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L’agriculture et la forêt au secours du climat

C’est la semaine de la COP26. Les médias résonnent en chœur. Ils feront de même au Qatar, quand le football se jouera au pays des champions du monde des gaz à effet de serre, ceux qui émettent 30 tonnes de CO2 par habitant par an. C’est le double de l’Américain moyen (15 tonnes), quatre fois plus que le Belge, cinq fois plus que le Chinois, soixante fois plus que le Sénégalais. « Ainsi va le monde ! ».

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Dans un même élan, les politiques aussi se trémoussent en chœur. Essentiellement, chacun tire la couverture de son côté. Disons qu’ils font leur métier (…)

À mon petit niveau, j’ai pris ma calculette et je suis reparti des fondamentaux en agriculture. Je sais qu’on peut produire 15 à 20 tonnes de matières sèches par hectare. En céréales, 10 tonnes de grains + cinq tonnes de paille + 1 tonne de racines, le compte est bon. En betterave, 100 tonnes à 18 % de sucre avec quand même un peu de fibres, pareil. En maïs, certainement.

On sait que la matière sèche de nos cultures contient 40 à 50 % de Carbone. En gros, la photosynthèse prend dans l’atmosphère de quoi fabriquer 6 à 10 tonnes de carbone organique par hectare chaque année.

De mon cours de chimie, j’ai retenu que la part de Carbone dans le CO2 est facile à calculer par les masses atomiques : un atome de Carbone fait 12 et un atome d’oxygène fait 16. La part de C (12) dans le CO2 (12+16+16), c’est 12/44 soit 0,27. Inversement, il faut multiplier par 3.66 le Carbone pour savoir combien de CO2 il a fallu prendre dans l’air.

Chacun peut calculer la contribution de l’agriculture dans la réduction des gaz à effet de serre : mettons, par hectare, 8 tonnes de Carbone X 3.66, ce qui fait 30 tonnes de CO2. C’est l’équivalent de ce que 4 Belges envoient dans l’atmosphère.

Il faut bien sûr relativiser : les tracteurs ne roulent pas à l’eau bénite et l’azote, que l’industrie va chercher dans l’air, nécessite aussi de l’énergie. En moyenne, 3 tonnes de CO2 /ha

N’empêche, en termes de bilan, quand un Belge moyen émet 8 tonnes de CO2 par an, un fermier moyen (statistiquement, prenons 60 hectares) corrige le tir en fixant 1.600 tonnes de CO2 dans ses cultures, neutralisant ainsi les émissions de deux cents compatriotes.

D’aucuns diront que les vaches des éleveurs rejettent du méthane (CH4) dont l’effet de serre est 25 X plus élevé que le CO2. Exact, sauf qu’ils ignorent que le méthane disparaît en quelques décennies alors que le CO2 perdure indéfiniment. Le méthane des vaches actuelles ne fait que remplacer celui de leurs mères ou de leurs grands-mères. Pour un nombre de vaches équivalent, il n’impacte pas le changement climatique.

D’autres encore diront que le Carbone fixé par les cultures retourne assez vite dans l’atmosphère, dans les deux à trois ans. Effectivement, quand le citoyen élimine en énergie les nutriments qu’il a consommés, c’est un retour à l’envoyeur. La solution ? Réduire la démographie ? On commence par qui ? Logiquement, il faut commencer par les plus riches qui sont ceux qui émettent le plus (…)

Enfin, dernière critique assez pertinente : la forêt stocke aussi du Carbone, un peu moins que les cultures chaque année mais pour beaucoup plus longtemps. Exact ! La déforestation représenterait d’ailleurs 10 % des gaz à effet de serre selon JM Jancovici. La solution ? Ne pas importer du Brésil ce qu’on peut produire chez nous. Ceux qui mettent des bâtons dans les roues des betteraviers ignorent qu’ils roulent pour Jair Bolsonaro. Il n’attend que cela : de nouveaux marchés pour la canne à sucre à la place de la forêt.

Faut-il rappeler que la déforestation s’est arrêtée avec la révolution agricole ? Depuis, les surfaces en bois ont augmenté de 50 % en une centaine d’années. Il faut poursuivre dans ce sens, et pour cela, ne pas sous-produire dans les zones agricoles.

Produire plus et mieux chez nous permet de laisser de la place aux forêts, ici comme ailleurs. CQFD. Curieusement, les grands émetteurs parlent de bilan et de neutralité Carbone, faisant mine de pouvoir corriger dans un sens ce qu’ils émettent dans l’autre. Mais quand il s’agit d’agriculture, on n’entend toujours parler d’émission, jamais de fixation. Globalement, le bilan est hyper-positif. Pas facile à reconnaître quand on se sert de l’agriculture comme bouc émissaire depuis des années (…) « Ainsi va le monde… »

JMP

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