Indéniablement, la Wallonie dispose d’atouts en matière de tourisme vert : randonnées, gîtes, parcs naturels, forêts… Un potentiel que bon nombre de nos concitoyens ont découvert (ou redécouvert) durant la crise sanitaire et, peut-être un peu plus encore, à l’occasion des épisodes de confinement qu’elle a engendrés. Ne sont plus rares ceux qui envisagent désormais de passer un week-end ou leurs vacances au sein même de notre Région. Les activités récréatives liées à la ruralité s’étoffent donc de plus en plus.
À ce titre, les promeneurs, randonneurs, cyclistes, joggeurs…, qu’ils soient occasionnels ou réguliers, sont également de plus en plus nombreux. « En corollaire, les dérives et incivilités suivent la même tendance », dénoncent plusieurs associations de propriétaires réunies au sein du « Collectif ruralité ». Et d’appuyer leur propos par le fait qu’un nombre croissant de leurs membres dénonce « des comportements inadéquats, inciviques, excessifs, voire, dans les cas plus extrêmes, violents ».
Manque de considération du bien d’autrui
« Notre région est un des plus peuplée et urbanisée d’Europe. La répartition des activités humaines sur le territoire doit être aménagée dans un esprit de cohabitation et de respect de chacun. En effet, les zones rurales accueillent également des activités professionnelles agricoles et forestières, de nombreux habitants et une faune et une flore riches qui ont besoin de calme et de quiétude. L’organisation des activités de chacun doit donc se faire en harmonie entre tous les acteurs, dans le respect de toutes et tous », détaille Philippe de Wouters, directeur de la Société royale forestière de Belgique.
Or, le « Collectif ruralité » estime que ces notions de respect et de cohabitation ne sont plus systématiquement de mise. Et Bernard de Gerlache de Gomery, président de l’Association royale des demeures historiques et jardins de Belgique, d’ajouter : « Depuis quelque temps, un certain activisme tente de modifier les règles d’usage actuelles et jette le doute sur les itinéraires et les règles de circulation en milieu rural auprès des communes et des usagers. Cela n’est, également, pas sans impact sur la quiétude des lieux ».
Les associations dénoncent le fait que certains usagers piétinent des semis et jeunes plantations forestières (bien que ce ne soit pas toujours volontaire), effarouchent le bétail en traversant des prairies, laissent leur chien courir dans les prairies et forêts au risque d’effrayer les animaux y vivant, arrachent des panneaux signalant des propriétés privées, endommagent des clôtures… Bref, selon les dires du collectif, certains usagers ne se soucient guère du bien d’autrui. Et ce n’est pas l’intensification des activités socio-récréatives qui va arranger la situation, malgré l’existence de plusieurs lois et règlements.
Le « Collectif ruralité » dénonce encore que « certaines associations, notamment actives dans la mobilité douce, diffusent de fausses informations sur les règles de circulation auprès des promeneurs et se permettent de dénigrer la propriété privée ». Il craint encore que « ces comportements favorisent le recours à la violence et à la justice privée ».
Harmonie et paisibilité, dans le respect des lois
« Aujourd’hui, nous sommes favorables à la cohabitation de toutes et tous en milieu rural, tant professionnellement que socialement, mais cela ne peut se faire que dans le respect strict des lois », enchaîne Séverine Van Waeyenberge, secrétaire générale de l’Association des propriétaires ruraux de Wallonie (NTF). Le collectif y voit, là, une condition sine qua non pour que règnent harmonie et paisibilité dans les campagnes et forêts wallonnes.
Son association, comme les dix autres, est d’ailleurs convaincue que la majorité des usagers agit de bonne foi et ne cherche pas le conflit. C’est pourquoi elles favorisent l’usage de panneaux didactique (voir photo) et incitent leurs membres à se montrer pédagogues vis-à-vis des promeneurs et autres cyclistes empruntant un chemin qui ne leur est peut-être pas destiné.
Toutefois, face aux dérives de certains, le « Collectif ruralité » rappelle que « tout propriétaire peut clôturer son bien et mettre des panneaux d’interdiction d’accès à sa propriété », que « nul ne peut être dépossédé de sa propriété privée sans être exproprié légalement et avec indemnisation » et ajoute que « la forêt publique et privée est accessible au public uniquement sur les chemins et sentiers et conformément aux balisages ».
