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Peste porcine africaine: «Les efforts entrepris portent leurs fruits… mais il reste du chemin à parcourir»

Voici près d’un an que le virus de la peste porcine africaine a été identifié sur des carcasses de sanglier, en province de Luxembourg. Si la maladie est encore présente dans la région à l’heure actuelle, les mesures prises par les autorités ont néanmoins permis de limiter sa progression à un périmètre restreint. Les acteurs de terrain se concentrent désormais sur l’éradication de l’agent pathogène, une étape cruciale pour éviter que la maladie ne devienne endémique en Belgique.

Temps de lecture : 7 min

Responsable de plusieurs crises sanitaires importantes dans le monde, le virus de la peste porcine africaine (PPA) n’est pas totalement inconnu en Belgique. Celui-ci avait déjà fait une incursion en Flandre en 1985, entraînant l’abattage de 35.000 porcs. Les analyses menées à l’époque avaient démontré que le virus provenait d’Espagne.

Son retour en force, près de 35 ans plus tard, a été confirmé le 13 septembre dernier suite à la découverte de plusieurs carcasses de sanglier suspectes dans la région de Buzenol, en province de Luxembourg. « Malheureusement, il ne s’agissait pas des premiers sangliers contaminés… La maladie était déjà bien implantée avant cette découverte, ce qui complique son éradication », déplore Annick Linden, membre du Comité stratégique PPA et responsable du Réseau de surveillance sanitaire de la faune sauvage.

La Belgique a réussi à conserver son statut de pays indemne de PPA chez les porcs domestiques.

L’origine de ce nouveau foyer est inconnue mais serait accidentelle. Plusieurs pistes sont évoquées : introduction illégale de sangliers infectés sur le territoire wallon, abandon d’aliments contaminés par des routiers ou travailleurs saisonniers, ou encore passage en forêt de touristes ou chasseurs dont les véhicules ou équipements étaient contaminés. L’enquête judiciaire ouverte à l’automne dernier tentera d’apporter une réponse à cette question.

« Tout est fait pour éviter la propagation du virus »

Suite à cette découverte, la Belgique a perdu son statut de pays indemne de PPA chez tous les suidés. Elle ne le récupérera que 12 mois après que le dernier cas de contamination ait été identifié. Elle conserve néanmoins son statut de pays indemne de PPA chez les porcs domestiques et sauvages captifs.

Plusieurs mesures visant à minimiser la dispersion de la maladie dans les populations de sangliers, à éviter son introduction dans les élevages de porcs et à l’éradiquer ont été prises par les autorités fédérales et régionales, en collaboration avec l’Union européenne.

Ainsi, la région touchée a été découpée en trois zones opérationnelles : zone noyau, zone tampon et zone d’observation renforcée. Toutes trois sont placées sous des règles précises en ce qui concerne la circulation en forêt (que ce soit à des fins de loisirs ou professionnelles), la chasse et l’éradication des sangliers ou encore la recherche et l’analyse de carcasses. Ces trois zones sont ceinturées par une zone de vigilance, soumise elle aussi à des règles strictes. « Ce zonage simplifie bien entendu les opérations de terrain mais aussi les échanges internationaux avec nos partenaires commerciaux. »

En outre, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire a pris diverses mesures quant au rassemblement et au transport des porcs. 4.000 animaux sains ont aussi été abattus, par précaution, dans les élevages situés au cœur de la zone contaminée.

Au centre de collecte, des échantillons sont prélevés sur chaque carcasse  en vue de confirmer, ou non, leur contamination par le virus.
Au centre de collecte, des échantillons sont prélevés sur chaque carcasse en vue de confirmer, ou non, leur contamination par le virus. - J.V.

De leur côté, les agents du Demna (Département de l’étude du milieu naturel et agricole) et du DNF (Département Nature et Forêt) sont en première ligne pour mener à bien les opérations de recherche des carcasses. Celles-ci doivent en effet être évacuées au plus vite, afin de diminuer la charge virale dans l’environnement. « Ceci est d’autant plus important que l’agent pathogène survit plusieurs mois sur un cadavre virosé », insiste Mme Linden. Tout sanglier retrouvé mort est extrait du milieu par la Protection civile et conduit avec précaution au centre de collecte des carcasses installé à Virton depuis début octobre. Enfin, le sol sur lequel gisait l’animal est désinfecté pour minimiser les risques de dispersion du virus.

À Virton, des échantillons sont prélevés sur les carcasses par des vétérinaires de l’Université de Liège. Ils sont envoyés au laboratoire de référence Sciensano, à Bruxelles, où sont menées les analyses confirmant ou non l’infection par la PPA.

La même opération de prélèvement est menée sur les sangliers abattus par les chasseurs dans le cadre du plan de lutte. « Pour éviter la dispersion du virus et son introduction dans les élevages, ceux-ci ont préalablement été informés et sensibilisés par le Service public de Wallonie. Ils ont également été formés aux bons gestes à adopter lors des opérations d’éradication des suidés et d’évacuation et transport des carcasses potentiellement contaminées », précise-t-elle.

