblement plus élevé comparativement à la forme chlorure. Cette forme sera donc privilégiée pour les variétés avec des PSE souvent moyens ou pour la production de pommes de terre de transformation en chips, dont le PSE demandé est plus élevé.

La forme chlorure a tendance à diminuer sensiblement le PSE et à améliorer l’indice de brunissement lors de stockages de longues durées. L’apport de potasse sous cette forme ne devrait pas dépasser les 240 unités pour éviter des problèmes de salinité. Vu son effet sur le PSE, on privilégiera cette forme sur les variétés à haut PSE. Ce type d’apport a également tendance à acidifier le sol.

Il existe également d’autres types d’apports de potasse : engrais composés, vinasses, engrais organiques (effluents, compost, etc.).

Les besoins en phosphore sont importants, il joue en effet un rôle dans l’enracinement, la teneur en amidon et donc la matière sèche. Il est mis à disposition par le sol sous forme de phosphore assimilable, et ce en fonction du pH et de l’activité biologique du sol. Cet élément est d’autant plus important que la variété tubérise peu.

Les fumures phosphorique et potassique se calculent sur base d’une analyse pédologique classique. En l’absence d’analyse, vous pouvez évaluer vos apports sur base des besoins de la culture en vous référant au tableau 1, et sur la teneur en P2O5 et K2O des effluents d’élevage repris dans le tableau 2.

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Un excès peut conduire la plante à une surconsommation.

Magnésium, zinc, manganèse et bore

Les apports foliaires de magnésium sont souvent bénéfiques dans les sols faiblement pourvus ou dans le cas d’apports potassiques importants. Il est nécessaire de toujours respecter un rapport K/Mg d’environ 3/1). Le zinc, le manganèse et le bore perdent de leur disponibilité lorsque le pH est élevé. Dans ce cas, les apports foliaires, dès le début de la croissance, se justifient.

Ces quatre éléments interviennent dans l’élaboration de la masse foliaire et ont un impact ultérieur sur la qualité de la tubérisation. Ils doivent être disponibles dès le début de la croissance pour jouer pleinement leur rôle.

En ce qui concerne les éléments peu mobiles (Mn, Zn, S, B), il faut veiller à ce qu’ils soient disponibles dès les premiers jours de la croissance foliaire, la translocation dans la plante étant faible à nulle.

Benjamin Couvreur

, Carah

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