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La vague en vogue

Dit-on « le » ou « la » Covid-19 ? Quel genre est-il le bon ? Masculin, comme LE coronavirus, LE choléra, LE tsunami, LE confinement, LE masque, LE désastre, LE grand bazar ? Féminin, comme LA COronaVIrusDesease, LA grippe, LA peste, LA peur, LA mort, LA dictature sanitaire, LA bulle, LA distanciation ? Du genre féminin comme LA première vague, puis LA seconde aujourd’hui, et de vagues rochers pour arrêter les vagues ? Qui l’eût cru voici sept mois à peine ? Pour une fois qu’un machin chinois ne tombe pas en panne au bout de quinze jours, il s’agit d’un virus du genre méchant, féminin ou masculin, et qui n’en finit pas d’accaparer l’actualité. Le système de lutte collective a failli, entend-on dire à la télé. À qui la faute ?

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Même les régions rurales sont touchées en ce mois d’octobre. Les signes les plus tangibles, ce sont tous ces masques abandonnés le long des routes et des prairies, avec des canettes, des bouteilles vides, des bouts de papier-WC et autres « crasses » peu ragoûtantes, que les braves cultos comme moi sont bien obligés de ramasser avec des gants, pour ne pas que les vaches ou les moutons s’étranglent en les mangeant. Le virus divague chez nous, de toutes les manières possibles, jusque dans les plus petits villages, les hameaux les plus reculés ! Chacun d’entre nous connaît au moins une, ou plusieurs personnes touchées, la plupart sans beaucoup de symptômes, mais certaines fort affectées. Ainsi, le pire a failli arriver au voisin d’une connaissance, un colosse : 50 ans, 1 mètre 90 sous la toise pour 120 kilos de muscles, le genre de gars qui vous pousse une boule de 300 kg sans effort et d’une seule main. Une voix de stentor, des yeux pétillants, le teint fleuri. Il a chopé le virus en avril, ai-je appris, pour souffrir seulement d’une « très forte grippe », selon ses dires, sauf que celle-ci s’est accrochée longtemps. Je l’ai revu en août. Mon dieu ! Ce n’était plus le même homme : 20 ou 30 kilos de moins, les joues creusées, le teint blafard, les cheveux blanchis, le regard éteint, une petite voix éraillée et la démarche incertaine. Il semblait avoir vieilli de trente ans !

Le (ou la) Covid ne rigole pas ! Il (ou elle) s’attaque aux cellules de l’endothélium, qui tapissent les parois intérieures des organes, des vaisseaux ; il profite de nos points faibles pour y semer la destruction et la mort : dans le cœur, les poumons, les veines et les artères, les intestins, le cerveau… La visite de ce convalescent m’a incité plus que jamais à respecter les consignes de sécurité : porter un masque, garder les distances, rester chez soi et ne voir les gens qu’en des endroits bien ventilés. Quitte à passer pour un « couillon »… À la campagne, faut-il le préciser, c’est plutôt « relax Max » et sans masque, quand on rencontre un autre agriculteur, comme si le virus importait peu, et n’était qu’une invention farfelue, destinée à divertir le bon peuple qui s’ennuie et adore se faire peur. Ceci dit, nous voyons tellement peu de gens qu’il faudrait presque le faire exprès pour être contaminés ! Quoique…

Le Covid-19 est en vogue, et surfe de vague en vague, mais l’on peut difficilement accuser les agriculteurs de favoriser sa dissémination. Pour une fois, on ne nous pointe pas du doigt, nous, les coupables idéaux de toutes sortes de maux ! D’où vient ce rebond ? Les gens voyagent beaucoup ; ils aiment s’amuser, se distraire, comme si leur vie en dépendait. Nous vivons dans une société hédoniste, où la recherche de plaisirs a pris le pas sur un comportement sage et responsable. Le monde agricole a une ou deux guerres de retard, question bêtises et amusements ; nous appartenons à une époque révolue, où l’utilitarisme guidait les réflexions et les actions, où la frugalité était une nécessité et un art de vivre. Je ne comprends pas pourquoi les étudiants font la fête à s’en rendre malades, pourquoi ils gaspillent leur santé et l’argent de leurs parents, au lieu d’étudier ? Pourquoi tant de gens fuient leur habitation pour partir en vacances dix fois par an ? Pourquoi les restaurants et les cafés ne désemplissent pas, en temps (a)normal hors Covid ?

Nos contemporains voguent et divaguent dans le vague, et se demandent comment il est possible qu’un simple virus les ait à ce point privés de leurs repères, de leurs repaires où ils brûlent leur ennui et leur désœuvrement au feu des loisirs. D’ici quelques mois, tout rentrera dans l’ordre et les vagues scélérates du coronavirus, de « la » ou « du » Covid-19, ne seront plus que de mauvais souvenirs. Pour que le monde reprenne sa course folle, et vogue la galère…

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