Enfin, les dépouilles, ou du moins ce qu’il en reste, sont remises à Rendac qui les achemine jusqu’à son clos d’équarrissage de Denderleeuw et les y élimine. « La Région wallonne a loué un camion spécialement à cet effet. Les carcasses ne sont pas transportées par un véhicule qui se rend habituellement en ferme. »

Confiner pour éradiquer

Un certain nombre de mesures de confinement ont été prises dans les semaines et mois qui ont suivi la découverte du foyer de PPA. Ainsi, un réseau de 180 km de clôtures a été installé. Il entrave le déplacement des animaux, en vue de freiner l’extension spatiale du virus. Il facilite aussi les opérations de dépeuplement menées par les chasseurs, en évitant une recolonisation du milieu. L’état du réseau est fréquemment contrôlé, et les réparations nécessaires sont effectuées.

Les mesures en vigueur ont permis d’éviter l’introduction du virus dans les élevages,  mais ont nécessité l’abattage de plus de 4.000 porcs sains dans la zone contaminée.
Les mesures en vigueur ont permis d’éviter l’introduction du virus dans les élevages, mais ont nécessité l’abattage de plus de 4.000 porcs sains dans la zone contaminée. - J.V.

« Le réseau n’est pas étanche, notamment en raison des axes routiers et sentiers traversant la zone. Mais il assure une excellente fonction de « casse vitesse ». Il permet de limiter les « fuites » de sangliers vers d’autres zones. »

En parallèle, un vide sanitaire est établi dans les zones d’observation renforcée et de vigilance, en y éradiquant tous les sangliers. Ainsi, les chances qu’un animal contaminé quitte les zones noyau ou tampon et rencontre un individu sain avant de mourir sont minimisées. Cette opération requiert la participation d’un maximum de chasseurs dans les territoires concernés des zones d’observation renforcée et de vigilance. Au sein des zones tampon et noyau, la destruction des sangliers a été placée sous contrôle de l’administration. « Les agents du DNF et les chasseurs concernés ont suivi une formation de biosécurité leur apprenant, notamment, comment emballer les sangliers pour leur transport », explique Annick Linden.

De plus, un réseau de 150 pièges a été mis en place, avec de très bons résultats. 110 agents du DNF ont aussi été formés au tir de nuit, pour accélérer les opérations de dépeuplement.

Poursuivre les opérations, pour éradiquer le virus

En date du 8 juillet, les diverses mesures prises ont conduit à l’analyse de 3.209 carcasses, dont 824 étaient positives au virus de la peste porcine africaine. La majorité des sangliers positifs ont été retrouvés morts en forêt. Les autres ont été achevés pour raison sanitaire, tirés (c.-à-d. détruits, tirés de nuit ou piégés) ou accidentés de la route.

« Les chasseurs ont été formés aux bons gestes à adopter lors des opérations d’éradication des suidés et d’évacuation et transport des carcasses. »

Depuis avril, l’épidémie est par ailleurs maintenue dans les limites de la zone infectée. Les résultats des analyses conduites ces dernières semaines suggèrent que la maladie circule encore dans une partie de la zone tampon et que le foyer y est encore actif.

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Identifier les causes du mauvais état sanitaire ou de la mort d’un animal sauvage permet de surveiller l’évolution des différents agents pathogènes présents dans le milieu naturel
», explique Annick Linden.
« Identifier les causes du mauvais état sanitaire ou de la mort d’un animal sauvage permet de surveiller l’évolution des différents agents pathogènes présents dans le milieu naturel », explique Annick Linden. - J.V.

« Les efforts entrepris portent leurs fruits… mais il reste du chemin à parcourir pour éradiquer le virus de la province. » Chemin d’autant plus long qu’aucun vaccin n’est actuellement disponible. « Une souche vaccinale est en cours de test par une équipe espagnole. Les résultats sont prometteurs, mais le vaccin se présente sous la forme d’une souche virale atténuée, ce qui soulève deux problèmes. D’une part, les sangliers vaccinés excrètent le virus vaccinal dans l’environnement. D’autre part, la stabilité génétique de ce dernier n’est pas prouvée. Un risque de retour à la virulence n’est pas à exclure. »

C’est pourquoi Annick Linden et le comité stratégique PPA recommandent de continuer les opérations de prospections/extractions pour diminuer la charge virale dans le milieu, d’éliminer les sangliers survivants en zone tampon et de tendre vers un vide sanitaire en périphérie de celle-ci. « Les chasseurs devront être remobilisés pour redémarrer en force dès l’automne. » En zone indemne, une recherche active des sangliers morts est recommandée et toute carcasse retrouvée est analysée. Réduire la densité des populations est également conseillé.

J.V.

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