Les bonnes questions à (se) poser avant l’acquisition d’un nouveau tracteur

La puissance est classiquement la première caractéristique évoquée lorsque se pose la question de l’investissement dans un nouveau tracteur. Et c’est là que surgit le premier écueil: de quoi parle-t-on concrètement?
La puissance est classiquement la première caractéristique évoquée lorsque se pose la question de l’investissement dans un nouveau tracteur. Et c’est là que surgit le premier écueil: de quoi parle-t-on concrètement? - M. de N.

Parmi les critères de choix à considérer lorsque le moment est venu d’investir dans l’acquisition d’un nouveau tracteur, la puissance de l’engin est la première caractéristique évoquée : 100, 150, 200, 250 ch ? Mais au fait, de quelle puissance parle-t-on ?

La puissance, mais encore ?

Autrefois, un tracteur de 100 ch développait 100 ch, puissance mesurée au moteur. Aujourd’hui, les tracteurs comportent de nombreux équipements qui utilisent une partie non négligeable de ladite puissance.

Dans la jungle des normes

Quelle est la puissance réellement délivrée par le tracteur convoité ? DIN, SAE, ISO, ECE R120… il y a de quoi être perplexe à la lecture des normes et types de puissance mentionnés dans les dépliants technico-commerciaux. « De fait, tous les constructeurs, tous les organismes qui réalisent des tests ont modifié chacun à leur manière les normes de mesure et de testage de la puissance des tracteurs », indique Vincent Cipers.

Selon la procédure de mesure retenue (avec ou sans le volant moteur, le système de refroidissement, la pompe, etc.) et selon la norme choisie, il peut y avoir jusqu'à 12 % de différence entre les valeurs de puissance annoncées les plus extrêmes pour le même moteur ! D’où la recommandation, lorsque le choix se pose entre plusieurs modèles, de bien comparer ce qui est comparable dans l’analyse des spécifications de ceux-ci.

Consensus sur deux données

Heureusement, poursuit Vincent Cipers, depuis quelques années, un consensus s’est dessiné entre une majorité de tractoristes et constructeurs de machines agricoles, autour de 2 données : d’une part, la puissance nette (norme ECE R24), prenant en compte les équipements qui prélèvent une partie de la puissance délivrée par le moteur, et d’autre part, la puissance brute (norme ISO TR 14396, correspondant à ECE R120).

« Il est à espérer que la majorité des constructeurs vont poursuivre sur cette voie d’uniformisation des données relatives à la puissance moteur. Celle-ci devant ensuite être transmise en une puissance de traction, à la prise de force, hydraulique ou, à l’avenir peut-être, électrique. »

Cette mise au point démontre bien qu’avant d’acheter un tracteur de 100 ch, 150, 200, 250 ch, il est très utile de prendre le temps d’étudier dans le détail les données présentées dans les documentations techniques disponibles.

Transport, activités à la ferme, travaux aux champs... il est indispensable d’identifier au préalable où la puissance délivrée sera particulièrement utile: aux roues, à la prise de force, au niveau de l’hydraulique?
Transport, activités à la ferme, travaux aux champs... il est indispensable d’identifier au préalable où la puissance délivrée sera particulièrement utile: aux roues, à la prise de force, au niveau de l’hydraulique? - M. de N.

Puissance maximale

La valeur la plus importante à considérer lors de l’acquisition d’un nouveau tracteur est la puissance maximale, qui est la puissance réellement utilisable par le tracteur.

Il est bon de savoir que les moteurs modernes délivrent leur puissance maximale à un régime bien inférieur au régime nominal, soit aux alentours de 1.500-1.700 tours/min.

Vincent Cipers, responsable Ag-tec des tracteurs et télescopiques Claas»: «Au-delà des paramètres techniques et des contraintes liées aux spécificités de votre exploitation, fiez-vous également à votre expérience personnelle, prenez conseil auprès de votre concessionnaire et écoutez vos confrères.»
Vincent Cipers, responsable Ag-tec des tracteurs et télescopiques Claas»: «Au-delà des paramètres techniques et des contraintes liées aux spécificités de votre exploitation, fiez-vous également à votre expérience personnelle, prenez conseil auprès de votre concessionnaire et écoutez vos confrères.» - M. de N.

Pour quelles activités ?

En Belgique, contrairement à ce que l’on observe dans d’autres pays européens, les agriculteurs ont un usage multiple de leur(s) tracteur(s) : l’utilisation n’est jamais à 100 % en transport ou exclusivement pour des travaux aux champs.

