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Chronique d’une souffrance annoncée

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La guerre se joue aux portes de l’Europe. Ses conséquences s’y font déjà ressentir. Pour tenter de répondre aux défis que ce conflit nous impose, plusieurs dizaines de fédérations actives de près ou de loin dans l’industrie agroalimentaire se sont réunies, voici quelques jours, au SPF Économie, dans le cadre de la task-force « Ukraine » afin d’assurer un suivi des conséquences directes et indirectes des difficultés rencontrées par le secteur primaire, la transformation.

« Le but est d’être au plus près des réalités de terrain » a indiqué le ministre fédéral de l’Économie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne, de tenir compte des répercussions sur la chaîne agroalimentaire et d’avoir une réponse « la plus pointue et appropriée possible » aux différents problèmes qui commencent à se manifester a poursuivi le ministre fédéral de l’Agriculture, David Clarinval.

Il faut savoir que le travail a déjà débuté voici plus d’un mois à l’initiative du SPF Économie qui effectue un monitoring « quasi quotidien » en lien avec les administrations, les différents secteurs économiques du pays, et le Centre de crise, afin de pouvoir faire face à une éventuelle pénurie de biens de première nécessité.

Il faudra dans un proche avenir trouver des produits de substitution avec « tout ce que cela implique au niveau réglementaire, normatif, de protection des consommateurs » a averti M. Dermagne tandis que la secrétaire d’État à la Protection des consommateurs, Eva De Bleecker, abordait la problématique de l’étiquetage des produits – et sa nécessaire flexibilité – qui pourrait prendre une envergure internationale dans la mesure où bon nombre de sociétés agroalimentaires belges sont tournées vers l’exportation. Il s’agit d’une dimension à ne pas sous-estimer quand on apprend que la fabrication de nouvelles étiquettes pourrait nécessiter plusieurs mois…

Mais le secteur agricole n’a pas attendu l’invasion de l’Ukraine pour s’enfoncer dans la crise, lui qui faisait déjà les frais de l’impact de la pandémie sur la chaîne de production. C’était hier, et l’on était aux prises avec la hausse des prix de l’énergie, les difficultés de transports, les goulots d’étranglement dans l’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs. Il lui aura également fallu composer avec les répercussions des bouleversements climatiques, la production agricole ayant souffert des sécheresses de l’an dernier en Amérique du Nord et des inondations en Europe.

Il n’y a pas (encore) de pénurie physique. Par contre, le risque d’une pénurie économique est lui réel, car les prix et coûts de production explosent et placent les entreprises (agricoles et alimentaires) dans des situations de trésorerie inquiétantes. Fevia annonce des réductions/suppressions de chaîne de production devenues non rentables. Au niveau des agriculteurs, la situation est catastrophique : engrais, aliments, énergie, emballages… tout augmente. L’ensemble de la filière est fragilisé et se tourne vers Comeos pour augmenter les prix, en vue d’une transmission juste des coûts et des marges.

S’extirper de cette spirale négative ne sera malheureusement pas aisé. En raison du cycle de la production agricole qui s’étend sur plusieurs saisons, on a là, réunis, tous les ingrédients non seulement d’une flambée des prix, mais aussi d’une crise alimentaire qui menace de durer longtemps.

Marie-France Vienne

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