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À Libramont, la campagne «40 jours sans viande» fait l’unanimité contre elle

«Absurde», «ridicule», «désinformation»... les noms d’oiseaux n’ont pas manqué ce jeudi, à l’occasion du «Sommet des producteurs» à Libramont, contre la campagne «40 jours sans viande» qui invite les citoyens à réduire leur empreinte écologique en ne consommant pas de viande entre le 1er mars et le 15 avril.

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Elle ne figurait au programme d’aucune intervention des orateurs invités pour le premier «Sommet des producteurs» organisé à quatre mois de la traditionnelle Foire agricole de Libramont, mais la campagne «40 jours sans viande», venue de Flandre et qui a traversé cette année pour la première fois la frontière linguistique, était sur toutes les lèvres et a fait couler beaucoup de salive, se révélant en quelque sorte comme le fil rouge d’une journée consacrée aux changements climatiques en lien avec agriculture et sylviculture.

Dès le matin, c’est le ministre wallon de l’Agriculture, René Collin, qui a décoché les premières flèches, comme il avait déjà eu l’occasion de le faire il y a quelques semaines. «C’est une absurdité. Pourquoi pas 40 jours sans télévision, radio, sans voiture ou même sans sexe?», s’est interrogé, un brin provocateur, le ministre wallon, non sans rappeler la qualité de la viande wallonne et l’importance des circuits courts. M. Collin a déploré au passage la «désinformation» et «les idées erronées et volontairement fallacieuses» transmises dans le public. «On entend qu’il faut 15.000 litres d’eau pour produire un kilo de viande mais en réalité, c’est entre 20 et 50 litres. On parle de déforestation mais en Wallonie, on n’a pas arraché un are de forêt. Avec le mode d’élevage qui est le nôtre en Wallonie, on capte davantage de gaz à effet de serre qu’on en produit», a-t-il martelé.

La campagne «40 jours sans viande» a fait réagir jusqu’à l’Apaq-W (promotion des produits agricoles wallons), qui s’est fendue d’un communiqué épinglant «une campagne regrettable» qui est un «nouveau coup dur pour les éleveurs». Son patron, Philippe Mattart, a enfoncé le clou jeudi à Libramont en estimant que manger du bœuf argentin, par exemple, pour marquer la fin de la campagne de 40 jours sans viande, serait «illogique et même immoral» vu les conditions de culture intensive de ce type de viande et le transport qu’elle nécessite pour arriver jusque dans nos assiettes.

Cette campagne n’a pas non plus laissé la Fédération wallonne de l’agriculture (Fwa) indifférente, elle qui a lancé, il y a plusieurs semaines déjà, une campagne intitulée «40 jours pour soutenir nos agriculteurs» appelant à une consommation de produits «de la région, de saisons, faits maison». Chiffres à l’appui, la Fwa entend démontrer que la consommation de viande wallonne n’est pas nuisible à l’environnement, les animaux élevés en Wallonie l’étant essentiellement en plein air, de manière extensive. En outre, plus de 40% de la surface agricole utile en Wallonie est composée de prairies permanentes, qui s’avèrent d’importants puits de carbone. «La campagne 40 jours sans viande a généré une réaction épidermique parmi de nombreux agriculteurs mais aussi parmi de nombreuses organisations proches du monde agricole. La première réaction des éleveurs n’a pas été une crainte par rapport à une baisse des prix de la viande ou par rapport à leur portefeuille mais ils ont avant tout ressenti une atteinte à leur dignité en tant qu’éleveurs qui produisent pour nourrir la société», constate Marie-Laurence Semaille, conseillère au service d’études de la Fwa. Et la conseillère à la Fwa de considérer que «le message de la campagne 40 jours sans viande n’est pas cohérent et ne tient pas la route d’un point de vue environnemental» en regard de l’élevage pratiqué en Wallonie. On estime que l’agriculture, qui occupe environ 50% du territoire wallon, est responsable de 10% des émissions de gaz à effet de serre en Wallonie.Tous les intervenant du «Sommet des producteurs» se sont accordés pour dire que l’agriculture doit apporter sa pierre à la lutte contre le réchauffement climatique même si elle n’est pas, loin s’en faut, l’activité la plus émettrice de gaz à effet de serre.

(Belga)

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