Le futur acquéreur doit clairement identifier pour quel type d’activités il entend utiliser le nouveau tracteur afin de bien cerner où la puissance de traction envisagée doit être particulièrement disponible :

– aux roues pour la traction moteur ;

– à la prise de force. Vincent Cipers relève que, selon les modèles et ou les marques, on les pertes moyennes de puissance entre le moteur et la prise de force s’élèvent à quelque 8 à 16 %. Les documentations commerciales fournissent rarement cette information. Il appartient donc aux acquéreurs potentiels, d’obtenir cette information par d’autres voies (la DLG Allemagne, par exemple). « Un Institut indépendant d’envergure européenne trouverait une utilité évidente pour l’établissement de telles mesures » ;

– pour une utilisation hydraulique (pompe à débit continu ou load sensing…). Dans ce cas, il faudra s’assurer, à l’heure du choix, que le transfert de la puissance moteur vers le système hydraulique se déroule le plus efficacement possible.

Les mensurations, la connectique, l’expérience des chauffeurs... autant de  paramètres à sous-peser également dans la compâraison de plusieurs modèles.
Les mensurations, la connectique, l’expérience des chauffeurs... autant de paramètres à sous-peser également dans la compâraison de plusieurs modèles. - M. de N.

Le boost

Attention à bien interpréter ce que signifie la puissance dite boost. Certains tractoristes annoncent des gains de puissance de 15, 20, 30, jusque 50 ch disponibles dans certaines conditions d’utilisation bien définies – qui ne se retrouvent pas toujours décrites dans les documentations commerciales – et pour une durée limitée dans le temps.

La majorité des « boost » n’entrent en action que lorsque les tracteurs ont au moins une vitesse de 15 ou 18 ou 20 km/h, c’est-à-dire dans des situations où la valeur du couple du moteur du tracteur est beaucoup plus basse que dans des conditions de travail au champ, à 3-4 km/h.

Une raison pour laquelle les tracteurs dotés de tels boost sont conçus sur la base d’une puissance de 150 ch, en prévoyant que dans 10 à 30 % des situations, le tracteur dispose d’une puissance supplémentaire de 15 à 50 ch pendant une période de temps limitée, et certainement pas en permanence.

Ce boost peut s’avérer intéressant lorsque le tracteur est utilisé pour du travail du sol, pendant 80 % de son emploi, et pour des trajets sur la route, avec de temps en temps une grosse charge à tirer, pendant 10 à 15 % du temps. Dans ce mode d’utilisation, la disponibilité d’un boost se justifie. Par contre, il serait faux de prétendre qu’un tracteur de 150 ch et disposant de 30 ch de boost sera l’engin idéal pour le dédier à du travail du sol ; de fait, dans 90 % de ses heures, il ne sera pas capable de développer les « 150 ch + 30 ch » qui seraient nécessaires !

Le choix de la transmission n’est pas la décision la plus aisée à prendre. Plus la composante  hydraulique est présente, plus le confort et la précision sont au rendez-vous, mais toute médaille a  son revers.
Le choix de la transmission n’est pas la décision la plus aisée à prendre. Plus la composante hydraulique est présente, plus le confort et la précision sont au rendez-vous, mais toute médaille a son revers. - M. de N.

La transmission, choix délicat !

Le choix de la transmission est probablement la décision la plus difficile à prendre. Plus la composante hydraulique est importante, plus la conduite est confortable et précise, mais… quelque peu aux dépens de l’efficacité du transfert de la puissance moteur vers la puissance utile aux roues, à la prise de force ou au système hydraulique.

La boîte mécanique

« Beaucoup de clients nous reprochent de ne plus proposer des tracteurs de 150 ch, équipés d’une boîte mécanique toute simple, sans relevage électronique, pour des usages bien spécifiques dans l’exploitation. À cela, je réponds que le marché belge ne représente que 1 à 2 % des ventes de nouveaux tracteurs en Europe. Comment imaginer convaincre les fabricants de faire du cousu main pour une demande marginale de notre petit marché belge, hollandais ou luxembourgeois !

Les avantages de cette transmission sont bien connus : moins chère, transfert efficace de la puissance moteur, peu d’électronique, réparable dans tout atelier, même peu spécialisé, etc.

Au rang des inconvénients, on notera le faible choix quant à la vitesse d’avancement précisément souhaitée, la coupure du couple au moment du changement de vitesse (très pénalisant lors de certains travaux), l’embrayage classique, l’inverseur mécanique, la présence de leviers encombrants, l’absence de « dialogue » entre la boîte et le moteur, la moindre efficacité en consommation, etc.

La boîte semi-mécanique à passages sous charge

L’adoption d’une boîte powershift présente de nombreux atouts par rapport à la transmission mécanique : davantage de possibilités d’adaptation de la vitesse… sous charge, pas de coupure du couple pendant le travail, inverseur électrohydraulique, embrayage multidisques en bain d’huile, transfert efficace de puissance, moins de leviers en cabine, positionnement du bouton de commande plus ergonomique, etc.

