Viande bovine: des équilibres difficiles à trouver

En France, les abattages de gros bovins ont rebondi de 11% par rapport à la semaine précédente, dont 8% pour les vaches laitières.  Les sorties de celles-ci sont même en hausse de +10% par rapport à 2019. Ce début d’afflux pourrait être lié  à la volonté affichée de réduire la production de lait.
En France, les abattages de gros bovins ont rebondi de 11% par rapport à la semaine précédente, dont 8% pour les vaches laitières. Les sorties de celles-ci sont même en hausse de +10% par rapport à 2019. Ce début d’afflux pourrait être lié à la volonté affichée de réduire la production de lait.

 La filière bovine fait face à un bouleversement de ses débouchés. La restauration hors-domicile (RHD) est toujours quasiment à l’arrêt. En France, les entreprises du commerce de gros spécialisées dans la RHD, qui assurent plus de 70 % de l’approvisionnement du secteur, affichent une perte de chiffre d’affaires comprise entre 80 et 90 % depuis le 15 mars. D’un autre côté, les ventes en GMS progressent et la consommation de viande hachée est soutenue. En l’absence de données de commerce extérieur, il reste cependant difficile de faire un bilan précis.

Hausse des abattages de laitières

En semaine 15, les abattages de gros bovins ont rebondi de 11 % par rapport à la semaine précédente, dont +13 % pour les vaches de type viande et +8 % pour les vaches laitières. Les sorties de vaches laitières sont même en hausse de +10 % par rapport à 2019.

Quant aux cours des réformes, ils ont nettement baissé, tranchant avec leur hausse saisonnière en temps normal. Le pic de prix habituel à Pâques pour les meilleures conformations a été de courte durée. Le cours de la vache U a perdu 10 centimes par kg de carcasse en une semaine pour revenir à 4,38 €/kg (-7 % /2019 et +1 % /2018). Les autres cotations ont poursuivi leur repli.

Les baisses de prix généralisées en Europe ont pour le moment entraîné très peu de réactions de la part des institutions européennes. Quelques mesures de portée générale ont cependant été annoncées début avril : prolongation du délai de dépôt de demandes des aides PAC jusqu’au 15 juin 2020 ; augmentation des avances des paiements directs (de 50 % à 70 %) et des paiements de développement rural (de 75 % à 85 %)… Le Commissaire à l’agriculture Janusz Wojciechowski a surtout mis en exergue la possibilité pour les États Membres de verser des aides exceptionnelles au plafond largement réévalué (jusqu’à 120.000 € par ferme), tout en mobilisant pour cela les fonds encore disponibles du 2nd pilier. Selon la Commission, 6 à 17 milliards € seraient encore mobilisables en 2020 dans l’ensemble des Etats Membres, citant la France où la réserve des fonds issus du 2nd pilier encore non alloués/dépensés s’élèverait à 18 %. Poussée notamment par l’Irlande, la question du soutien à l’élevage bovin viande devrait être abordée lors du prochain Conseil des Ministres de l’Agriculture le 27 avril.

Les prix restent stables pour les gros bovins maigres

En semaine 15, la demande italienne ferme rencontre une offre limitée en broutards : les cours se maintiennent. La demande espagnole en vif français a chuté par rapport à l’an passé tandis que les envois vers les pays tiers sont très limités du fait des contraintes liées à la pandémie.

En Italie, les achats restent en hausse

Les achats de viande par les ménages italiens restent en forte hausse en raison du report de la restauration sur la consommation à domicile. Après un pic à +39 % par rapport à 2019 en semaine 11, la hausse des achats de viandes en GMS est toutefois retombée à +15,5 % en semaine 14.

D’après plusieurs opérateurs italiens, il semblerait que les viandes importées, notamment des globes français et irlandais, commencent à prendre davantage de place dans les rayons des GMS, à des prix très compétitifs (1€ moins cher que les globes italiens). Cela ralentirait la demande pour la viande italienne produite à partir de broutards français qui constitue en temps normal le produit « filière » des GMS, occupant le cœur des linéaires.

Les aloyaux, dont le principal débouché était la restauration, passent en vente au détail, mais au prix d’une perte de valeur. Les industriels doivent donc compter sur une revalorisation du globe pour équilibrer les prix, ce qui est compliqué dans un contexte de concurrence accrue.

Enfin, les marchés du 5e quartier sont à la peine : le prix des peaux est au plus bas en raison de la fermeture des tanneries qui n’ont actuellement plus de débouchés (que ce soit pour l’industrie automobile ou du luxe) et les abats sont également fortement impactés par la réduction de la demande à l’export et en interne.

Les abattages de vaches de réformes sont réduits au strict minimum : abattages d’urgence et quelques vaches pour des approvisionnements d’appoint.

L’activité des abattoirs toujours faible en Allemagne

Le marché allemand est toujours sous la pression de la crise Covid-19. Les abattages demeurent limités. Les abattages de vaches sont ainsi à nouveau en retrait en semaine 15 (6 au 12 avril). Mais l’analyse à la semaine est compliquée par les fêtes de Pâques. En cumul sur les semaines 12 à 15, la baisse atteindrait ainsi -11 % par rapport à 2019, mais avec deux jours fériés en plus.

