Depuis quelques mois, les campagnes bruissent de rumeurs et autres supputations quant à la construction d’une nouvelle sucrerie en Wallonie… par et pour les betteraviers en Wallonie. Un an après le début de leur étude, l’heure est venue pour les porteurs du projet, dirigeants de l’Association wallonne des betteraviers, Jean-Jo Rigo, David Jonckheere et Michel Pecquereau, de faire toute la clarté sur cette « révolution » dans le secteur sucrier belge. « Cette initiative ne vient pas en opposition aux groupes industriels en place, mais entend permettre aux planteurs de prendre part à la plus-value de la transformation de leurs betteraves ! » Une révolution, on vous le dit !
Pour les agriculteurs
Jean-Jo Rigo : « Pour cette nouvelle usine, l’ABW recherche 20.000 ha de betteraves supplémentaires en Wallonie. Nous sommes des champions de cette culture en Europe, nous avons la garantie de pouvoir fournir une production homogène au fil du temps même dans le contexte du réchauffement climatique. Nous souhaitons pérenniser et revaloriser la culture betteravière et espérons aussi que ce projet très ambitieux donnera un coup de pouce à la rentabilité chez nos voisins et pourquoi pas aussi celle des autres cultures. C’est peut-être un peu idéaliste mais est-ce un mal ? »
Ce lundi à Nivelles, le moment était venu de la première présentation officielle de ce projet de construction et d’exploitation d’une nouvelle sucrerie à Seneffe. Les quelque 500 agriculteurs qui s’étaient déplacés pour l’occasion n’ont pas été déçus !
Pérenniser la culture !
« Pour préserver un avenir à nos betteraviers, il faut pouvoir leur assurer une rémunération attractive, impliquant des usines pérennes, performantes… et partageant la valeur ajoutée de la transformation.»
Voilà pourquoi l’ABW a décidé d’étudier la possibilité de mieux rencontrer ces conditions en construisant et en exploitant directement une nouvelle usine. « L’objet est donc de proposer aux planteurs d’être propriétaires de l’outil de transformation de leurs propres betteraves. » Pour réaliser une étude d’une telle ampleur, l’association a fait appel à un bureau de consultance en stratégie et finance, Innovity, basé à Louvain-la-Neuve. Plusieurs personnes s’y déploient à temps plein, sous la direction de Jean-François Gosse.
Tensions inédites
L’abandon des quotas, effectif depuis le 1er octobre, accentue le processus de libéralisation et ouvre un nouveau champ concurrentiel dans le secteur sucrier. « On le constate déjà aujourd’hui : anticipant cette absence de contrainte, les volumes contractés entre planteurs et industriels sont en hausse de 15 % (qui pourraient découler en une hausse de production de 20 % en raison d’une météo favorable), les « frontières » entre Etats-membres sont ouvertes, le prix du sucre baissier se montre encore plus volatil, la concurrence commerciale se durcit entre industriels… et, phénomène nouveau, les rapports entre planteurs et sucriers se tendent de manière significative », observe M. Gosse.
Aux mains des agriculteurs, hyper performant et un meilleur prix
L’association des betteraviers wallons a posé au consultant Innovity trois conditions impératives au lancement de ce projet.
1. L’actionnaire majoritaire de la nouvelle usine doit être une coopérative agricole ;
2. La nouvelle sucrerie doit être la plus performante possible sur les plans économique – de manière à résister aux deux grands risques que sont la baisse du prix du sucre et/ou la hausse du prix de l’énergie – mais aussi environnemental.
3. Le nouvel outil n’a pas vocation à maximiser son profit pour ses actionnaires, mais doit conserver une partie limitée de ses bénéfices par prudence et pour permettre des investissements complémentaires… et doit intégrer dans le prix d’achat de la betterave tout le solde de sa marge de transformation des racines en sucre.
À Seneffe, au cœur du Hainaut !
La localisation doit répondre i
« Le transport est une donnée majeure sur le plan économique et environnemental : c’est le 2e coût le plus important (8,9 millions d’euros) de l’usine projetée après l’achat des betteraves. Distance d’approvisionnement moyenne : une quarantaine de km pour l’usine projetée, contre 50 km pour la RT et 65 km pour Iscal », poursuit M. Gosse.
Sur la base de ces trois critères, l’usine s’étendrait sur 14 ha de terrain industriel dans le zoning de Seneffe-Manage qui dispose de trois atouts majeurs au-delà de l’absence d’habitations proches ;
– à 2 km d’un quai de déchargement public, sur le canal Bruxelles-Charleroi qui peut potentiellement optimiser le transport des pierres à chaux et du coke ;
– à 10 km de la plateforme Garocentre trimodal (un grand canal, 2 voies ferrées et une voie routière), optimale pour les expéditions par containers : des péniches partent 3x par semaine vers Anvers, ville centrale dans l’exportation du sucre ; un accès au rail, également utilisé pour le transport du sucre ;
– à proximité immédiate de la E42 et à proximité ;
– à 3 km de la canalisation mère de Fluxis (utile pour le process industriel retenu qui nécessite du gaz à haute pression).
Les meilleures parmi les technologies éprouvées
Retenues avec toute l’expertise de la société De Smet Engineers & Contractors, ensemblier industriel de projets clé-en-main dans les domaines agro-industriels du sucre notamment, l’usine fera la différence à travers quatre caractéristiques majeures : une centrale de cogénération de type turbine-gaz-capeur (TGV), pression : 60 bars, produisant des calories et de l’électicité ; un sécheur de pulpes à vapeur pour 70 % des pulpes ; des capacités de stockage énormes = 80 % de la production de sucre, soit 130.000 t ; et enfin, une mini-campagne pour 25 % du sucre (jus dense).
« D’où une consommation d’énergie significativement plus faible que celle des meilleures sucreries, et en plus, l’usine de Seneffe séchera les pulpes. Concrètement, elle ne consommera que 674 kwh par tonne de sucre produit ! »
La société De Smet estime le coût de la construction de l’usine à 286 millions d’euros, auquel il faut ajouter les coûts d’acquisition des terrains, l’équipe en charge du projet et de son suivi, les investissements périphériques, etc.
Pour établir le prix d’achat de la betterave, « on a travaillé à l’envers par rapport à un business plan classique » ; c’est la variable de sortie.
Et voici la proposition de participation !
En cette fin décembre, l’Abw invite les producteurs à s’exprimer, à ce stade, sans le moindre engagement, sur leur intérêt pour ce projet et le cas échéant sur leur intention d’y participer financièrement. De cet intérêt et de l’engagement qui seront signifiés par les agriculteurs dépend l’issue du projet : arrêt ou poursuite et construction de la nouvelle sucrerie ! L’enjeu est de taille ! C’est au courant du mois de mars 2018, que sera déjà prise cette décision majeure
Dans l’avant-projet de la structure de contrôle et de financement, le pacte d’actionnaires se présente comme suit :