Les partenaires insistent fortement sur le fait que « seules les communes sont compétentes pour créer, confirmer, supprimer, déplacer des voiries communales » et que « nul ne peut se faire justice à lui-même, personne ne peut détruire ou arracher des clôtures ou des panneaux ». « En cas de doute quant à la nature d’une voirie, il convient de s’adresser à la commune », ajoutent-ils.
Des revendications adressées aux autorités
« Nous souhaitons, outre le respect des lois, que la Région wallonne dresse une cartographie des chemins et sentiers accessibles au grand public et poursuive son travail de balisage, également en terrain privé moyennant l’accord des propriétaires », continue Frédéric Petit, président de NTF. L’objectif, ici, est d’éviter les intrusions intempestives dans les propriétés privées.
« Les communes, seules compétentes en la matière, doivent disposer de moyens suffisants pour mettre à jour leur réseau de voiries communales et organiser un processus légal et démocratique d’actualisation de ces voies publiques », insiste-t-il encore. M. Petit constate, en effet, que certaines communes ont entamé ces démarches d’actualisation mais manquent des moyens nécessaires pour les compléter et les terminer. Par ailleurs, ces mises à jour doivent être accessibles à tout un chacun, afin qu’il ne règne aucune ambiguïté quant à la possibilité d’emprunter tel chemin ou tel sentier.
Cette actualisation, couplée à la mise en place de la cartographie officielle susmentionnée, apparaît d’autant plus nécessaire qu’à la situation décrite par le « Collectif ruralité » s’ajoutent les éléments suivant. D’une part, l’Atlas de voiries vicinales, censé référencer l’ensemble des chemins et sentiers wallons, date de 1841 et ne reflète plus la réalité du terrain. D’autre part, le décret sur la voirie communale, pris en 2014 par le Gouvernement wallon, prévoyait la réalisation de ladite cartographie officielle mais ne peut entrer en vigueur. En effet, l’arrêté d’exécution nécessaire à son application demeure inexistant…
Le « Collectif ruralité » se compose de onze associations, aux objectifs divers, qui se sont ici rassemblées autour d’un plaidoyer commun. On y retrouve : l’Association des propriétaires ruraux de Wallonie, la Fédération wallonne de l’agriculture, la Fédération de l’industrie extractive et transformatrice en Belgique, le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires, l’Association royale des demeures historiques et jardins de Belgique, la Société royale forestière de Belgique, la Fondation wallonne pour la conservation des habitats, le Royal Saint-Hubert Club de Belgique, la Confédération belge du bois, la Fédération nationale des experts forestiers et l’Union des agricultrices wallonnes.
La plate-forme de promotion de la mobilité douce/active, en désaccord avec plusieurs points défendus par le « Collectif ruralité », rejoint ce dernier en ce qui concerne le déroulement de la promenade en harmonie et de façon paisible dans le respect par tous des lois existantes. Et d’ajouter : « y compris par les propriétaires qui ferment indûment des chemins de l’atlas ou des chemins où le public circule librement depuis 30 ans ». Elle ne remet pas non plus en cause le principe de l’expropriation préalable avec indemnisation, les panneaux d’interdiction d’accès sur des propriétés privées sauf s’ils se situent sur des servitudes publiques de passage et la compétence des tribunaux pour régler les conflits dans les limites fixées par la loi.
Ladite plate-forme plaide aussi pour une cartographie wallonne claire et non contestée des sentiers ouverts au public. « Cela implique la révision de l’atlas, en tenant compte des situations juridiques existantes, laquelle révision a cependant un coût difficile à assumer à court terme par les communes. », ajoute-t-elle. Elle estime, par ailleurs, impensable la mise en place d’un site des chemins et sentiers « non contestés ». « Les sentiers contestés qui sont à l’atlas doivent faire partie des voiries figurant sur le site officiel car il serait, sinon, trop facile pour les propriétaires peu scrupuleux de contester un sentier pour le voir disparaître du site officiel. »
« Les communes doivent exercer leur rôle de gestionnaire de la petite voirie non pas « en toute indépendance » comme le demande le « Collectif ruralité » mais selon les exigences décrétales, c’est-à-dire sans pouvoir considérer que la défense et l’entretien de la petite voirie, pourtant inscrits dans les missions obligatoires des communes, ne font pas partie de leurs priorités ou coûtent trop cher », conclut-elle.