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Le cadmium, une sucette pour les médias!

Les journaux français se sont délectés en commentant l’émission d’investigation de France 5 le 12 septembre dernier : « Vert de rage » sur le thème du cadmium dans les engrais, les patates et les urines.

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Ayant aussi investigué le sujet à la demande d’un groupement d’agriculteurs l’an passé, j’ai pu lire les commentaires de la presse avec une petite avance sur le citoyen lambda au niveau du volet scientifique.

Comme souvent dans ce genre d’exercice, on se demande s’il faut en rire ou en pleurer. Apparemment, les engrais sont conformes aux normes françaises (90 mg/kg) mais certains ne le seront plus en 2022 (60 mg/kg). Quatre engrais sur neuf analysés sont même en dessous de 20 mg/kg par unités de P2O5 et peuvent faire leur pub sur le thème « pauvres en cadmium ». Idem pour les patates et les urines : on brandit des chiffres en les prenant dans le sens voulu par la démonstration mais sans qu’il y ait, semble-t-il, de dépassements abusifs.

Il faudrait féliciter la profession pour sa maîtrise de la question. Du contraire, c’est l’occasion pour les activistes de se focaliser sur un nouveau combat mêlant tout à la fois les agriculteurs, les engrais, les algues vertes, la pollution, les enfants et le cancer. Soit !

Qu’en savons-nous ? Cet élément est effectivement un métal lourd naturel et cancérigène. Les volcans en crachent 800 à 1.400 tonnes par an. L’Etna, à lui seul : 10 tonnes par an. Les agriculteurs ? 1,5 g/ha/an via les engrais phosphatés. Ceux qui épandent des boues ou composts de déchets verts, trois fois plus. Les cendres de bois sont quatre fois plus riches.

Quel est l’état de nos sols ? La plupart contiennent moins de 2 mg de cadmium total par kg de terre, à l’exception de la région liégeoise. En cause, l’historique industriel de l’industrie du zinc. Les retombées atmosphériques ont disséminé du cadmium pendant 150 ans. C’est un préjudice dont les agriculteurs ne sont nullement responsables.

Il faut savoir que 95 % du cadmium produit est lié à l’industrie du zinc. En 1994, ladite région industrielle produisait 20 % du cadmium mondial, les 2/3 de la consommation européenne. Comme 70 % de cet élément servent à faire des batteries, les besoins ont plus que doublé, mais la production (donc la pollution) s’est déplacée à l’est de l’Asie. On ne produit presque plus de cadmium en Europe. On est nickel. On en a juste besoin pour les voitures et vélos électriques. Comme tout est importé, la pollution au cadmium ne nous concerne plus. On la laisse aux Asiatiques.

En attendant, Carlo di Antonio a abaissé les normes chez nous. Entre la tolérance de 2009 et le décret wallon de 2018 pour les sols, on est passé de 10 mg /kg à 1 mg/kg. Avec ce coup de baguette magique, l’héritage industriel liégeois peut poser problème dans les campagnes. Comme la teneur souhaitée est pointée à 0,1 ppm, au prochain changement, on pourra carrément bloquer toute l’agriculture belge.

Il faut aussi savoir qu’il existe un lobbying industriel. Il y a quelques décennies, les normes ont permis d’éliminer le « phospal » du Sénégal au bénéfice des phosphates d’Afrique du Nord. Les plus pauvres en cadmium, d’un point de vue géologique, viennent de Russie ; celle-ci profiterait d’un nouveau tour de vis écologique. Les activistes « verts de rage » en sont-ils conscients ?

Aujourd’hui, la teneur maximale dans les aliments est de 0,1 ppm. Apparemment, les patates étudiées dans le cadre de l’émission télévisée ont des teneurs plus élevées que celles d’autres départements français, mais sont dans les normes. Les urines des pisseurs de cadmium aussi. Alors, tout ça pour ça ?

Eh oui, l’« Agri-bashing » profite à quelques-uns, indifférents au sort des autres. Deux jours avant cette émission, le journal indépendant « Reporterre » présentait le livre d’une photographe, Karoll Petit, sur le thème de la détresse paysanne dans un monde qui dégringole (https ://reporterre.net/La-detresse-paysanne-dans-un-monde-agricole-qui-degringole). Pour l’illustrer : des photos de chaises vides, celles d’agriculteurs acculés au suicide. Il y aurait deux suicides d’agriculteurs chaque jour en France. Il y a l’effet boule de neige : les dettes, la fatigue mais aussi la non-reconnaissance.

De quoi donner froid dans le dos et rendre encore plus minable la démarche mercantile des émissions qui font leur beurre en fabriquant de la peur.

JMP

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