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La biométhanisation, voie de diversification dans la lutte contre la volatilité des prix

En agriculture, lutter contre la volatilité des prix reste un défi majeur. Pour y parvenir, Daniel Coulonval, agriculteur à Viroinval voit deux possibilités: la vente directe et la valorisation des effluents d’élevage et des déchets d’origine agricole. Il nous présente ses installations, dont une unité de biométhanisation.

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C’est sous l’impulsion du Copa (coupole des grandes organisations agricoles européennes) que Daniel Coulonval nous a ouvert ses portes. Une organisation à laquelle il n’est pas inconnu puisqu’il est le précédent président de la Fédération wallonne de l’Agriculture (Fwa).

La ferme, d’une centaine d’ha, se situe dans le parc naturel Viroin-Hermeton sur des sols de Famenne et d’Ardenne. Et les sols de Famenne souffrent très vite de la sécheresse. « Il faudrait qu’il pleuve tous les dimanche, durant le temps de la grand’messe », confie Daniel Coulonval en boutade, montrant par là que la croissance des prairies est des plus fragiles en Famenne. «Cette année est particulièrement difficile pour les éleveurs», explique-t-il. «Heureusement, la moisson des escourgeons a été très satisfaisante», du moins chez lui.

S’il n’est pas d’extraction paysanne, son épouse est vétérinaire. Elle s’est spécialisée dans la gestion des troupeaux et l’obstétrique. Ils sont donc deux à prendre en charge la gestion et le fonctionnement de la ferme.

Deux troupeaux

La ferme est avant tout tournée vers l’élevage. Le cheptel actuel s’est constitué à partir du troupeau initial – des Blanc-Bleu mixtes –, uniquement par acquisition de taureaux ou par recours à l’insémination artificielle. Au fil du temps, deux troupeaux se sont constitués: un viandeux qui comprend 110 à 120 vaches; le laitier, qui compte 80 à 90 vaches pie noir et pie rouge Holstein, soit un total de l’ordre de 200 vaches. Le cheptel total de la ferme compte quelque 400 têtes.

Immédiatement après la naissance, les veaux sont retirés de la mère et installés dans des niches à veaux. Les taurillons B-BB sont engraissés sur place et destinés à la vente dans les grandes surfaces. Les vaches B-BB partent vers des bouchers.

Notons que la production laitière est valorisée par la laiterie Coferme.

Lutter contre la volatilité des prix

Pour D. Coulonval, un des maux de l’agriculture actuelle n’est autre que la volatilité des prix. «Dans les autres secteurs de l’économie, les sociétés fonctionnent sur la base de contrats. Ce n’est pas le cas en agriculture, où le prix est décidé par l’acheteur. L’agriculteur manque de pouvoir de négociation.»

Pour lutter contre ce problème, il existe plusieurs moyens. La vente directe est le plus souvent citée. Toutefois, elle ne s’avère pas possible dans chaque exploitation et certainement pas pour celles se situant trop loin des centre-villes. Autre solution: accroître l’autarcie de la ferme, en recourant à la biométhanisation des engrais de ferme et de déchets agricoles, ce qui entraîne une diminution des achats d’engrais et d’énergie (électricité, chaleur).

Valoriser les effluents d’élevage

Cela fait longtemps que Daniel Coulonval s’intéresse à la biométhanisation agricole. Comme les Allemands se sont lancés massivement dans la biométhanisation, des grands progrès ont été accomplis depuis une bonne dizaine d’années. Il a ainsi visité de nombreuses stations et écouté les responsables qui n’hésitent pas à avouer les problèmes qu’ils rencontrent, et comment ils les résolvent.

Les évolutions de la technique, et la revalorisation des certificats verts pour la biométhanisation agricole, l’ont finalement décidé à franchir le pas.

Comme l’investissement est très élevé, il a créé une sprl pour séparer cette activité de celle de la ferme. Les banques, généralement frileuses devant de tels investissements,ont exigé au moins 20% de fonds propres dans l’investissement total. Ce dernier étant de 1,9 million d’euros, les apports de la sprl ont été complétés par des prêts de la Fondation Chimay-Wartoise et de la société d’investissement agricole de Wallonie (SIAW) pour avoisiner les 30% de l’investissement total. Le financement est quant à lui assuré par Crelan.

Les travaux sont en cours, et la mise en marche est prévue pour la fin de l’été, voire le début de l’automnne. Daniel Coulonval en donne les grands éléments. En premier lieu, il tenait absolument à limiter les transports, notamment pour tout ce qui est liquide: l’unité de biométhanisation devait se trouver près de la ferme. Cela n’a pas posé de difficulté pour le voisinage. La capacité du digesteur est telle que, dans les conditions actuelles, le temps de séjour des matières sera de 90 à 100 jours. Le digesteur peut donc faire face à un doublement de l’entrée de matières.

À l’intérieur du digesteur, deux axes horizontaux munis de pales vont assurer un brassage permanent. Les matières qu’il compte méthaniser sont les effluents d’élevage, du maïs, des herbes, et, éventuellement, du lactosérum provenant de la fromagerie de Chimay. Le biogaz, composé de méthane, de gaz carbonique, d’eau et de composés soufrés, est lavé avant d’être envoyé dans un moteur de 160 kW. Le moteur va assurer une cogénération d’électricité et de chaleur sous forme d’eau chaude. La production d’électricité correspond à la demande d’environ 350 ménages, l’eau chaude venant du refroidissement du moteur servira au séchage de bois de chauffage et charbon de bois. Un tonneau à lisier à pendillards complète les investissements.

Dernier point : les 3 cuves (le digesteur et les 2 cuves pour le stockage du digestat) sont partiellement enterrées. Les terres extraites ont été disposées en contrebas pour former un étang. La proximité d’une grande quantité d’eau est une exigence des pompiers. Des plantes aquatiques seront plantées dans la première partie de l’étang, dans l’optique d’une épuration des eaux blanches (eaux de laiterie).

Sur le plan financier, les prévisions tablent sur une marge de 110 à 120.000 euros par an, ce qui va permettre l’engagement d’un travailleur. Ce dernier point était une des conditions du prêt consenti par la Fondation Chimay-Wartoise.

J.F.

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