« C’est une très bonne solution pour l’utilisateur qui n’a pas le budget, le souhait ou une totale confiance dans les transmissions à variation continue, commente M. Cipers. Le choix est très vaste choix parmi toutes les marques et gammes de puissance. En outre, nombre de ces boîtes sont aussi robotisées, autrement dit, même du passage d’une gamme mécanique à l’autre, c’est l’électronique qui gère le régime moteur, et au transport, cela simule presque le fonctionnement d’une boîte à variation continue. C’est donc une excellente solution pour 75 à 80 % des exploitations en Belgique.

En comparaison avec le « tout mécanique », il y a fatalement aussi quelques désavantages : un prix plus élevé, un coût d’entretien majoré également, une huile de boîte de qualité supérieure et une technologie plus complexe pour l’atelier de réparation.

La combinaison d’outils à l’avant et à l’arrière permet de gérer la répartition du poids et le comportement au champ.
La combinaison d’outils à l’avant et à l’arrière permet de gérer la répartition du poids et le comportement au champ. - M. de N.

La boîte à variation continue (CVT)

L’évolution des pont-moteurs hydrauliques au cours de ces 15 dernières années a permis la concrétisation de cette transmission, rêve de nombreux constructeurs.

Les avantages sont nombreux : plus aucun compromis à faire quant à la vitesse d’avancement idéale, aucune coupure du couple, dans aucune situation, actif-Stop sur pente, joystick ergonomique au lieu de leviers encombrants en cabine, possibilité d’équilibrer le régime moteur et le rapport de boîte sur la base de la charge (communication moteur-boîte), économie de carburant puisque tout est géré à travers l’électronique via des systèmes BusCan (le moteur sait ce que la boîte fait, celle-ci sait ce que le moteur fait et automatiquement le régime moteur est géré sur la base des efforts ou de la gamme choisie par le chauffeur.

A côté de cela, il y a naturellement aussi des paramètres moins favorables : plus cher, utilisation moins efficace de la puissance moteur, les plus hautes exigences quant à l’entretien et la qualité de l’huile, technologie de pointe, nécessite l’intervention d’un atelier spécialisé en hydraulique et électronique, estimation difficile de la valeur d’occasion. C’est l’un des grands problèmes de ces nouvelles boîtes, dont Fendt a été le précurseur. Une sécurité à prendre lors d’un achat d’occasion : demander de pouvoir jeter un œil sur les carnets d’entretien : huiles, filtres, entretiens…, etc.

Attention  : on observe des différences d’efficacité des transmissions CVT entre les différentes marques de tracteurs présentes sur le marché. Chaque constructeur a développé sa propre solution pour faire travailler ensemble les parties hydraulique et mécanique de cette transmission à variation continue et cela engendre des différences d’efficacité qui s’étagent entre 70-75 % et 90 %, traduisant des pertes de puissance de 10 % jusqu’à 25 %.

La spécificité de certaines activités, comme ici l’implantation d’une pépinière de fruitiers, fait aussi partie des éléments à prendre  en considération.
La spécificité de certaines activités, comme ici l’implantation d’une pépinière de fruitiers, fait aussi partie des éléments à prendre en considération. - M. de N.

Les exigences spécifiques

Au-delà des critères détaillés ci-dessus et ci-contre, certaines exigences propres à l’exploitation ou aux chauffeurs sont également à prendre en compte au moment de choisir entre plusieurs modèles.

Il y a, par exemple, des exigences d’ordre technique : une exploitation fruitière, une pépinière, etc. ne recherchent pas le même type d’équipements qu’une exploitation agricole classique.

Les dimensions du nouveau véhicule – la largeur, la longueur, la hauteur – sont également des paramètres à bien prendre en compte.

Et les connexions ? Certains travaux sont plus exigeants que d’autres. Il faut y penser. Par exemple, si le tracteur doit tirer une arracheuse de pommes de terre, il faut veiller à ce qu’il comporte suffisamment de puissance hydraulique, de prises hydrauliques, de connexions électriques pour faire la fonctionner harmonieusement.

Si le nouveau tracteur est appelé à faire du transport, la législation, les organismes de contrôle, la police, la douane, la taxe kilométrique sont également des éléments qui jouent de plus en plus dans ledit choix.

