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Un métier essentiel

« En avril, ne te déconfine pas d’un fil ! ». Il faut faire gaffe, vraiment gaffe ! Afin de contrer les viles ruses d’un virus vicieux, invisible autant qu’invasif, les pouvoirs publics ont décrété un « Chacun chez soi, et Dieu pour tous ! » particulièrement contraignant. Seules les personnes actives dans des métiers dits « essentiels » sont autorisées à poursuivre leurs activités, moyennant le respect d’un comportement adéquat. Les métiers de la santé, de la sécurité, de l’alimentation, restent sur le pont, forts sollicités en ces temps singuliers. L’agriculture -transparente, inodore, insipide, oubliée, absente des grands débats actuels- fait bien entendu partie de ces professions indispensables à la survie de notre civilisation. Pour nous, rien n’a changé, ce qui étonne beaucoup de gens, stupéfaits de nous voir vaquer à nos besognes, travailler dans les champs, comme si nous n’étions pas du tout au courant du grand désastre actuel !

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Influenza voici cent ans, corona aujourd’hui, l’Histoire repasse les plats d’une pandémie mondiale, d’une autre grippe espagnole aussi traîtresse et impactante, même si en 2020, la médecine est cent fois mieux armée qu’en 1919. Elle a retenu les leçons de cette catastrophe sanitaire, d’une époque pas si lointaine. Ce genre d’épidémie mène ses attaques en plusieurs vagues d’assaut ; il y en eut trois (!) pour le H1N1 voici un siècle, et à chaque fois, le virus avait muté et occasionnait des dégâts considérables dans la population. Ce sera probablement le cas pour ce tristement célèbre Covid-19, puisque son génome a déjà évolué depuis son arrivée en Europe. Bref, on n’est pas encore sorti de l’auberge ! Les grands États du monde entier s’attendent à une lutte encore longue pour venir à bout de ce satané et satanique coronavirus.

Déjà, ils craignent pour leur approvisionnement en nourriture. Et oui, on y revient ! L’alimentation constitue la base, le socle de toute société, pour assurer sa survie et sa pérennité. Ainsi, le Vietnam, troisième exportateur mondial de riz, a suspendu ses ventes à l’extérieur. La Chine, la Russie, le Kazakhstan, l’Inde, la Turquie, l’Algérie…, les USA, prennent des mesures pour assurer l’approvisionnement alimentaire de leurs populations : des restrictions à l’exportation pour les uns, et pour les autres des achats ciblés bien plus importants qu’en temps normal. L’Europe elle-même souffre des entraves au transport à l’intérieur de ses frontières, mais cela n’est qu’un moindre mal, car elle dispose, grâce à la PAC et à la productivité de son agriculture, d’un confortable « garde-manger ». La Politique Agricole Commune de l’UE, souvent décriée et vilipendée par les citoyens européens parce qu’elle coûte soi-disant trop cher, pourrait bien sauver ceux-ci de la famine, et rendre nos régions moins vulnérables que le reste du monde aux chocs du commerce alimentaire.

Hélas, malheureusement, les nations les plus pauvres risquent fort de revivre le scénario des « émeutes de la faim » de 2007, 2008 et 2011 ! L’apparition d’un « nationalisme alimentaire », syndrome du hamster chez les pays riches, fait partie des avatars qui hantent les nuits des responsables de la FAO et de l’ONU. La circulation commerciale des denrées nourricières est fortement ralentie par le Covid-19, et c’est un euphémisme… Plus que jamais, la souveraineté alimentaire, réclamée à cor et à cri par les altermondialistes, se justifie pleinement. Le problème de l’approvisionnement en masques de protection, fabriqués dans des régions lointaines, pose avec acuité le problème des délocalisations. De même, la nourriture -pain quotidien, légumes, produits laitiers, œufs, viandes et fruits- devrait être produite et consommée sur place : il y va de la sécurité alimentaire de toute nation !

C’est pourquoi notre belle profession d’agriculteur mérite le titre de « métier essentiel », une plus ample reconnaissance de la part de notre société ! Et pourquoi pas de petits applaudissements de temps en temps ? Un avenir proche des plus moches pioche à nos portes ; il va sans doute remettre quelques pendules à l’heure…

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