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Eau la la!

Perchés là-haut sur nos plateaux vallonnés d’Ardenne Centrale, entre Saint-Hubert et Bastogne, nous craignons fort peu les inondations. Je ne pense pas que le niveau des océans et des mers montera un jour de 500 mètres, à moins d’un super-méga tusunami provoqué par la chute d’un astéroïde de belle taille… C’est pourquoi les coulées de boue du Hainaut et du Brabant nous étonnent à chaque fois qu’on les découvre à la télé, lors des JT. Tout simplement effarant ! Comment font-ils leur jeu pour être ainsi piégés par les intempéries, encore et encore, sans trouver la parade ?

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Mais comme on dit chez nous, « le p’tit Jésus m’a puni » d’avoir méjugé les Wallons des basses terres, qui subissent l’envahissement des flots de manière récurrente lors des averses intenses. Vendredi 2 juillet, -jour de l’élimination de la Belgique en quart de finale de l’Euro –, un orage particulièrement fourni en pluie s’est attardé au-dessus de notre ferme pendant vingt petites minutes, sans bouger, comme une grosse éponge gorgée d’eau, pressée au-dessus de nos têtes dans la paluche d’un Titan arroseur. Durant ce court laps de temps, les épais nuages bas se sont délestés d’environ dix centimètres d’eau, mesurés dans un bac vide, soit cent litres au mètre carré ! Je n’avais jamais assisté à un tel déluge, d’une pluie droite, quasi chaude. Un rideau épais d’énormes gouttes serrées les unes contre les autres : le Ciel avait ouvert à fond ses robinets, de toute évidence ! Un large ruisseau d’eau sale s’est formé derrière notre ferme, dans une parcelle de maïs de 10 hectares, configurée en une large cuvette moyennement pentue. Ma petite coulée était riquiqui, bien entendu, comparée aux torrents de boues hesbignons et brabançons, mais tout de même !

J’ai pu ainsi observer un phénomène inédit chez nous, jamais observé de mémoire d’homme ! Ceci dit, cette parcelle était une prairie permanente jusque l’an dernier, quadrillée de clôtures et de petits talus. Le fait de l’avoir labourée et d’avoir arasé ces lignes d’obstacles a sans doute amplifié son effet « cuvette ». Le gros ruisseau éphémère a surtout amené des petits cailloux en contrebas, du gravier et quelques pierres de quartz -nos célèbres « pierres blanches » ardennaises. Dans le Bon Pays, les terres limoneuses et très fines ne contiennent pas ce genre de matériaux, et sont facilement lessivées lors des draches monstrueuses.

Après l’orage, le maïs -haut de 50 cm- était à peine ébouriffé, strié discrètement de-ci de-là de petits sillons, aux tracés garnis de jolis cailloux blancs. Par contre, l’étable des veaux avait pris l’eau ! Ceux-ci meuglaient, ahuris de patauger dans une mare spongieuse, comme les ours et les loups de Pairi Daiza. Ce n’était là que broutilles, à côté des dégâts observés dans les villages du Brabant et du Hainaut. J’imagine sans peine le désarroi et la colère des gens sinistrés… À qui la faute ? La météo ? La configuration des lieux ? Les pratiques agricoles ? Les défauts d’entretien des cours d’eau et des circuits d’égouttage ? Les autorisations de bâtir dans des zones inondables ? Les journalistes accusent souvent les agriculteurs, bien évidemment, et pointent à plaisir l’incurie des pouvoirs publics. Nos surfaces cultivées, il est vrai, sont travaillées aujourd’hui par des engins qui passent les terres de surface à la moulinette, et les réduisent en tapis de fines particules qui se délayent comme du café moulu. C’est excellent pour la germination des semences et le développement des racines, mais ces parcelles aux peaux très tendres résistent très mal aux pluies d’orage. Une pente (même légère), une combe, un vallon, et les flots s’en donnent à cœur joie… J’ai pu le constater en direct, derrière chez moi !

Un homme averti en vaut deux, dit-on ; une femme en vaut trois, disent-elles. Et un converti?? Au moins autant j’espère… Il faut l’avoir vécu pour comprendre à quel point les flots sont puissants ! Il suffirait simplement, dans le cas qui nous occupe, de mieux gérer ces parcelles agricoles en forme d’immenses cuvettes : bien les identifier, creuser des fossés pour détourner les eaux, travailler les terres plus en douceur, alterner cultures et prairies, planter des haies vives… De leur côté, les autorités publiques pourraient mettre tout cela en musique, prévenir au lieu de guérir, interdire la construction d’habitations dans les lieux à risque d’inondation. « Les solutions sont connues, mais leur concrétisation traîne ! », titrait Le Soir ce dimanche. Le climat, à l’avenir, risque fort de proposer régulièrement ce genre d’événements extrêmes. Tantôt, il fera sec durant des mois, à tout brûler ; tantôt, il tombera des pluies diluviennes, à pleurer des rivières… Eau, la la !

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