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La PAC nouvelle est dans la boîte: «La plus grande réforme depuis celle de MacSharry»

C’est finalement à une large majorité que le parlement européen a adopté, le 23 novembre dernier à Strasbourg, l’accord politique trouvé au mois de juillet sur les trois textes (plans stratégiques, OCM et règlement horizontal) de la future PAC qui entrera en vigueur début 2023.

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«   Il s’agit de la plus grande réforme depuis celle de MacSharry, c’est le mérite du parlement que d’avoir transformé cette PAC en une politique plus juste et plus durable, harmonisée avec les objectifs du Pacte Vert » s’est félicité Norbert Lins, le président de la commission de l’Agriculture, quelques minutes après le vote dont il a détaillé la ventilation.

Ainsi, le texte sur les plans stratégiques a été soutenu avec 452 voix contre 178 et 57 abstentions, celui sur le règlement horizontal (gestion et financement) par 485 voix contre 142 et 61 abstentions, et celui sur l’organisation commune de marchés (OCM) par 487 voix contre 130 et 71 abstentions.

« Il faut donner une vraie chance à la réforme actuelle »

Pour rappel, cette PAC qui s’appliquera à partir de janvier 2023, est dotée d’un budget de 387 milliards € jusqu’en 2027 – soit près d’un tiers du budget pluriannuel de l’UE – dont 270 milliards d’aides directes aux agriculteurs.

Les députés ont fait en sorte qu’au moins 10 % des paiements directs soient utilisés pour soutenir les petites et moyennes exploitations et qu’au moins 3 % du budget de la PAC soit alloué aux jeunes agriculteurs. Ils ont également insisté pour qu’une réserve de crise dotée d’un budget annuel de 450 millions € (en prix courants) soit disponible en permanence afin d’aider les agriculteurs en cas d’instabilité des prix ou du marché.

L’Allemand Peter Jahr, rapporteur pour les plans stratégiques, s’est montré soulagé qu’un compromis ait pu être dégagé pour répondre aux attentes en matière d’environnement, d’enjeux sociaux et de sécurité alimentaire.

Les États devront consacrer en moyenne 25 % par an des paiements direct aux éco-régimes entre 2023 et 2027, avec la possibilité de n’y consacrer que 20 % les deux premières années. « C’est une première », a souligné dans l’hémicycle l’eurodéputé allemand.

« 50 milliards € permettront d’en faire réellement plus pour le climat, l’environnement et la biodiversité » a pour sa part souligné Ulrike Müller, la rapporteure centriste allemande pour le règlement horizontal.

« La réforme est riche en innovations, les résultats sont désormais liés à de potentielles sanctions. Les mesures de verdissement pour toute l’Europe, ça ne marche pas, raison pour laquelle nous offrons davantage de marges de manœuvre aux États membres qui pourront mieux décider de son application au niveau régional » a indiqué le démocrate-chrétien Peter Jahr tout en promettant que le parlement surveillera de près la mise en œuvre de cette nouvelle PAC.

S’il plaide pour que l’on donne sa chance à cette nouvelle PAC, il appelle d’ores et déjà de ses vœux une réforme ultérieure qui la « déburocratise ».

Des avancées significatives au niveau de l’OCM

Un cheminement qui a déjà été amorcé pour les États membres avec l’approche du contrôle unique. « Nous voulons des institutions transparentes et un mécanisme de dépôt de plainte pour les exploitants » a déroulé la centriste Ulrike Müller qui envisage cette présente réforme comme un « modèle de transition » qui permettra aux agriculteurs de continuer à être rémunérés pour leurs prestations tout en permettant aux États membres d’établir des plans stratégiques nationaux ambitieux qui puissent être contrôlés, voire refusés par la commission.

Rapporteur sur le volet OCM de la réforme, le socialiste français Éric Andrieu a souligné que c’était la première fois en 30 ans qu’une réforme se traduisait par de « réelles avancées » avec notamment « davantage de régulation » et des sanctions prévues pour les agriculteurs ne respectant pas le droit du travail.

Il s’est félicité que « le dogme soutenu par la commission au début des travaux en trilogue selon lequel les marchés étaient stables s’est délité pour laisser place à une nécessité d’outils en vue d’une stabilisation des marchés ».

Une avancée qui permettra, entre autre, de faciliter le retrait de produits du marché et la mise en place d’observatoires pour suivre au plus près l’évolution des stocks alimentaires afin d’éviter aux marchés de s’enliser dans une crise. Ce sera aussi la possibilité d’offrir de la transparence au niveau des prix et des marges des différents acteurs de la chaîne agroalimentaire.

M. Andrieu s’est toutefois montré sceptique quant aux deux autres règlements en espérant que les plans stratégiques nationaux de chaque État membre puissent être au rendez-vous et à la hauteur des défis de cette nouvelle PAC, tout en souhaitant « bon vent » à la commission pour le contrôle de la qualité de ces derniers.

Plans stratégiques nationaux : le commissaire Wojciechowski promet de veiller au grain

Les écologistes ont pour leur part dénoncé « un cadeau pour les eurosceptiques, l’agro-business et les climato-sceptiques ». Mais selon l’eurodéputé écologiste lituanien Bronis Rope, cette « nouvelle PAC ne permet pas de résoudre les inégalités sociales, ni d’atteindre les objectifs de protection de l’environnement ». Il a également pointé du doigt une plus grande marge de manœuvre accordée aux États membres ce « qui empêchera une bonne mise en œuvre de la PAC ».

Des critiques battues en brèche par les représentants du groupe Renew, dont l’un des membres, l’éleveur français Jérémy Decerle, très actif au sein de la commission de l’Agriculture, a rappelé que le parlement avait travaillé, deux ans et demi durant pour améliorer le texte tout en assurant les moyens économiques pour les agriculteurs. « Il faut arrêter de dire que ce vote n’est pas démocratique. C’est irresponsable et irrespectueux. Il faut apporter de la rationalité dans le débat », a-t-il répondu aux critiques émises par ses collègues.

Le commissaire Wojciechowski a qualifié ce vote de « bon résultat » qui permettra à la PAC d’assurer une transition vers une agriculture plus durable. Mais il promet aussi d’être vigilant sur les futurs plans stratégiques que lui présenteront dans les prochaines semaines les États membres.

« Lors de l’évaluation des plans stratégiques je m’opposerai fermement à toute tentative d’exclure les petites et moyennes exploitations familiales de l’accès aux fonds de la PAC. » Et sur le volet environnemental, le commissaire se veut également ambitieux : « Je veillerai à ce que les États membres introduisent des incitations appropriées pour les agriculteurs dans leurs plans stratégiques. Je veillerai à ce que ces incitations rendent l’agriculture européenne plus respectueuse de notre environnement, de notre climat et du bien-être des animaux.

Au moment où vous lirez ces lignes, les États membres doivent valider les trois textes de base avant publication, le 6 décembre au Journal officiel de l’UE. La législation secondaire urgente devrait ensuite être adoptée autour du 10 décembre pour une entrée en vigueur avant Noël de manière que les États membres soient en mesure de présenter leurs projets de plans stratégiques nationaux avant la fin de l’année. La commission disposera alors de six mois pour les valider.

Marie-France Vienne

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