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Le bail à ferme: valable pour une prairie utilisée par un marchand de bestiaux?

Un marchand de bestiaux nous loue depuis des années une prairie afin d’y faire pâturer les bêtes qu’il achète avant de les revendre. Cette année, nous souhaitons vendre l’herbe à une autre personne mais le marchand n’est pas d’accord et se met sous la protection de la loi sur le bail à ferme. A-t-il raison ?

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Le bail à ferme est un régime légal pour la location de biens immobiliers à un agriculteur. C’est dans ce cas, qu’en principe, la loi sur le bail à ferme s’applique. L’article 1 de la loi sur le bail à ferme stipule, sous l’application de la présente section, que les baux de biens immeubles, soit dès l’entrée en jouissance du preneur, soit de l’accord des parties en cours de bail, sont affectés principalement à son exploitation agricole, à l’exclusion de la sylviculture. Par « exploitation agricole », on entend l’exploitation de biens immeubles en vue de la production de produits agricoles destinés principalement à la vente.

La loi sur le bail à ferme s’applique uniquement à un agriculteur indépendant ayant l’agriculture comme profession principale ou accessoire.

Tant le caractère économique de l’exploitation agricole que le caractère professionnel de l’activité agricole doivent être prouvés.

Exploitation agricole

La loi donne donc une définition de la notion d’exploitation agricole, mais cette notion est également complétée par la jurisprudence. Voici un résumé des jugements les plus pertinents dans votre cas.

Selon le Juge de Paix de Verviers, le bail à ferme suppose une activité professionnelle, même accessoire, de culture, d’élevage, d’horticulture tendant à la production de fruits naturels à finalité alimentaire et destinée au marché et à la vente et qui, par une rentabilité nécessaire, assure à l’exploitant des revenus qui ne soient pas dérisoires ou incertains(J.P. Verviers, 15 juin 2000, At. Jur. Baux2000, 109)

Selon le Tribunal de premier instance, un locataire de pâtures qui exerce à titre principal l’activité de marchand de bestiaux ne peut se prévaloir de la législation sur les baux à ferme en invoquant sa qualité concurrente d’éleveur, lorsqu’il n’établit pas l’exercice d’une profession d’agriculteur distincte de celle de commerçant et l’affectation des biens à une exploitation agricole, faute notamment de produire les documents fiscaux justifiant une imposition de ce chef ou encore les cartes d’identification du bétail permettant de vérifier si l’utilisation des pâtures n’est pas seulement l’accessoire de son négoce (Civ. Huy, 4 octobre 1995, J.L.M.B. 1995, 1658).

Dans le même sens le Tribunal de premier instance de Tournai a décidé que bien que l’élevage d’animaux puisse être considéré comme étant une exploitation agricole, la loi du 4 novembre 1969 modifiant la législation sur le bail à ferme et sur le droit de préemption en faveur des preneurs de biens ruraux exige qu’il s’agisse d’un élevage d’animaux utiles à l’agriculture. L’exploitation agricole suppose en effet la production de produits destinés principalement à la vente. (Civ. Tournai, 7 juin 1994, Rev. dr. rur.1995, 185).

Accessoirement ?

Exercée accessoirement à une autre profession, l’activité agricole doit conserver un caractère civil (Comm. Termonde (sect. Saint-Nicolas), 15 avril 1999, Rev. dr. rur., 1999, pp. 172-174). Il n’est pas interdit à un marchand de bêtes ou à un boucher d’exercer en outre une activité agricole complémentaire, si cette activité conserve ses signes distinctifs.

Ainsi ne suffit-il pas, pour que la loi sur le bail à ferme trouve à s’appliquer, que des prairies louées par un marchand de bêtes soient utilisées pour l’élevage et que les bêtes soient destinées à être vendues sur le marché, si l’élevage en question est, en fait, subordonné au commerce de bêtes. Il suit de l’article premier que, lorsqu’un bien rural est utilisé dans un but compatible avec l’agriculture, la loi sur le bail à ferme ne s’applique pas si cette utilisation n’est pas principale, mais seulement subordonnée à une entreprise non-agricole. (Renier, P., Titre IV. Les baux à ferme, dans X. Les baux. Commentaire pratique.)

Pour le marchand de bestiaux dont vous parlez, il n’y aura pas de bail à ferme vu qu’il n’exploite pas une exploitation agricole.

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