Se lancer dans la voie du maraîchage diversifié sur petites surfaces est, quoi qu’il arrive, un challenge à relever d’un point de vue économique, technique et physique, mais certains arrivent à perdurer. C’est le cas d’Anne Warnotte, du grand potager à Haltinne, qui partage dans cet article les trucs et astuces qui font son succès.
Pas de recette miracle !
Réussir la culture de plus d’une cinquantaine de légumes, planifier 3 à 4 rotations par parcelle et par an ou encore s’équiper des bons outils pour ne pas s’épuiser en cours de route. Voici quelques-uns des défis que les maraîchers wallons s’apprêtent à relever une nouvelle foi cette saison. Bien moins structuré techniquement que l’agriculture sur plus grandes surfaces, le maraîchage ne se pratique pas en suivant des formules agronomiques et économiques prédéfinies. Chaque maraîcher doit tester ce qui fonctionnera sur son exploitation : le nombre de variété différente à cultiver pour étoffer son offre sans se disperser, les espacements entre ses plants ou encore les voies de commercialisation rémunératrices.
Pas de formules magiques, donc pour cette profession qui rémunère difficilement le temps de travail. Mais certaines bonnes pratiques peuvent être les clefs du succès !
Soixante ares et 50 variétés de légumes
Adapter ses pratiques culturales par essais-erreurs
C’est donc par petits pas depuis huit ans qu’Anne Warnotte développe les pratiques qui fonctionnent sur son exploitation. Les buttes de cultures s’assèchent par exemple exagérément en été, ces dernières années, pour favoriser cette technique répandue en maraîchage et qui permet de préserver la structure de son sol.
Sur le plan de la fertilisation, du compost de ferme est utilisé en début de saison et un peu d’engrais organique séché (type NPK 5-5-5) est apporté pour le démarrage des premières plantations. En saison, du purin ou de la décoction de prêle-consoude-ortie sont nécessaires pour fournir aux légumes certains éléments minéraux qui sont bloqués par le sol trop basique du potager. Anne a remarqué que ce traitement est même indispensable pour la réussite des cultures de chénopodiacées.
De façon générale, la nature rappelle parfois à l’ordre le maraîcher pour lui montrer que c’est elle qui décide. « Nous cultivons sur 2 parcelles différentes et on a beau faire tout ce que l’on veut, sur l’une, nos salades poussent parfaitement, tandis que sur l’autre, elles sont à chaque fois touchées par le sclérotinia ».
Les outils doivent être adaptés aux espacements des légumes
De plus en plus d’outils permettent aux maraîchers de réduire la pénibilité physique de leur travail : chariot de récolte, houe maraîchère, dérouleuse plastique, etc. La gestion des mauvaises herbes, fléau du maraîcher peut quant à elle être facilitée en adaptant exactement les distances entre les légumes à la largeur des outils de désherbage tels que le sarcloir oscillant « Les outils doivent coller avec le repiquage qu’on effectue ».
Des astuces simples permettent aussi d’éviter l’usure physique. Pour les espaces de lavage et de stockage des légumes, par exemple, tout a été fait en béton lissé chez Anne pour permettre de faire rouler les caisses de légumes.
Est-il possible de gagner sa vie en produisant des légumes ?
En vendant aux magasins « Biocap », le prix de vente des légumes d’Anne est inférieur de 30 % à celui de la vente directe. « Mais commercialiser ses légumes est un vrai métier qui prend du temps, temps que je préfère consacrer aux cultures du potager ». Autre avantage de ce type de commercialisation ? Aucune perte de légumes abîmés, détériorés ou non vendus!
Autre astuce pour s’en sortir financièrement: optimiser l’utilisation des surfaces de l’exploitation. Anne travaille énormément par repiquage et non par semis direct, car tant que le plant pousse en pot, il ne monopolise pas l’espace au champ.
Objectif : trois à quatre cultures de légumes différents par an et par planche de culture sur l’exploitation. «Faire ses propres plants permet à Anne d’optimiser au mieux l’occupation de ses parcelles. Elle en profite pour vendre des plants à d’autres maraîchers.
Cette diversification est non négligeable puisqu’elle constitue un cinquième du chiffre d’affaires de l’exploitation, rentrée financière qui arrive à point en début de saison quand les investissements sont les plus lourds.
Le maraîchage explose depuis quelques années mais reste peu encadré
En pleine saison, rater une culture a un impact économique, mais donne aussi un gros coup au moral du maraîcher qui est souvent débordé d’avril à octobre. Le souci, c’est que les maraîchers diversifiés sur petite surface sont peu suivis par des techniciens compétents capables de les conseiller et de les alerter.
« En province de Liège, on a la chance de disposer d’un agronome provincial qui conseille et anime un réseau de maraîchers. Une idée inspirante pour les autres provinces wallonnes ? »
Les conseils variétaux d’Anne
Le petit conseil d’Anne en termes de variétés à tester ? La tomate « orange bleue » et le haricot « pongo » !
Un secret pour «durer»? Garder le plaisir du métier…
Beaucoup de jeunes abandonnent le maraîchage après quelques années, faute de revenu décent ou épuisés. Mais ce renoncement est parfois dû à une combinaison d’éléments défavorables: le choix d’une mauvaise terre, la localisation peu judicieuse du terrain pour de la vente directe, l’éloignement entre le terrain et l’habitation du maraîcher ou encore le manque d’expérience. Autant de facteurs négatifs qui rajoutent des difficultés à un métier qui n’en manquera pas !
Un dernier conseil pour les jeunes souhaitant se lancer ? « Y aller petit à petit, ne pas s’épuiser, choisir du matériel adapté, acheter ses plants dans un premier temps pour sécuriser la production, commencer par aller travailler chez d’autres maraîchers pour se former et s’inspirer ». Mais aussi prendre du plaisir dans son métier! Anne plante, par exemple, des plantes mellifères pour embellir les environs de son exploitation et réalise ses propres semis car elle aime tester des variétés. C’est ça aussi la beauté du métier qui fait perdurer.