On pensera aussi au confort, aux projets futurs…

Et encore…

Vincent Cipers cite enfin, au-delà des éléments objectifs, d’autres éléments qui peut-être pèsent encore plus lourds : « Écoutez votre famille, écoutez votre éventuel successeur, écoutez votre concessionnaire, et pourquoi pas, aller voir en France, en Allemagne, en Hollande, chez vos confrères agriculteurs, vous entretenir au sujet de leur expérience avec tel ou tel tracteur, dans telle ou telle exploitation. »

Propos recueillis par

M. de N.

DLG PowerMix

Le sigle DLG PowerMix fait référence à des tests aux procédures très élaborées et mis en œuvre dans une grande indépendance. Lorsqu’ils accompagnent des publications, ils constituent un signe de qualité et d’indépendance. Les tracteurs sont testés dans le cadre de situations variées : sur sol lourd, sur sol léger, au transport, animant une herse rotative. La cotation de consommation est une moyenne sur les différentes utilisations.

Le poids du tracteur, pas si anodin que cela!

Les utilisations du tracteur agricole pour le transport en Belgique sont limitées par les contraintes légales d’une charge utile (tracteur, remorque et charge sur celle-ci) traînée maximale de 40 t (voire 44 t). Donc, forcément, plus le tracteur est lourd, plus on réduit la charge qui pourra être transportée. Autant y penser avant !

Pour illustrer l’importance de cette caractéristique, M. Cipers explique que des tracteurs de marques différentes mais de même poids total et de même puissance peuvent manifester des comportements en traction aux champs, à la ferme ou au transport, totalement différents et ce, en fonction des 4 paramètres suivants :

– la répartition du poids total entre l’avant et l’arrière : le poids du tracteur, on ne sait pas le soustraire ; par contre, on peut ajouter du poids à un tracteur si nécessaire, l’idéal étant de combiner un outil avant et un outil à l’arrière. Une autre solution est le système de lestage au moyen de masses modulaires additionnelles qui facilitent l’ajout ou la soustraction de poids en fonction des tâches à effectuer. Plus les poids amovibles sont maniables, plus ils seront utilisés correctement ;

– l’empattement : plus un tracteur est long, plus il sera équilibré ;

– le type, l’efficacité de la transmission ;

– la dimension et le niveau de gonflage des pneus. Trop souvent, les pneus sont gonflés exagérément tant chez les agriculteurs que chez les entrepreneurs. Sur le terrain, on trouve aujourd’hui des pneumatiques qui acceptent une pression de gonflage inférieure à 1 kg, ce qui permet d’élargir l’empreinte, le contact au sol, et donc assure une meilleure traction et réduit le patinage et la consommation.

À noter que ces données de poids (avant, arrière) ne sont pas souvent délivrées dans les brochures commerciales. Il est important de se renseigner, voire de peser le tracteur, avant de fixer son choix.

Envol des prix!

En 15 ans, le prix des tracteurs a presque doublé. Ils ont gagné en confort, avec les suspensions avant, les suspensions de la cabine, les joysticks… Mais ce qui explique surtout cette évolution, note M. Cipers, c’est l’obligation qu’ont eu les motoristes d’adapter tous les 3 ans leur technologie de traitement des gaz d’échappement. « Ces coûts de développement se répercutent sur le prix du matériel d’autant que le nombre d’unités fabriquées n’est pas du même ordre dans le monde du tracteur que dans celui de l’automobile et du camion ; chez les tractoristes, les investissements sont amortis sur un nombre d’unités bien plus faible.

4 cylindres, pression sur les gaz... et confort

Vincent Cipers perçoit trois tendances majeures dans les orientations du marché, à commencer par une évolution vers des tracteurs à 4 cylindres. Autrefois, le tracteur de 100 ch pesait 8 à 10 tonnes, et était équipé d’un moteur de 6 cylindres au minimum. Depuis une vingtaine d’années, les tracteurs sont plus légers et, jusqu’à des puissances de 180, voire 190 ch, leurs moteurs sont des 4 cylindres ! Cette « miniaturisation » est une avancée remarquable : les engins sont plus légers, moins gourmands et plus maniables.

Une autre tendance, dont on parle encore peu, mais qui se dessine, est la poursuite du durcissement des normes antipollution. Jusqu’en 1999, la réglementation en la matière était absente. Depuis lors, les émissions des particules des gaz d’échappement est fortement ciblée. En une quinzaine d’années, ces émissions ont été ramenées quasiment au même niveau que celui exigé pour les voitures. Et ce n’est pas terminé. Après « l’épisode » du TIER IV, règlement 167/2013, une nouvelle réglementation européenne va voir le jour, qui portera surtout sur la sécurité dans la cabine, le freinage, les éléments de sécurité à l’arrière du tracteur, etc. et qui imposera aux constructeurs de nouvelles contraintes dans le développement des nouveaux tracteurs ou fera évoluer le tracteur agricole actuel.

Enfin, l’évolution est aussi est d’ordre technologique sur le plan du confort: le busCAN, l’autoguidage, la connectivité, la télémétrie...

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