Ingénieur.e.s Colum-bio

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Décidément, cette année 2021 n’a pas fini de nous surprendre ! L’agriculture est encore et toujours placée sous mille feux de projecteurs. On lui demande tout et n’importe quoi : nourrir le monde -bien et pas cher –, être un acteur de premier plan dans la résolution du défi climatique, restaurer la biodiversité mise à mal par TOUTES les activités humaines, constituer un rouage important de l’économie -à la fois moteur et variable d’ajustement. Dans le grand théâtre de la comédie humaine, on lui assigne également, tant qu’à faire, le rôle du bouc émissaire, du baudet de la fable coupable de tous les péchés : je parle ici de l’agriculture conventionnelle… On oppose à celle-ci l’agriculture biologique, la seule respectable, la vedette qui fait le « buzz », la plus sympathique et la plus vertueuse ! Le bien et le mal, la réussite et l’erreur, le noir et le blanc, le Ciel et l’Enfer. Les gens ont une vision binaire de notre agriculture, comme les deux faces d’une même lune, l’une éblouie, l’autre toujours cachée.

Dans les médias, la semaine consacrée au bio a dardé son acuité sur cette dichotomie, encore et encore… Au CRA de Libramont, rien de tout cela, lors de ce mardi 8 juin ! Nous étions entre « cultos », parmi ces jeunes chercheuses et chercheurs sans parti pris, engagés dans une multitude de travaux d’études et d’analyse. Leur bonne volonté est évidente, même si leurs expériences peuvent parfois faire sourire les « vîs vatchîs » (les vieux paysans) comme nous, coincés parfois hélas dans nos certitudes. Le CRA wallon dispose de 400 collaborateurs : professeurs, étudiants, doctorants, employés, techniciens… Ses expertises et ses analyses reposent sur des socles solides ; ils ne sortent pas d’esprits fabulateurs et trop imaginatifs. En deux mots comme en cent, le CRA ne raconte pas des « craques ».

La matinée à Libramont était consacrée à la visite d’essais de systèmes de production innovants en agriculture biologique. Leurs expériences et analyses tournent autour de trois axes de recherches : laboratoire, étude systémique (sur le terrain, avec ses acteurs), extrapolation holistique (vision d’un problème dans sa globalité sociétale, économique et écologique). « Systémique », « holistique » : les intellos ont de ces mots… rigolos ! Sujet du jour à Libramont, l’agriculture biologique engendre de multiples énigmes à résoudre, aussi compliquées que les enquêtes policières de Colombo ! Une étude en laboratoire peut dégager des solutions, mais il faut ensuite confronter celles-ci aux réalités du terrain. Le boulot n’est pas terminé, car la réponse trouvée en labo, validée au champ et en étable tiendra-t-elle la route du point de vue « durabilité » ? Les autres maillons de la chaîne alimentaire -en amont et en aval- sont-ils prêts à participer à emboîter le pas ? Les pouvoirs publics vont-ils soutenir certaines initiatives et reconversions ? Les consommateurs accepteront-ils de consacrer une part plus importante de leur pouvoir d’achat dans la nourriture, pour manger « bio » par exemple ?

L’approche systémique des expérimentations coule de source, car l’environnement d’un labo est très différent des conditions de terrain. L’approche holistique, la vision d’un problème dans sa globalité, apporte ce supplément d’âme et de pertinence dans la démarche de recherche des ingénieur.e.s et étudiant.e.s Colum-bio. Cela ne sert à rien de trouver une solution fort séduisante, si celle-ci est irréalisable par les agriculteurs du point de vue financier ou pratique, si les réalités régionales de terrain ne collent pas ou si les consommateurs ne suivent pas en bout de filière. Les gens du CRA partent du sol et de sa fertilité, de ses paramètres physiquo-chimiques et de la vie qui l’anime. Ils étudient ensuite les végétaux à cultiver, puis le conditionnement, l’utilisation de ceux-ci dans l’alimentation animale ; puis l’animal est étudié jusqu’à l’étal du boucher, la poêle à frire ou la grille du barbecue. Dans le cadre de l’élevage viandeux bio, exemple emblématique, ils ont testé la race Blanc-Bleu-Belge mixte, sa capacité d’ingestion et de transformation, ses rendements « carcasse », ses qualités maternelles, les difficultés dues à la surveillance des vêlages, assorties de solutions. Notre bonne vieille race wallonne est tout aussi performante, sinon bien davantage, que les races françaises à poils roux !

Les systèmes de production sont passés à la loupe, depuis la terre arable jusqu’au pot-au-feu du dimanche midi. Leur démarche est magique et très positive pour l’agriculture ! Mardi, -ô stupeur !- j’ai découvert un prototype absolument fascinant, une sorte de mini scanner qui analyse la teneur d’un fourrage par un simple passage au-dessus d’un échantillon ! Il donne le taux de matière sèche, la digestibilité, les valeurs en énergie, les teneurs de protéines ! Fabuleux ! Dans une autre vie, à vingt ans, je me verrais bien grattouiller le sol à la recherche de vers de terre et de carabes, mesurer les émissions de méthane des ruminants, étudier les collemboles et les mycorhizes au microscope, planter dans des petits pots toutes sortes de combinaisons de plantes fourragères. « Goo goo, goo goo, goo good job ! » chantait John Lennon en 1967 dans « I am the Walrus ».

Chouettes personnes et chouette boulot, chez ces Colum-bioingénieur.e.s du CRA-W !

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