Les prix restent sous pression, en particulier pour les vaches. Après une pause en semaine 14, les cours repartent à la baisse avec la faible activité des abattoirs. La contraction du débouché RHD et les difficultés à l’export continuent de peser.

En semaine 15, le cours de la vache O a de nouveau perdu 4 centimes par rapport à la semaine précédente, à 2,54 €/kg de carcasse (-12 % par rapport à 2019). Sur les quatre dernières semaines, la cotation a ainsi perdu 33 centimes (-11 %). Les cours des vaches P et R suivent. Ils ont respectivement perdu 23 et 32 centimes en quatre semaines. Ils s’établissent respectivement à 2,12 €/kg de carcasse (-9 %) et 2,69 €/kg de carcasse (-12 %).

Les cotations des jeunes bovins sont également reparties à la baisse en semaine 15, face à la difficulté à trouver des débouchés en Europe, à 3,50 €/kg de carcasse pour le JB U et 3,45 €/kg pour le JB R (-1 % /2019 ; -13 % /2018). Comme pour les vaches, les abatteurs freinent les abattages. Ils ont reculé de 6 % /2019 sur les 4 dernières semaines connues pour les JB et de 37 % pour les génisses.

La déprime continue en Pologne

La Pologne étant très dépendante de l’exportation vers les autres États membres pour la valorisation de sa viande bovine, qui est écoulée principalement en restauration, de nombreux abatteurs ont préféré freiner la production en ne travaillant que 2 ou 3 jours dans la semaine. Après une baisse de 6 % en semaine 11 par rapport à la semaine 10, les abattages de bovins se sont réduits de 36 % en semaines 12. Ils ont ensuite rebondi de 14 % en semaine 13 d’une semaine à l’autre, mais ont rebaissé de 2 % en semaine 14.

Faute de demande, les prix à la production ont littéralement plongé. En 5 semaines, la cotation du JB O polonais a perdu 31 centimes pour tomber en semaine 14 à 2,66 €/kg de carcasse (-10 % par rapport à 2019). Celle de la vache O a stoppé sa baisse en semaine 14, mais à 2,34 €/kg de carcasse elle reste à un niveau très bas (-11 %).

Les prix sortie abattoirs sont également orientés à la baisse, notamment ceux de quartiers arrières de JB qui sont tombés à 3,35 €/kg équivalent carcasse (-6 %).

Au Royaume-Uni, les prix des vaches dévissent

Comme au sein de l’UE, la crise restructure complètement les modes de consommation au Royaume-Uni. D’après Kantar, un montant supplémentaire de 1,4 milliard de livres sterling a été dépensé par les ménages dans l’alimentaire au cours des quatre semaines se terminant le 22 mars 2020 (+22 % par rapport à 2019), juste avant la mise en œuvre des mesures (tardives) de confinement. La viande, le poisson et la volaille ont nettement progressé (+24 %). Concernant la viande bovine, les ménages ont acheté plus de viande hachée (+45 %). Mais toutes les découpes de bœuf ont connu une augmentation significative des volumes achetés : +51 % les rôtis, +20 % pour les steaks…

Mais, en fin de période, seule la vente de haché a nettement progressé. Cette tendance se poursuit depuis et pose, comme ailleurs des questions d’équilibre matière. La question de la revalorisation du haché se pose au sein de la filière bovine britannique. Les découpes à haute valeur ajoutée (aloyau) seraient désormais stockées dans les congélateurs des industriels, à cause de la quasi-disparition de la consommation en RHD. Si les transformateurs britanniques devaient continuer de répondre à une demande croissante en viande hachée, en y intégrant des découpes plus qualitatives, cela pourrait dégrader considérablement la valeur de la carcasse sans une augmentation du prix de la viande hachée. Et pour le moment les prix au détail sont à la baisse : les prix en GMS de la viande bovine hachée maigre (-4 %) comme standard (-1 %) en semaine 15 reculent par rapport à la semaine 14, après avoir stagné pendant 3 semaines.

En temps normal et en moyenne au Royaume-Uni, 43 % du poids de la carcasse, soit environ 57 % de la viande bovine nette, sert à faire de la viande hachée même si cette proportion est variable suivant les opérateurs et la saison (32 % de la carcasse sert à la production d’autres découpes, les 25 % sont les os, le gras, les pertes diverses dont celles liées à la maturation). Cette proportion peut augmenter jusqu’à 53 %. D’après une étude d’AHDB, augmenter de 10 % la part de carcasse hachée, sans revalorisation, entraînerait une baisse du prix de détail moyen de la carcasse d’environ 79 £/tête (91 €) pour une carcasse de 345 kg.

