Au cœur du berceau charolais,
Pierre Resche se voue… à l’Aubrac!

Natif du Cantal où son frère a pris la tête de l’exploitation familiale, Pierre Resche a décidé de poursuivre lui aussi l’élevage de bétail Aubrac, mais en « s’expatriant » dans le département de l’Allier, en plein cœur de la zone… charolaise. Les deux frères sont associés en GAEC – groupement agricole d’exploitation en commun – et se répartissent les activités entre les deux sites d’exploitation distants de 165 km.

Installé à Lafeline, commune juchée à 400 m d’altitude, à une centaine de km au nord de Clermont-Ferrand, chef-lieu du Puy-de-Dôme, en région Auvergne-Rhône-Alpes, Pierre est aujourd’hui à la tête d’un élevage de 120 vaches mères de race pure Aubrac conduit dans un système naisseur – sélectionneur, extensif, et même bio depuis 8 ans.

Les 150 ha de surface agricole utile de son exploitation se répartissent entre 125 ha de prairies naturelles (pâturage et foin), 15 ha de prairies temporaires (préfané enrubanné) et 10 ha de céréales.

L’Aubrac « dans le sang »

« Ma famille élève des animaux de race Aubrac depuis 30 ans ; celle-ci représente 23 % du cheptel total des vaches paissant dans le Cantal. Je ne voudrais pas en élever une autre. Les vêlages se déroulent sans problème. Les veaux sont vifs à la naissance, les vaches sont très maternelles, faciles à élever et font preuve d’une grande sobriété alimentaire. Ces qualités apportent beaucoup de confort dans la gestion quotidienne de l’élevage et permettent de dégager du temps pour d’autres activités en saison hivernale », argumente notre hôte.

Et celui-ci d’assurer que son troupeau s’adapte forcément très bien dans le département de l’Allier puisque les conditions climatiques et fourragères y sont plus clémentes que dans le berceau géographique de la race. Les soins aux animaux sont assurés conformément au cahier des charges du mode de production bio.

Le bâti répond à la même « sobriété » avec une stabulation libre accueillant une centaine de têtes de bétail sur une aire paillée pendant l’hiver. Les animaux sont « au vert » durant tout le reste de l’année.

Premier vêlage à 3 ans

Les vaches font un veau par an. Près de 90 % des vêlages interviennent au cours des mois de novembre, décembre et janvier. Ce regroupement des naissances en hiver est caractéristique du mode d’élevage de l’Aubrac : conduite en estive – pâturage de montagne – ou dans les prairies de moindre altitude en été et mise à la reproduction des vaches en fin d’hiver.

« Au fur et à mesure du sevrage, les vaches peuvent passer quelques semaines à l’alimentation à la paille, sans souci. Cette petite période de « jeun » est même profitable avant le vêlage. En hiver, foin et enrubanné constituent la ration commune. » Notons que chaque année, pendant la période estivale, 15 à 18 vaches de réforme sont engraissées à l’herbe et au préfané.

Chez Pierre Resche, l’âge des mères au 1er vêlage est en moyenne de 36 mois. « C’est l’objectif que je poursuis de manière à obtenir des femelles bien développées au moment de leur premier veau. Je ne veux pas risquer, ne mettant les génisses plus tôt en reproduction, de devoir récupérer ultérieurement, via une complémentation, des retards de croissance chez les primipares. » Notons que celles-ci sont écornées avant le vêlage.

En pratique, les vaches rentrent à l’étable vers la fin novembre, au moment où commencent les premiers vêlages. À partir de la mi-février, les premières femelles commencent à sortir en prairies et sont mises aux taureaux. Les autres quitteront la stabulation au début avril.

Le poids des veaux à la naissance s’élève en moyenne à 39,9 kg. Les femelles sont élevées pour le renouvellement et l’accroissement du cheptel ou vendues pour la reproduction. Au sevrage, toutes les génisses sont transportées vers le site du Cantal où elles passent tout l’hiver, attachées, ce qui les rend moins farouches. Quant aux veaux mâles, à l’âge de 10 mois, ils sont vendus comme broutards en Italie, voire plus récemment aussi en Algérie. « Je ne garde que les meilleurs, pour la reproduction », assure l’éleveur.

« Sur le plan commercial, la situation assez centrale de l’Allier est propice en opportunités de marchés. Nos reproducteurs sont vendus un peu partout. La commercialisation est assez facile actuellement. Il y a beaucoup d’acheteurs pour les broutards Aubrac, à des prix identiques à ceux des autres races, ce qui atteste de l’amélioration qualitative des animaux et des bons résultats en aval », remarque Pierre.

Vente de génisses

L’activité prioritaire du GAEC est la vente de génisses (25 à 35 mois) pour la reproduction. « Nous nous efforçons de produire des femelles de qualité. En octobre, le prix de vente des génisses pleines s’affichait autour des 2.000 euros. Nous investissons aussi sur certains taureaux, en raisonnant taureaux à génisses, pour faire des vaches. »

Parmi les autres activités, relevons la participation aux concours régionaux et nationaux, de même que la mise en évaluation de veaux à la station raciale (au moins un chaque année).

Et le bio, un atout ?

La conduite de l’élevage en mode biologique ne présente pas que des aspects positifs, remarque Piette Resche. « Pour les quelques animaux qui partent à la boucherie, la valorisation en bio est un peu plus rentable. Ce mode de conduite ouvre également des marchés (en Angleterre, par exemple). Par contre, pour les broutards qui partent vers l’étranger, la valorisation est absente, or l’aliment bio distribué coûte très cher. Autrement dit, ce qu’on gagne d’un côté, on le perd un peu de l’autre. »

Une année

très difficile

Au final, notons que le département de l’Allier n’a pas échappé aux conditions climatiques très anormales subies cette année. « On a baigné dans l’eau jusqu’au 15 juin, et ensuite il a fait sec pendant de longs mois, avec des températures estivales caniculaires. Les vaches n’en ont pas trop souffert, même si au printemps les veaux n’ont pas connu la croissance souhaitée.

M. de N.

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