Accueil Législation

Politique agricole commune: le Green deal chamboule les négociations entre les 27

Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a menacé de retirer la proposition sur la future Pac si au cours des négociations qui viennent d’être lancées les objectifs environnementaux du texte n’étaient pas renforcés. Une prise de position qui a fortement irrité les ministres de l’Agriculture des Vingt-sept.

Temps de lecture : 4 min

Les propos tenus par le vice-président Timmermans, en charge du Green deal, qui envisagerait de retirer la proposition sur la politique agricole commune (Pac) s’il jugeait ses objectifs environnementaux insuffisants, ont irrité les ministres de l’Agriculture de l’Union européenne (France, Grèce et Croatie en tête) qui l’ont fait savoir, le 16 novembre à l’occasion de la réunion en visioconférence du Conseil agricole. Lors du lancement des négociations finales en trilogue entre les États membres et le Parlement européen sur la future Pac qui ont débuté le 10 novembre, Frans Timmermans a brandi cette menace pour mettre la pression sur les pourparlers qui doivent aboutir au printemps 2021 ; un accord en mars-avril serait l’idéal.

Dans une lettre adressée le 13 novembre à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, plusieurs eurodéputés du groupe démocrate-chrétien de la commission de l’Agriculture s’étaient également inquiétés des positions « contradictoires » de la Commission.

Wojciechowski tempère

Mais la ministre allemande de l’Agriculture, Julia Klockner, qui préside le Conseil, a été claire : « La Commission a outrepassé son rôle en faisant ce genre de déclaration qui remet en question l’intégralité du compromis trouvé entre les ministres de l’Agriculture. » Un compromis qui va pourtant au-delà de la proposition initiale de Bruxelles qui ne prévoyait aucune enveloppe dédiée aux éco-régimes, a-t-elle souligné qualifiant même les propos de Frans Timmermans de « fake news ». Elle a annoncé qu’elle enverrait un courrier à ce dernier et qu’elle se montrerait particulièrement ferme sur ce point.

Le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, a voulu rassurer, promettant, comme l’a déjà indiqué la présidente von der Leyen, que Bruxelles n’a pas l’intention de retirer sa proposition. « Le premier trilogue (du 10 novembre) a été un bon départ », assure-t-il.

Mais, indique-t-on à la Commission, retirer une proposition est une procédure techniquement faisable. Ce que réfute pourtant le think tank Farm Europe pour qui « d’un point de vue légal, maintenant que les colégislateurs ont adopté leurs positions de négociation et ont débuté les trilogues, le rôle de la Commission n’est plus, légalement, que d’être une aide auprès des colégislateurs pour trouver un accord ».

Timmermans persiste et signe

« Pourquoi suis-je catégorique quant à une nouvelle politique adaptée au Green Deal ? Parce que les positions actuelles sur la Pac doivent encore être améliorées pour respecter notre engagement commun en faveur du climat et mettre en œuvre nos stratégies « De la ferme à la table » et « Biodiversité » », a réaffirmé Frans Timmermans sur Twitter, le 17 novembre, au moment où la Commission européenne présentait un document sur ses ambitions pour la prochaine Pac confirmant que Bruxelles se montrera très vigilante sur le respect des objectifs du Green deal.

« Si certains éléments de flexibilité peuvent s’avérer utiles, d’autres aspects proposés risquent de compromettre l’efficacité des dépenses consacrées à l’environnement et au climat, car ils permettraient de réaffecter les ressources qui leur sont destinées à d’autres paiements au titre du premier pilier, ce qui se traduirait par un impact moindre sur le climat et l’environnement », souligne le document. La Commission veut s’assurer que des enveloppes budgétaires suffisantes soient attribuées aux éco-régimes.

Dans le viseur : les plans stratégiques nationaux

Autre inquiétude de Bruxelles : l’éco-conditionnalité renforcée des aides, dont la portée a été réduite dans les positions du Conseil et du Parlement européen. Ce dernier propose notamment que les exigences concernant les surfaces agricoles couvertes par des éléments naturels ne s’appliquent qu’aux terres arables, ce qui signifierait que 66 % des terres agricoles et 89 % des agriculteurs seulement bénéficiant d’une aide directe seraient concernés. Le Conseil prévoit, lui, que cette exigence de conditionnalité s’applique uniquement aux terres arables et exempte les petites exploitations (inférieures à 10 ha de terres arables). Dans ce cas, 54 % des terres agricoles et 20 % des agriculteurs bénéficiant d’une aide directe seraient couverts. Insuffisant aux yeux de la Commission.

Pour cette dernière, il n’est néanmoins pas nécessaire d’inscrire formellement les objectifs du Green deal dans la Pac. D’une part, ces objectifs n’ont pas fait l’objet d’étude d’impact et, d’autre part, ils ont été présentés longtemps après les propositions sur la Pac.

Mais la Commission compte sur les plans stratégiques nationaux de cette future Pac – que chaque États membres devra faire valider lors du premier semestre 2022 – pour participer à l’effort collectif. Elle a d’ailleurs commencé, le 16 novembre, à adresser aux États membres ses premiers documents de recommandations sur les plans stratégiques au regard des objectifs du Green deal.

A lire aussi en Législation

Une obligation fiscale levée pour les agriculteurs

Législation La nouvelle obligation d’enregistrement des indemnités locatives payées comme frais professionnels est déjà supprimée pour les agriculteurs. Le front commun des syndicats agricoles, l’Agrofront, composé de l’Algemeen Boerensyndicaat, du Boerenbond et de la Fédération wallonne de l’Agriculture (Fwa) appelle le ministre des Finances Vincent Van Peteghem et le gouvernement à rapidement mettre en oeuvre cette modification.
Voir plus d'articles