L’analyse d’AHDB propose également un barème de variation du prix en fonction de l’évolution de la proportion de carcasse hachée. Par exemple, avec un niveau de carcasse hachée de 64 % (soit 85 % de la viande nette), le prix de détail moyen de la viande hachée devrait augmenter de 0,65 £/kg (0,75 €) pour compenser la perte liée à l’intégration de découpes plus qualitatives :

En attendant, les cotations des différentes catégories de bovins sont impactées de manière différente, mais le marché est sous pression. En devise locale, les cotations des génisses se maintiennent mais celles des bœufs baissent légèrement. Par contre, les cours des vaches de réforme poursuivent la chute entamée en semaine 13. En effet, la viande de vache est souvent exportée et la demande à l’export a fortement chuté via des difficultés logistiques et de changement de comportement des consommateurs. De plus, la demande au Royaume-Uni change également en raison du transfert de la RHD vers le commerce de détail et cela affecte particulièrement le marché de la vache. Il existe actuellement une très forte demande en viande hachée sans hausse de prix.

D’après Tendances

Lait et Viande (Idele)

Entre recul des abattages et baisse des cours

En 2019, près de 60 % des exportations de viande bovine irlandaise étaient destinés à la RHD et la transformation. Actuellement, ces débouchés sont très limités sur la plupart des marchés. Les ventes de découpes d’arrière en RHD ainsi que la viande bovine destinée à la transformation et habituellement écoulée sous forme de burgers dans les grandes chaînes de restauration rapide peinent à trouver preneur, malgré d’importantes opérations de promotion, notamment vers le Royaume-Uni, l’Italie ou encore l’Allemagne.

La raréfaction des débouchés entraînerait d’ailleurs la congélation par certains opérateurs pour le report des ventes avec cependant une perte de valeur. Ainsi, toutes les catégories sont désormais concernées par la baisse des cours. Mais avec la fermeture des principaux circuits de RHD et des exportations fortement restreintes, ce sont les prix des vaches de réforme qui subissent les plus fortes diminutions. En semaine 14, le cours de la vache O était à nouveau en chute, à 2,59 €/kg éc (+5 % par rapport à 2019) soit 23 centimes de moins en une semaine (-8 %). La cotation du bœuf R a perdu 11 centimes (-3 %), à 3,53 €/kg éc (-3 % par rapport à l’an dernier).

En semaine 15, l’indicateur hebdomadaire d’abattages de Bord Bia montre le ralentissement de l’activité des abattoirs agréés à l’export. Sur les quatre dernières semaines (12 à 15), les abattages de gros bovins ont diminué de 7 % par rapport à l’an dernier. Ce sont notamment les abattages de vaches qui flanchent (-9 %), faute de demande.

Il faut aussi souligner que la filière laitière est sans doute moins touchée en Irlande que sur le Continent, fabricant essentiellement des commodités stockables et bénéficiant du coût de production le plus bas en UE : il n’y a pas d’incitation à baisser la collecte, et les conditions climatiques sont actuellement correctes. L’activité d’abattage devrait maintenant continuer de diminuer dans les prochaines semaines d’après Bord Bia, en lien avec des disponibilités plus limitées après un 1er trimestre dynamique.

Débloquer des aides

à la filière viande bovine

Face à cette situation difficile, l’Irish Farmer’s Association (IFA) a réitéré ses demandes concernant notamment les secteurs bovins et ovin viande auprès du ministre de l’agriculture le 10 avril dernier. Ce dernier a confirmé qu’il présenterait à l’UE des arguments solides en faveur de paiements directs aux éleveurs de bovins et d’aides au stockage privé pour les secteurs de la viande bovine et des produits laitiers.

L’IFA a précisé que les éleveurs de bovins ne pourront tenir jusque-là et demande au ministre d’agir à court terme pour soutenir les producteurs de bœuf par le déblocage, notamment des 24 millions d’euros non dépensés dans le cadre du plan Beef Exceptional Aid Measure (BEAM). Ce plan cofinancé par Bruxelles et qui date de mi 2019, visait à améliorer la résilience de la filière de la viande bovine irlandaise, alors déstabilisée à l’aube du Brexit.

Pour stimuler la consommation, Bord Bia recentre ses campagnes de promotion. Si, comme partout ailleurs, la viande hachée se vend bien dans les supermarchés et les boucheries, l’organisation veut stimuler les ventes de découpes dans les commerces de détail. Une campagne télévisée est ainsi en cours en Irlande pour encourager les consommateurs à acheter de la viande bovine et notamment du piécé. Ailleurs en Europe, Bord Bia a lancé une campagne internet en Italie et une campagne en point de vente en Allemagne pour stimuler les ventes de viande bovine irlandaise.

Les opérateurs attendent désormais beaucoup du retour à l’achat du marché chinois, pays qui semble se relever de la pandémie. Le secteur de la RHD du pays, qui, en février et pendant la majeure partie du mois de mars se limitait aux livraisons, a vu en semaine 15 près de 90 % des restaurants reprendre un service normal, mais avec une fréquentation réduite.

D’après Tendances

Lait et Viande (Idele)

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